Societe
Personnes en situation de handicap. Un collectif accuse et l’OFPPT récuse
Un collectif d’associations accuse l’OFPPT de "discrimination envers les personnes en situation de handicap (PSH)". L'Office réfute catégoriquement ces allégations.
Hayat Kamal Idrissi
L'OFPPT réfute les graves accusations de discrimination émises par l'UNAHM et cette ONG demande à voir...
Les membres de l'Union Nationale des associations œuvrant dans le domaine du handicap mental au Maroc (l’UNAHM) ne décolèrent pas. Ils pointent du doigt l’OFPPT et condamnent « les pratiques illégales et stigmatisantes de certains responsables des centres de formation professionnelle à l'encontre des personnes handicapées ».
Ahmed Houat, membre de cette Union assure à L'Observateur du Maroc que beaucoup de ces jeunes se voient refuser l’accès aux centres de formation. « Victimes de discrimination, ils sont privés de leur droit de s'inscrire dans les centres de l'OFPPT. Les conditions d’inscription imposées constituent une sorte d’exclusion sur la base du handicap », s’insurge Houat.
Egalité des chances
De son côté Samira Laghrib, présidente de l’Association marocaine de la dyslexie et membre du collectif, estime que cette exclusion commence déjà avec le formulaire d’inscription et les questions que contient ce document. « Nous ne comprenons pas l’utilité de demander au candidat s’il est atteint d’une quelconque maladie ou handicap. C’est une procédure discriminatoire marginalise et stigmatise ces jeunes dès le départ », déplore-t-elle.
« Les décisions et les conditions imposées par l’OFPPT empêchent les personnes en situation de handicap de poursuivre leurs études dans les centres de formation professionnelle et de jouir de leurs droits à la formation et à l'apprentissage. Le principe de l’égalité des chances s’en trouve profondément bafouée », soutient Ahmed Houat. Ce dernier rappelle que le Maroc a adopté constitutionnellement, légalement, et politiquement le droit à l'éducation pour tous dans sa politique publique.
« Le Maroc a affirmé son rejet de toute discrimination, exclusion ou restriction fondée sur le handicap, y compris le refus d'aménagements raisonnables qui garantiraient que les personnes en situation de handicap puissent jouir, sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de leur exercice », argument l’UNAHM. « Ces dispositions nécessitent la prise en compte des besoins d'apprentissage individuels des personnes en situation d'handicap dans des environnements permettant un développement scolaire et social maximal, et qui sont conformes à l'objectif de pleine inclusion prévues par la loi-cadre n° 97.13 relative aux droits et à la promotion des personnes handicapées et la loi-cadre n° 51.17 portant sur le système d'éducation et de formation », explique Samira Laghrib.
C'est dans les textes
Le collectif fait valoir les textes d'application de ces deux lois et autres notes ministérielles, notamment la note n° 304/19 du 4 juin 2019 adressée au directeur de l'Office de la formation professionnelle et de la promotion de l'emploi, relative à la facilitation de l'accès des élèves et apprenants handicapés aux centres de formation professionnelle. « Des lois et des notes ministérielles qui sont restées lettres mortes », selon Ahmed Houat.
« Nous notons avec regret l'absence de réponse de la part des responsables de l’OFPPT, malgré nos multiples correspondances les appelant au dialogue avec les différents collectifs et associations travaillant dans le domaine du handicap. Nos appels à la direction de cet Office, pour la prise en charge des besoins d'apprentissage individuels et d'accessibilité des personnes en situation d'handicap, n’ont eu jusqu’à maintenant aucune réponse », insiste Houat.
De son côté Samira Laghrib affirme avoir été reçue par l’OFPPT mais sans pour autant arriver à une solution adaptée pour une formation inclusive et un système d’évaluation respectant la spécificité des besoins des étudiants dyslexiques.
« Tout ce que nous demandons c’est d’offrir à ces jeunes les mêmes droits que les autres, qu’ils soient traités sur le même pied d’égalité et qu’ils jouissent des conditions adaptées pour un meilleur apprentissage respectant leur spécificité tout en les protégeant des persécutions psychologiques, les poussant dans certains cas à arrêter leurs parcours scolaire », expliquent Houat et d'autres membres associatifs.
Réponses de l’OFPPT
Souad Ellouzi est directrice de formation au sein de l’OFPPT. Jointe au téléphone par L'Observateur du Maroc, elle assure que l’approche inclusive est au cœur des programmes de formation. « Depuis 2004, l’Office s’est inscrit dans une démarche intégrée, qui place les jeunes en situation de handicap au cœur de ses priorités. A travers nos différents programmes de partenariat, nous avons pu mettre en place des centres dédiés, mixtes et spécifiques, qui prennent en compte les besoins de ces jeunes, aussi bien en matière d’accessibilité et de cursus de formation », affirme la responsable. Cette dernière met en exergue, en particulier, le programme de formation en partenariat avec la Fondation Mohammed V de Solidarité.
« Ce programme a permis la création de dix centres mixtes de formation professionnelle assurant une capacité d’accueil globale de 7000 places pédagogiques et garantissent une offre de formation diversifiée qui répond aux exigences des jeunes présentant un handicap moteur », nous apprend la directrice de formation. Elle ajoute que l’Office compte également dans son dispositif des centres spécifiques à l’instar du Centre National Mohammed VI des handicapés (CNMH) à Salé, qui est dédié aux jeunes souffrant d’handicaps physiques, mentaux et autres troubles apparentés.
« L’OFPPT accorde également une importance particulière aux conditions de formation et de validation des acquis, à travers l’octroi d’un temps supplémentaire aux stagiaires en situation de handicap, pendant la période des examens, tout en leur offrant la possibilité de se faire assister par des accompagnants, désignés par leurs soins, et ce en fonction de la nature du handicap », ajoute la responsable. En réponse aux reproches de l’UNAHM, elle affirme que l'OFPPT assure le traitement continu de l’ensemble des doléances émanant des stagiaires ou de leurs parents. « Nous adoptons une approche individualisée pour répondre à chacune des requêtes, avec beaucoup de réactivité et de rigueur », assure Souad Ellouzi.
« Nous aimerions en savoir plus sur ces chiffres. Des détails sur la nature du handicap de ces personnes, sur les conditions exactes de leur formation, sur la qualification des formateurs et leur capacité à traiter avec ces jeunes, sur l’adaptation des programmes et du système d’évaluation. Cette rencontre qu’on réclame avec les responsables de l’OFPPT servira justement à en savoir plus sur cette réalité », répliquent Ahmed Houat et d'autres membres de l’UNAHM. Tous clament que l’UNAHM ne va pas baisser les bras et que ses membres vont frapper à d’autres portes « juste pour rendre justice aux jeunes en situation de handicap ».