Samir Rachidi: "Plusieurs verrous persistent pour le déploiement de la chaine de valeur de l’hydrogène vert"

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : La carte mondiale de l’industrie de l’hydrogène vert est en train de se dessiner. Quel positionnement du Maroc dans ce secteur ?
Samir Rachidi : Le Maroc peut se positionner dans le marché mondial de l’hydrogène vert et été identifié parmi les rares pays au monde ayant les plus importantes potentialités pour en produire. Il a d’ailleurs déjà pris les devants grâce à ses choix stratégiques et les orientations royales. La filière se positionne aujourd’hui comme un axe majeur de la stratégie énergétique du Maroc, offrant de nombreuses opportunités à saisir. Et le pays possède un grand potentiel dans le domaine, surtout que selon de nombreuses études, il dispose d’atouts incontournables pour produire de l’énergie renouvelable à un coût compétitif.
Nous avons l’avantage d’avoir des sites qui combinent solaire et l’éolien en plus de la disponibilité de l’eau de dessalement. Rares sont les pays qui disposent de ces trois sources d’énergie renouvelable à la fois, qui permettent de produire de l’électricité propre, laquelle à son tour est utilisée dans la fabrication de l'hydrogène vert, que nous pouvons stocker de la même manière que les énergies fossiles. Autres atouts indéniables : la disponibilité du foncier surtout que ce genre de projets nécessite une mobilisation importante sur ce volet et la proximité du marché européen.
Quelles avancées dans le déploiement de cette industrie?
Le Royaume est un pays pionnier et proactif dans la région pour l’exploration de son potentiel et de préparer les étapes nécessaires pour le déploiement de cette économie à forte valeur ajoutée. En tant qu’institut de recherche, et en partenariat avec l’UM6P et le groupe OCP, le travail a commencé depuis quelques années déjà, plus particulièrement en 2018, en lançant les études préliminaires mais aussi en participant à l'établissement de la feuille de route et maintenant de plus en plus avec l'élaboration de projets pilotes, à petite échelle certes, mais qui permettront de renforcer les capacités, localiser l'expertise et qualifier un capital humain qui est capable de déployer cette filière industrielle en phase avec les hautes orientations du Roi Mohammed VI qui a donné ses hautes instructions au gouvernement pour préparer une offre Maroc afin de pouvoir attirer les capitaux et les projets à très grande envergure et à très forte valeur ajoutée créatrice de richesse et d'emploi.
Quid des utilisations de l’hydrogène vert ?
L’hydrogène vert est fabriqué à partir d’un processus d’électrolyse de l’eau. Ce procédé est qualifié de vert parce qu'il est obtenu à partir d’électricité, elle-même produite à partir de sources renouvelables. Il peut être utilisé comme matière première pour la production d'ammoniac (utilisé comme engrais) et de méthanol (utilisé comme carburant ou solvant dans diverses industries telles que les plastiques, les ciments, les encres et les peintures). Il peut être stocké, transporté et utilisé dans une multitude de domaines, allant de la production d'électricité à la mobilité en passant par les processus industriels
L'hydrogène vert peut être stocké, transporté et utilisé dans une multitude de domaines, allant de la production d'électricité à la mobilité en passant par les processus industriels.
Son utilisation présente de nombreux avantages par rapport aux combustibles fossiles conventionnels. Lorsqu'il est utilisé, il ne génère pas de gaz à effet de serre, ce qui contribue à la réduction des émissions de carbone et à la lutte contre le changement climatique.
Quels défis à relever pour atteindre les objectifs escomptés ?
Aujourd’hui, cette thématique est en train de connaitre beaucoup d’engouement. Mais, pour son déploiement à grande échelle, plusieurs verrous persistent d’ordre réglementaire, législatif, économique, financier, technologiques…Pou cerner ces verrous, il faut s’intéresser à l'ensemble de la chaîne de valeur de l'hydrogène vert en partant de sa production, et passant par son transport, son stockage, puis sa distribution, sa conversion à d'autres molécules et aussi son utilisation finale.
Dans l’ensemble de cette chaine de valeur, des défis restent à relever et des efforts sont à déployer notamment sur le volet R&D et innovation.
Dans l’ensemble de cette chaine de valeur, des défis restent à relever et des efforts sont à déployer notamment sur le volet R&D et innovation. Nous avons par exemple des soucis de rendement au niveau des électrolyseurs et de leur durabilité, de disponibilité de matériaux nobles comme le platine ou encore le ruthénium…des matériaux rares et très chers…Autre défi à relever : former la nouvelle génération de chercheurs principalement jeunes et aussi contribuer à augmenter l'expertise des professeurs chercheurs au niveau des universités et des centres de recherche afin de démystifier déjà ce sujet, le comprendre et puis commencer à proposer des solutions adaptées pour cette filière dans notre pays.