Le ministre israélien Nir Barkat : «Nous remercions le Roi Mohammed VI pour avoir rendu possible l’élargissement du processus de paix»
En répondant aux questions de L’Observateur du Maroc, Nir Barkat s’exprime en anglais, mais vous pouvez actionner la traduction en français du contenu de cette interview vidéo, comme vous pouvez lire ci-après la retranscription intégrale de cette traduction.
Monsieur le ministre, Vous avez déjà traversé le Maroc à travers le Rallye Paris-Dakar, mais c'est votre première visite officielle en tant que responsable politique. Vos impressions ?
J’ai effectivement participé au rallye Paris-Dakar et j’ai visité quatre fois le Maroc quand j’étais un peu plus jeune, c’était au début des années 2000. J’étais profondément impressionné par l’amour des Marocains à l’égard des Juifs. Cet amour a commencé par le Roi Mohammed V qui a créé tout un écosystème a réellement soutenu les Juifs. Les Juifs marocains se sentent extrêmement à l’aise depuis des millénaires en vivant au Maroc. Il y a donc de bons souvenirs dans notre pays que gardent les Juifs en provenance du Maroc. J’ai aussi vu la bienveillance exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI que je veux remercier. Je remercie également le peuple marocain pour sa très chaleureuse hospitalité. Il y a tellement d’amour là-dedans d’humain à humain et maintenant de gouvernement à gouvernement, ce qui crée d’énormes opportunités pour l’avenir.
Justement, pour l’avenir, qu’est-ce qu’il y a de concret. Est-ce que vous prévoyez, par exemple, de signer de nouveaux accords dans le cadre de ce Salon ?
Mon impression est que le Maroc est bien positionné. J’ai parlé avec le ministre Ryad Mezzour hier et j’ai vu que le Maroc s’est positionné pour être la porte d’entrée des investissements israéliens en Afrique et en Europe. Nous devons mettre en place les plateformes nécessaires pour permettre aux compagnies israéliennes de créer des joint-ventures avec les compagnies marocaines. Les hommes d’affaires aspirent à développer leurs business non seulement au Maroc, mais à l’échelle mondiale. C’est un élément clé, nous sommes moins de 10 millions de personnes en Israël, et quand nous développons de bonnes technologies, nous aspirons à passer à grande échelle. Nous avons certes des partenaires aux États-Unis, nous avons aussi beaucoup d’activités en Europe, mais vous avez bien vu que l’Inde tente de jouer un rôle pivot en tant que porte d’accès à l’Asie, et le Maroc est bien positionné pour en faire de même ici. C’est en l’occurrence la stratégie du Roi Mohammed VI et du gouvernement marocain, ce qui offre de merveilleuses opportunités pour les entreprises israéliennes. Quand les Israéliens vont comprendre cette donne et je crois que nous commençons à le comprendre, je pousserai vers la concrétisation.
Justement, pour aller vers du concret, est-ce que vous ciblez certains secteurs en particulier ?
J’ai d’abord décidé de nommer, pour la première fois, un chef de mission économique au Maroc que nous enverrons bientôt avec comme principal objectif de développer nos relations bilatérales. Ceci dit, le nombre de clusters d’affaires est vraiment pertinent. Le Maroc est bien positionné pour développer l’aérien, l’industrie automobile. Israël a, quant à elle, des technologies de pointe permettant une parfaite complémentarité. J’ai discuté avec le ministre Ryad Mezzour hier à propos de ces clusters et je n’ai aucun doute qu’ils sont en bonne voie de développement, et nous avons discuté également des opportunités. Nous avons notamment un cluster que nous appelons Desertec axé sur l’amélioration de la qualité de vie dans le désert. Il concerne notamment l’eau, avec goutte-à-goutte. Ce système d’irrigation a d’ailleurs été inventé dans le désert du Néguev, dans le sud d’Israël. Nous avons également échangé à propos de l’énergie, de la production alimentaire, de l’AgroTech, de la FoodTech, de la production de la nourriture à partir de la mer. Nous avons une initiative visant l’élevage du thon rouge et d’autres espèces de poissons pour la création de davantage de produits alimentaires marins. Le Maroc à une énorme façade maritime. Or, nous ne pouvons, de notre côté, approvisionner que 10 millions de personnes. Nous avons donc besoin, à travers nos relations, étendre ces technologies et approvisionner des millions de personnes à travers le monde. Nous avons nos forces et le Maroc a les siens et nous œuvrons à créer la complémentarité nécessaire entre nous. Étant donné que je suis entrepreneur, je regarde vers l’avenir, je crois qu’il y a d’énormes opportunités de coopération dans les secteurs que j’ai cités et également dans les secteurs technologiques classiques ainsi que dans le domaine de la cybersécurité. De nombreuses entreprises israéliennes se lancent généralement aux États-Unis où nous avons le plus grand nombre de licornes, qui sont valorisées à des milliards de dollars. Ces entreprises ont, elles aussi, besoin de s’étendre autant que possible au niveau mondial. C’est la raison pour laquelle nous œuvrons à ouvrir le plus possible d’opportunités pour ces entreprises israéliennes avec la mise en place des infrastructures nécessaires et le ciel est la seule limite.
En tant qu’entrepreneur vous comprendriez les inquiétudes des entrepreneurs qui s’inquiètent en voyant la tension actuelle dans votre pays et avec les Palestiniens. Est-ce qu’il y aurait un apaisement, malgré tout ?
Je perçois chaque défi comme étant une opportunité. Vous savez, Israël est une démocratie florissante et je suis fier de notre démocratie. Le fait est que les gens peuvent manifester dans la rue et exprimer ce qu’ils ont dans leur cœur et ce qu’ils croient, peu importe le bord duquel on se revendique. C’est un signe de bonne santé pour le pays. Nous allons certainement dépasser ce cap. Quand nous parlons du potentiel et des avantages comparatifs d’Israël, ceux-ci ne changent pas. Je vois qu’ils suscitent toujours le même intérêt à travers le monde où il y a une vive volonté d’étendre les relations avec Israël. Donc, je suis très optimiste. Je sais que, parfois, certaines personnes ne comprennent pas qu’en démocratie il y a des conflits et des défis. Et c’est quelque chose de sain. Mais nous voulons tous une démocratie forte. Nous voulons, de notre côté, améliorer cette démocratie à laquelle nous croyons. D’autres personnes pensent différemment, mais nous allons finir par nous entendre. Mais soyez sûr, on peut observer parfois quelques fluctuations, mais le trend reste toujours à la hausse pour les investissements à long terme. Israël est bien positionné pour étendre ses partenariats à travers le monde pour le bien du genre humain. Nous voulons la paix et nous sommes reconnaissants au Maroc à ce sujet et au Roi Mohammed VI que nous remercions pour avoir rendu possible l’élargissement du processus de paix. Lequel processus s’étend désormais à nos amis des Émirats arabes unis et du Bahreïn. Il est nécessaire de rappeler que nous avons 40 ans de paix avec l’Égypte, 25 ans de paix avec la Jordanie et même s’il peut y avoir des hauts et des bas, la voie de notre économie reste orientée vers le sens du progrès en offrant d’énormes opportunités pour nous tous.
Concernant justement les Accords d’Abraham, certains craignent pour l’avenir de ces Accords avec l’arrivée au pouvoir de votre coalition. Que pourriez-vous leur dire ?
La coalition et la majorité des députés au sein du parlement israélien soutiennent le processus de paix. Je me suis rendu aux Émirats avant que je devienne ministre et j’ai partagé mon amour avec les Émiratis. Là encore, si vous observez le trend des échanges économiques, il reste fixé dans le sens haussier. Je reste donc optimiste. Vous pouvez faire le compte, 80 à 90% de nos parlementaires soutiennent les accords de paix. 100% de la majorité soutiennent ces accords et la majorité au sein même de l’opposition les soutient aussi. Il n’y a aucune raison de s’inquiéter.
Vous avez déclaré dernièrement que vous accepterez, à titre personnel, la décision de la Cour suprême si celle-ci abrogeait la loi concernant la réforme de la justice dans votre pays. Vous avez créé une polémique même au sein de votre propre parti. Vous maintenez, malgré tout, votre position ?
Nous avons besoin de calmer les esprits. Quand nous touchons à des points de divergence, délicats, entre la législation, le parlement et le gouvernement, nous avons besoin de procéder sur la base du plus large consensus possible. Nous avons besoin d'apaiser le peuple israélien. Nous aspirons à une grande démocratie et nous sommes une grande démocratie et nous devons le rester à l’avenir. Alors, mettons de côtés les divergences et entraidons-nous en tant qu’Israéliens. La majorité de notre population a conscience du changement nécessaire à apporter à notre système et nous allons y parvenir.