Adil Bennani: "Voitures électriques. il est temps d'appuyer sur le bouton"
La hausse des prix des carburants freine le marché de la vente des véhicules neufs. Mais est ce une opportunité pour booster le segment des voitures électriques? Adil Bennani, président de l’association des importateurs de véhicules au Maroc (Aivam) fait le point.
Mounia Kabiri Kettani
Adil Bennani, président de l’association des importateurs de véhicules au Maroc (Aivam)
L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Quelles ont été les répercussions de la hausse des prix des carburants sur les ventes des voitures neuves?
Les prix des carburants ne cessent de croitre depuis près de 3 mois et cela est le résultat de la conjoncture internationale actuelle. La tendance se poursuit et n’est pas sans impacts sur le marché de la vente des véhicules neufs. Cet élément vient secouer le secteur et s’ajoute à d’autres facteurs qui accentuent l’incertitude qui règne actuellement sur le marché et qui font retarder la décision d’achat chez beaucoup de consommateurs. La tendance est encore plus forte dans le segment des véhicules utilitaires. En effet, la crise de l’Ukraine ne simplifie pas la fourniture de composants de véhicules, la sécheresse du moment complique la donne fortement et le contexte macroéconomique n’est pas très favorable ...Résultats : le marché est en régression de 10% par rapport à l’année dernière. Et la tendance baissière va continuer.
Qu’en est-il de l’impact sur les ventes des voitures électriques ? La flambée des prix des carburants a-t-elle joué favorablement dans ce sens ?
Ça aurait été une bonne opportunité pour générer une augmentation des ventes des voitures électriques. Mais malheureusement ce n’est pas le cas. Et cela est du à plusieurs raisons. D’abord, l’offre en la matière est très réduite. Ensuite, il y a une absence totale du contexte macro-économique adéquat. Pour le moment, il n’y a pas de mesures incitatives à l’achat sachant que la technologie reste plus chère. Un véhicule électrique à volume égal, coûte 30% à 40% plus cher que le véhicule thermique. Cette différence pourra disparaître dans quelques années. Mais pour le moment c’est un facteur à prendre en considération. Si aujourd’hui l’Etat veut avoir un environnement plus propre, c’est à partir de là que l’histoire doit commencer. Vu les changements climatiques, l’électrique s’est imposé petit à petit au niveau international et le volume de production a augmenté pour atteindre cette année 12 millions sur un total de 75 millions véhicules fabriqués. Les coûts de production baissent et dans 5 ans voire 6 ans, le prix d’un véhicule électrique sera presque le même que celui d’un véhicule thermique.
Comment booster alors ce segment ?
En attendant que les prix baissent, il faudra mettre en place deux choses essentielles. D’abord, il est nécessaire de subventionner pour réduire le gap. Ensuite, il faudra investir dans les infrastructures de recharge. Ce sont les deux obstacles à lever. Il nous faut 2000 bornes de recharges dans les 4 prochaines années. Aujourd’hui, le nombre ne dépasse pas les 80. Très insuffisant pour une substitution totale. Et très insuffisant pour encourager ce segment. Nous avons proposé un dispositif aux pouvoirs publics pour atteindre cet objectif sans que cela ne coûte de l’argent à l’Etat et avec la coopération des pétroliers. Pour le moment, on n’a pas encore appuyé sur le bouton. Alors que l’installation de bornes de recharges nécessite du temps. Et cela va retarder encore plus la machine. Toutefois, avoir les bornes de recharges, la prime de subvention, le dispositif fiscal attractif et l’offre adéquate ne vont pas encore régler tout le problème. Il reste deux éléments essentiels : définir le processus de vente de l’électricité et donc mettre en place le dispositif réglementaire nécessaire et avoir la capacité et le flux d’énergie nécessaire pour recharger plusieurs voitures à la fois. En gros, il faut une vraie feuille de route qui regroupe l’ensemble des parties prenantes pour voir comment on pourra aller vers cette mobilité propre. Beaucoup de pays ont déjà franchi le pas il y a une quinzaine d’années, alors qu’au Maroc, nous n’avons même pas encore démarré. En Europe 45 véhicules sur 100 sont hybrides ou électriques et sur les 45, 20 sont purement électriques. En Norvège, 9 véhicules sur 10 qui se vendent sont électriques. Si cela veut dire une chose, c’est que nous sommes très en retard à ce niveau. Et il est temps d’activer le processus.