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Enjeux sanitaires de Covid-19 : Où en est le Maroc ? Où en est l’Afrique ?
C’est le thème de la conférence digitale organisée par la Fondation Attijariwafa bank, jeudi 30 septembre dans le cadre de son cycle « Échanger pour mieux comprendre ». Une rencontre qui a vu la participation d’imminents experts de la lutte anti-Covid-19.
Hayat Kamal Idrissi
L'équité vaccinale est garante de lutte efficace et durable contre la pandémie selon les experts
Simultanément avec l’annonce de l’allègement des mesures restrictives dans notre pays, les intervenants de la rencontre « Enjeux sanitaires de Covid-19 : Où en est le Maroc ? Où en est l’Afrique ? », se sont livrés à une analyse profonde de la situation actuelle au niveau national et continental.
Equité vaccinale
Ouvrant le débat par la thématique épineuse de l’équité vaccinale, Dr Maryam Bigdeli, représentante de l’OMS au Maroc a rappelé la position de l’organisation mondiale. « En Afrique le taux de vaccination reste très faible. Depuis plusieurs mois, l’OMS n’a eu de cesse de mettre en garde contre l’iniquité vaccinale et son impact direct sur la lutte contre la pandémie dans le monde », s’exprime la représentante lors de cette rencontre. Déplorant une flagrante injustice en termes de vaccination, Dr Bigdeli a rappelé que dans certains pays les citoyens ont 60 fois plus de chance d’accéder à la vaccination que ceux issus de pays pauvres ou n’ayant pas les moyens de s’approvisionner en vaccins. « Enormément de pays dans le continent africain et dans la région Mena n’arrivent pas à atteindre l’objectif de 30% de population vaccinée, un taux que l’OMS espérait atteindre fin septembre. Aujourd’hui on mise sur la fin d’année pour y arriver grâce notamment au mouvement de solidarité internationale qui commence à prendre », ajoute, avec optimisme, la représentante de l’OMS.
Rappelons que l’organisation internationale a lancé un plaidoyer avec le FMI et l’OMC pour une distribution plus équitable des vaccins contre le coronavirus. Des efforts et des appels pour une justice vaccinale qui devrait selon les spécialistes, contrer le virus au niveau international et limiter sa propagation mais surtout ses mutations en variants plus redoutables et virulents. D’après Pr Kamal Marhoum El Filali, Chef de service des maladies infectieuses au CHU Ibn Rochd à Casablanca, il ne faut pas se fier à l’accalmie actuelle de la pandémie. « Il ne faut surtout pas baisser la garde. Nous avons eu d’autres accalmies auparavant et les contaminations ont ensuite reparti à la hausse. Donc la vigilance doit rester de mise même si la situation est actuellement maitrisée. Avec plus de 1000 nouveaux cas par jour, nous ne sommes pas vraiment à l’abri », met en garde Pr El Filali même s’il reste assez confiant quant aux acquis à consolider de cette lutte acharnée.
Vagues et ripostes
Dans le même sens Pr Ghassan Al Adib, médecin réanimateur au CHU Marrakech, affirme que le Maroc a vécu plusieurs vagues de la pandémie et qu’il est arrivé à les affronter grâce aux mesures restrictives adéquates adoptées au bon moment. « Au Maroc, on a vécu de façon visible pour le grand public, deux vagues mais en réalité nous avons eu droit à quatre... Les restrictions nocturnes ont donné leurs fruits en annulant la troisième vague. En réduisant les durées de transmission et limitant la propagation dans les lieux confinés, nous avons réussi à couper le chemin au virus », se félicite le réanimateur.
Réaliste, il note toutefois le fardeau que représentent les variants. « Le problème avec les variants, c’est que ça explose d’un seul coup. Les services de réanimations sont submergés et le système de santé hypothéqué. Nous a une mortalité directe du Covid mais aussi une mortalité indirecte et parallèle causée par l’indisponibilité des soins car accaparés par la lutte anti-pandémique », explique le spécialiste.
Une situation à laquelle le Maroc essaie de pallier en misant sur une large campagne de vaccination qui s’est élargie pour inclure les enfants de 12 à 17 ans à la veille de la rentrée scolaire. Taux d’efficacité ? « On peut constater l’efficacité de la vaccination à travers l’expérience de la dernière vague. Le pic de la vague précédente était 5000 nouveaux cas par jour, celui de la deuxième a atteint 12000 cas. Pourtant nous n’avons pas enregistré une hausse de mortalité proportionnelle à l’augmentation remarquable du nombre de cas. Et c’est justement grâce à la vaccination », argumente Pr Marhoum El Filali. Développant d’avantage son argumentaire, le spécialiste note qu’aux services de réanimation, les personnes hospitalisées étaient pour la plupart non vaccinées ou n’ayant pas eu leurs deux doses.
Priorités
Des données importantes et assez convaincante pour le grand public par rapport au vaccin et à son efficacité d’où l’importance d’en faire profiter le plus grand nombre comme le soutient Dr Maryam Bigdeli. « Le problème central actuellement c’est la primovaccination. Trêve de nombrilisme, il faut penser global et essayer de garantir l’accès vaccinal au plus grand nombre dans le monde entier. L’ouverture des frontières et les mouvements des populations impliquent également la mobilité du virus et de ses variants. D’où l’intérêt de lui couper le chemin via l’équité vaccinale », revient-elle à la charge. Rappelant le rôle du mécanisme Covax, la représente de l’OMS note le grand besoin de financement d’un programme assez couteux mais qui est garant d’approvisionnement durable en vaccins pour les pays pauvres.
Quant à la troisième dose, Pr AFilal et Pr Al Adib s’accordent sur l’importance de renforcer l’immunité des personnes à risques, les frontliners et les personnes présentant des comorbidités. Si l’OMS recommande de vacciner les enfants qui ont des comorbidités, comme l’affirme sa représentante, Pr Al Adib cautionnent le choix marocain de vacciner les 12 à 17 ans. « De nombreuses études ont confirmé l’efficacité et surtout la sécurité des vaccins pours les enfants de 5 à 17 ans selon Pfizer et de 3 à 17 selon Sinopharm. Pourquoi s’en priver surtout si l’on considère le taux de contamination parmi les rangs des enfants par delta. Aussi la vaccination des enfants va nous permettre d’(atteindre cette immunité collective tant convoitée », ajoute le scientifique.
Plutôt optimiste, Pr Afilal voit l’avenir avec une certaine confiance. « Nous avons des vaccins efficaces et en parallèle des médicaments en développement en phase 3. Ceci en plus des essaie antiviraux très utile au début de maladie et qui évite l’évolution vers les formes sévères de la maladie. Ce sont des traitements à prendre chez soi permettant la prévention aux cas contact pour casser le cercle de la transmission », explique le spécialiste des maladies infectieuses. Un avenir plutôt rassurant selon ce dernier. « On est en train de s’acheminer vers quelque chose qui ressemble à la prise en charge de la grippe. Nous espérons qu’on va arriver enfin à mieux contrôler la maladie et de cohabiter avec le virus », conclut Pr Marhoum Afilal.