Débat. Cher Zemmour, la France a déjà dit son dernier mot

Le dernier livre d’Eric Zemmour s’appelle « La France n’a pas dit son dernier mot ». C’est bien sûr une sorte de motivation pour un sursaut culturel et civilisationnel et en même temps une promesse. Une grosse promesse. Son diagnostic de la société et de la politique françaises reste pertinent même pour un observateur étranger essayant d’être le plus objectif possible, sachant que ce n’est pas toujours facile, la ligne de démarcation entre le subjectif et l’objectif étant parfois très difficile à distinguer.
Oui, on peut lui donner raison, des cultures étrangères foncièrement différentes de la culture française, lancent un défi majeur au pays. Comment venir en France, y chercher une vie plus digne et reconnaître qu’elle offre cette opportunité et en même temps rejeter ses principe fondateurs, sa culture et son histoire? Comment imposer sa vision des relations humaines dans une société qui a construit la sienne sur des siècles de réflexion, de changements et de luttes?
Là, forcément, on peut être d’accord avec Eric Zemmour. Peut-être peut-on lui reprocher sa proposition de franciser les noms des non-Français, les Arabes essentiellement. Si le nom de Jordan ne lui pose pas de problème, parce que c’était la mode américaine des années 80, et les enfants n’y pouvaient rien, le nom de Mohamed l’irrite beaucoup. Même si là aussi, les enfants n’y sont pour rien. Qu’importe, ce n’est pas cela l’essentiel.
Seulement, le diagnostic de Zemmour n’est pas complet. Il reste limité à la zone de confort qui est le mal interne qu’il maîtrise très bien et, disons le, arrive à en parler d’une manière qui ne laisse personne indifférent. La bête a un grand talent, c’est un fait.
Or, si en interne, la France a tant de mal, c’est que, à l’extérieur, cela ne va pas bien non plus. Le pays perd de sa compétitivité économique, y compris dans des territoires qui étaient sa chasse gardée.
Entre 2019 et 2020, sa part dans les exportations de biens de la zone euro a diminué de 1,2 point selon une étude de l'institut Rexecode. Elle était de 13,9%, elle n’est plus que de 12,7 %. C’est une chute vertigineuse par rapport à l’année 2000 où elle atteignait 18%. Conséquence logique, le déficit commercial a augmenté de plus de 7 milliards d’euros, à 65 milliards d’euros en 2020. La situation n’est pas réjouissante et elle a des conséquences, évidemment, sur la vie des citoyens. Autre chiffre éloquent, si les exportations de biens et de services de la zone euro ont chuté de 13,2 % en 2020, celles de la France ont perdu 19,3 %.
Même en Afrique, où la France avait une grande influence, la situation se détériore inexorablement. Elle a perdu la moitié de ses parts de marché en 20 ans. Elle est à 7% actuellement, après avoir été de 12% auparavant. L'ancien ministre Hervé Gaymard, disait que "les exportations françaises ont doublé sur un marché qui a quadruplé, d'où une division par deux de nos parts de marché”. Elles étaient passées de 13 à 28 milliards de dollars sur un marché qui était passé de 100 à 400 milliards. Cela veut tout simplement dire que la France n’a pas pu ou su tirer profit de la dynamique africaine, les pays concurrents ont été plus offensifs.
Ce n’est pas seulement une question commerciale. La France subit les effets de la dégradation de son image dans le monde et plus particulièrement en Afrique.
Selon la dernière édition du baromètre des leaders d’opinion en Afrique, Africaleads, la France arrive à la sixième position après les USA, l’Allemagne, le Canada, la Chine et le Royaume Uni. Ce baromètre est réalisé par l'institut IMMAR auprès de responsables politiques, religieux, de représentants de la société civile, d’artistes et d’influenceurs.
L’image de la France a subi de sérieux dommages à l’international et la fameuse affaire des sous marins australiens en est une des nombreuses manifestations.
Le malaise français, peut venir de l’immigration, on peut le concevoir, mais Eric Zemmour ne veut surtout pas admettre que c’est le décrochage de la compétitivité des entreprises françaises qui exige une immigration de plus en plus importante. Les entreprises françaises sont parmi les plus innovantes au monde, elles ont la paternité de plusieurs inventions et opèrent dans de nombreux pays. Comme les diplomates, les chefs d’entreprises n’aiment pas les conflits ouverts. Aujourd’hui, un simple tweet ou post Facebook peut avoir de l’influence sur une entreprise aussi grande soit-elle. Des campagnes de boycott ont fait beaucoup de mal à des entreprises françaises.
C’est pourquoi, le patronat français est le premier concerné par les thèses belliqueuses de Zemmour. Elles portent en elles le risque du renforcement du sentiment anti-français déjà très répandu en Afrique et ailleurs. Et ce n'est pas bon pour les parts de marché.