Décrocher le bac et après?

Daoudi lui-même avait sonné l’alarme lors de la rentrée universitaire 2012-2013 en révélant que l'effectif des inscrits à l'université a dépassé 210.000, soit 34.000 étudiants de plus que prévu. Pire, son département prévoit l’arrivée dans l’enseignement supérieur dans toutes ses composantes de pas moins de 600.000 étudiants à l’horizon 2015- 16, soit un taux de croissance annuel moyen de 7,1% sur la période 2010- 2015 contre 4,4% sur la période 2005- 2010. Ce sont des chiffres effrayants d’autant plus que d’ores et déjà de nombreux étudiants suivent leurs cours debout, quand ils ont la chance de pouvoir entrer aux amphithéâtres…

C’est là une cause la plus visible de la baisse catastrophique du niveau des étudiants universitaires marocains. Il y en a d’autres, peut-être moins visibles, comme le faible niveau de français de l’écrasante majorité des bacheliers, sachant que c’est la langue de l’enseignement universitaire. Sans parler du niveau des enseignants universitaires eux-mêmes pour qui aucune formation de mise à niveau, voire de remotivation, n’est prévue. Du reste, de nombreux étudiants arrivent dans les facultés et les universités faute de mieux. Démotivés, ils ne peuvent crever le plafond, sauf quand ils le font physiquement en suivant l’un des nombreux courants estudiantins contestataires. Dans cette mauvaise ambiance, les lumières ne manquent pas. Et c’est tant mieux.

Des lumières ne manquent pas non plus parmi l’infime minorité qui a la chance de pouvoir prétendre à une place dans les si sélectives Grandes Ecoles étatiques ou encore dans les si coûteuses et peu nombreuses universités privées de classe mondiale. Mais cela ne suffit pas pour éclairer le pays. Sans vouloir gâcher la joie de l’écrasante majorité de celles et ceux qui viennent de décrocher leur bac, leur périple ne sera pas facile. Surtout qu’après l’école, le collège et ensuite le lycée, ils sont très peu outillés pour aborder le grand virage dans leur vie estudiantine. Ils sont encore loin d’avoir un vrai projet d’avenir, un vrai projet de vie. Et peu de professeurs universitaires sont encore capables de créer le déclic nécessaire. Tout cela fait craindre le pire au monde du travail pour lequel se prépare, en principe, ces armées d’étudiants.

Saad Hamoumi est parmi les nombreuses personnes que nous avons interrogées pour la préparation de ce dossier. Le président de la commission PME au sein de la CGEM se montre catégorique. Il va droit au but en pointant du doigt la grande fracture qui sépare l’enseignement, et le monde académique d’une manière générale, de l’univers de l’entreprise. Il en résulte, selon cet homme d’affaires, une méconnaissance programmée de la part des étudiants de tout ce qui se passe dans la vie active. « Et tant qu’il n’y a pas de lien organique entre les universités et les entreprises, on déplorera encore et toujours l’inadéquation de l’enseignement avec les besoins réels du marché du travail », insiste Hamoumi. Et de conclure : « Le schéma actuel est donc obsolète, il va falloir s’inspirer du modèle européen où il y a une forte imbrication entre le secteur privé et celui de l’enseignement et la recherche scientifique ». Il ne s’agira pas de recréer la roue, mais de bien étudier un modèle qui a réussi, qu’il soit européen ou japonais, de l’adapter aux réalités du pays et de l’appliquer, en assurant un suivi rigoureux. Est-ce sorcier ? продвижение сайт