Espagne
Espagne. Une multinationale quitte Madrid pour raisons fiscales
La situation économique complique les choses pour tout le monde. Les gouvernements doivent faire face à la baisse du pouvoir d’achat des citoyens ce qui exige des recettes fiscales plus élevées. Les entreprises pour leur part, ne peuvent tolérer une charge fiscale supplémentaire qui pèserait sur le compétitivité et leur profitabilité. Elles ont tendance à aller là où les impôts sont les moins élevés. Pour certains, le départ des grandes entreprises est un échec pour les gouvernements qui n’auraient pas su manier la fiscalité de manière à encourager les entreprises. Les gouvernements, quant à eux, aimeraient bien compter sur la fibre patriotique des entrepreneurs, ce qui n’est pas toujours possible.
L’exemple de l’Espagnol Ferrovial, spécialisée dans les infrastructures de transport, est emblématique. La multinationale a décidé de transférer son siège social aux Pays-Bas, ce qui a suscité un débat houleux dans les milieux entrepreneurial et politique en Espagne. A un mois et demi des élections municipales et autonomiques, ce n’est pas une affaire anodine.
Annoncée début mars et motivée par la recherche de ''davantage de stabilité fiscale’’, cette démarche a été confirmée définitivement jeudi 13 avril par l'assemblée générale des actionnaires de Ferrovial qui vise à travers cette décision à cotiser à la Bourse d'Amsterdam et, ensuite, à la Bourse de New York.
L'assemblée, dont le quorum était de 77,6% des actionnaires présents et représentés, a approuvé à une majorité suffisante le dixième point de l'ordre du jour, qui concerne le projet de fusion par absorption de la société mère espagnole Ferrovial SA par sa filiale aux Pays-Bas, Ferrovial International SE (FISE).
Cette opération sociétaire est l'étape préliminaire et nécessaire au changement de siège social et de domicile fiscal de la multinationale espagnole de Madrid à Amsterdam.
Rafael del Pino, président de Ferrovial, et l’un des hommes les plus riches d’Espagne, a souligné que cette démarche "fait partie de la liberté d'établissement qui nourrit l'essence même de l'Union européenne".
Un avertissement clairement destiné au gouvernement, qui s'oppose à l'opération et avec lequel la direction de Ferrovial entretient une confrontation dialectique dure depuis l'annonce de la fusion transfrontalière.
Del Pino a défendu les motivations économiques de l'opération et rejeté qu'il s'agissait d'une opération aux fins de profiter d'une fiscalité favorable aux Pays-Bas et d’exonérations fiscales.
‘’La fusion fait partie du développement naturel de l'entreprise et est essentielle pour stimuler sa croissance, faciliter l'accès aux marchés des capitaux et améliorer sa compétitivité [...]. Les impôts que Ferrovial paiera après l'opération seront très similaires à ceux qu'elle paie avant l'opération’’, a-t-il expliqué.
Surprise et indignation
Surpris et indigné, le gouvernement espagnol a critiqué sévèrement la direction de la multinationale, l’accusant de tirer profit des aides publiques avant d’abandonner le pays.
"Il s'agit d'une entreprise qui doit tout à l'Espagne. Il n'est pas acceptable qu'une entreprise qui est née et s'est développée en Espagne, grâce à l'investissement public des citoyens espagnols, fasse preuve d'un tel manque d'engagement envers son pays", a relevé le ministère de l'Économie après que sa responsable, Nadia Calviño, a eu une conversation téléphonique avec le président exécutif de Ferrovial, Rafael del Pino, pour lui faire part du désaccord du gouvernement avec le départ du géant espagnol de l'infrastructure vers les Pays-Bas, après plus de 70 ans d'histoire en tant qu'entreprise espagnole.
Le gouvernement n’a, cependant, pas encore dit son dernier mot. ‘’Nous attendons les détails (de la restructuration de Ferrovial) afin d'analyser et de suivre de près les implications possibles de cette décision erronée’’, soutient le ministère.
Cette affaire, qui fait la Une des journaux espagnols, est devenue l’axe fort du débat politique à six semaines d’un scrutin décisif. Les partis de l’opposition, plus particulièrement le Parti populaire (PP), ont critiqué la gestion du gouvernement de coalition du départ de Ferrovial, accusant l’exécutif d’infliger des ‘’impôts excessifs’’ aux grandes entreprises.
Pour les partis de l’opposition, les mesures prises par le gouvernement pour faire face à la hausse de l’inflation ont porté atteinte au tissu entrepreneurial ce qui a poussé les grandes sociétés, comme Ferrovial, à réviser leur situation fiscale et à déménager à d’autres pays offrant davantage de protection fiscale.
Toutefois, le gouvernement de Pedro Sanchez, qui dit ‘’respecter’’ la décision de la multinationale espagnole, défend sa politique fiscale et s’engage à attirer les investissements étrangers dans un cadre sûr et favorable.
Avec MAP