BACCALAURÉAT : Un bac à problèmes

Il fût un temps où réussir son bac relevait de la prouesse intellectuelle et sociale. En quelques années, les choses et les visions ont bien changé «Auparavant, le baccalauréat avait une forte valeur symbolique », se rappelle Driss Kassouri, enseignant-chercheur à la Faculté des lettres de Ben M’sik et membre du syndicat national de l’enseignement supérieur. Synonyme d’un accomplissement intellectuel pour le bachelier, le bac témoignait également de la bonne éducation offerte par les parents à leurs enfants. « La réussite était partagée allègrement par la famille élargie, par les voisins et les amis. Il y avait cette profonde dimension émotionnelle du bac qui en disait long sur l’ampleur des efforts fournis par l’élève et par ses parents.

C’était une reconnaissance morale et publique d’un travail de longue haleine », note Kassouri qui rappelle qu’au-delà de sa valeur morale, le bac était perçu comme un véritable tremplin. « Spécialement pour les bacheliers issus de familles modestes. Décrocher son baccalauréat rassurait l’élève et sa famille quant à son avenir professionnel et son intégration sociale », explique le chercheur en insistant sur la valeur de ce diplôme et de la formation qui ne se limitait pas à fournir des connaissances mais qui préparait également aux futures responsabilités professionnels et sociales du jeune citoyen. « A cette époque-là, le bachelier quittait les bancs de son lycée tout à fait prêt à intégrer le marché du travail. Il y en avait même qui se mariait aussitôt car capables d’assumer tout genre de responsabilités », note Kassouri qui explique cette maturité précoce par la qualité de l’éducation et de l’apprentissage. Lesquelles se faisaient alors sur plusieurs niveaux et ne se limitaient pas à fournir quelques connaissances qui seraient aussitôt oubliées une fois l’examen passé.

« Le bac préparait en effet à l’ultime épreuve, celle de la vie réelle avec tous ses challenges », ajoute-t-il. Si le bac représentait le meilleur ascenseur social pour les enfants de la classe moyenne et des familles modestes, il n’en était pas moins crucial pour ceux issues de milieux aisés. « C’était la grande porte aux métiers distingués tels la médecine, la magistrature, l’ingénierie. C’était également un moyen de plus pour consolider les acquis familiaux en termes socio-économiques », analyse l’acteur syndical. La fin d’une époque et le début d’une autre. Consacrant les valeurs de mérite auparavant, « aujourd’hui réussir son bac n’est pas toujours une preuve d’un effort loyal », regrette le pédagogue qui décrit un changement fondamental dans la perception de ce diplôme et du système éducatif qui a beaucoup perdu de sa crédibilité. « Ce système éducatif qui a échoué au fil des ans et des programmes à produire des modèles de réussite susceptibles de séduire et de convaincre les jeunes générations », déplore Kassouri.

D’après ce dernier, même avec un niveau académique considérable, la plupart des jeunes bacheliers n’ont plus cette maturité intellectuelle et sociale. Malgré les multiples réformes du système éducatif qui a troqué les moyens classiques d’apprentissage contre de nouveaux plus interactifs et plus réactifs, le résultat laisse trop à désirer. « Pire, le changement a engendré d’autres valeurs s’appuyant sur la triche et ‘chtara’ dans son sens péjoratif », fustige le professeur universitaire. Les origines du mal Où a-t-on échoué exactement pour rater le coche aussi lamentablement ? D’après notre intervenant, cet état des lieux est le résultat logique d’une politique éducative prônant le quantitatif aux dépends du qualitatif. Malgré ses prétentions ambitieuses de « produire » des bacheliers bien armés aussi bien en connaissances qu’en compétences, le système éducatif actuel a pêché par orgueil. «On s’est fixé de beaux objectifs sans se donner pour autant les moyens adéquats pour les réaliser.

Une réforme en enseignement n’est pas seulement des programmes, mais c’est également des ressources financières et humaines capables de les porter et de les concrétiser. Comment donner une vie à une leçon si le professeur n’y croit pas ? », argumente Kassouri qui insiste sur l’importance de la formation et de la motivation du corps enseignant dans toute manoeuvre réformatrice. Autre proposition, la réhabilitation du métier de l’enseignant. « Et par la même occasion redonner foi en l’école et en ce qu’elle représente comme valeurs », suggère Kassouri qui insiste sur la mise à niveau du système éducatif national afin de coller aux standards internationaux. Un objectif qu’il estime réalisable avec une volonté politique certaine, mais surtout à travers la création d’organes de contrôle capables d’examiner et de réviser les différents programmes éducatifs, de surveiller et d’évaluer les conditions et le bon déroulement de l’opération éducative sans parler de la grande question des examens.

« Une question qui nécessite la création en urgence de l’agence d’évaluation des examens. Une entité qui est prévue par la loi mais qui tarde à voir le jour », insiste l’enseignant. Ce dernier revient d’ailleurs sur l’importance de la transparence et de l’authenticité des résultats qui sont souvent sujets à des « gonflements » et des « sur-estimations dans une fausse logique de concurrence entre régions ». « D’où des chiffres complètements faussés qui sont loin de montrer le niveau réel de nos élèves », conclut Driss Kassouri. Une course acharnée vers les premiers rangs durant laquelle on oublie les véritables enjeux, principalement l’avenir des élèves qui s’en trouvent réduits à de simples chiffres à afficher en fin de chaque année scolaire sans se soucier pour autant de la suite des événements... купить сканер 3д