Familles des enseignants décédés dans le séisme : " Nos enfants sont des martyrs du devoir "
" Dix de nos collègues avaient perdu la vie dans le séisme à Al Haouz, Chichaoua et Taroudant. Des femmes et des hommes qui sont morts dans les régions où ils enseignaient, où ils s'acquittaient de leur devoir. Certains sont morts avec leurs proches qui les accompagnaient ", nous affirme au téléphone Achraf Aymane, membre de la Coordination des enseignants contractuels section Al Haouz.
Dix enseignants décédés, dix familles dévastées par leur perte. " Pour dire vrai, rien ne peut compenser leur absence et apaiser la douleur de leur perte brusque. Mon frère Karim et sa femme Fatim Zahra qui enseignaient dans la commune de Mzoda à Chichaoua, leur bébé de trois mois et ma mère sont tous morts cette nuit là. Mon père et mon autre frère sont toujours sous le choc et n'arrivent plus à manger ni à dormir ", nous raconte, la mort dans l'âme, Ismaïl Chaoui, le frère de l'enseignant Karim Chaoui.
Un peu de reconnaissance
Le jeune homme nous décrit, la voix tremblante, comment " le reste" de la famille est dévasté. Quant aux réclamations du statut de martyrs du devoir pour son défunt frère et sa belle soeur, " Je crois que ça sera une belle initiative, un geste de reconnaissance envers les morts mais aussi envers les vivants. Un geste qui pourrait peut être " atténuer " un peu la souffrance des familles ", commente Ismail Chaoui.
Même avis du côté de Lahssen Benouisse, frère de Mbarek Benouisse l'enseignant originaire d'Oulad Tayma et mort à Taroudant près de son lieu de travail. " La promotion posthume est la moindre des choses à faire par le ministère vis à vis des enseignants qui sont morts dans les régions où ils exerçaient leur devoir ", note le frère qui affirme cependant que rien ne peut atténuer la douleur de sa mère et de toute sa famille.
Aide financière
" Un soutien moral qui devrait être doublé d'une aide financière aux familles dont certaines dépendaient complètement de leurs fils ou leur fille décédés dans le séisme ", réclame le représentant de la coordination des enseignants. Les mêmes doléances ont été par ailleurs formulées par les quatre syndicats de l'éducation ( CDT, UMT, FDT, UGTM ) dans un communiqué conjoint rendu public en fin de semaine. S'exprimant auprès de la tutelle à l'occasion de la dernière réunion consacrée au statut unifié des enseignants, les syndicats l'ont appelé à accorder un soutien exceptionnel aux familles des enseignants victimes du séisme .
" Ma fille Fatim Zahra est morte avec son mari et son bébé à Mzoda. Elle venait d'accoucher, son bébé avait à peine trois mois. Depuis sa mort, sa mère est dans un état second. Nous avons perdu notre fille chérie mais aussi notre seul appui dans ce monde. C'est elle qui prenait en charge notre famille, son frère et sa soeur et leur scolarisation ", se plaint Mehdi Kadaoui, père de Fatim Zahra.
Le verbe ému, ce père avoue que depuis des semaines, il tourne en rond, qu'il se sent complètement perdu. " Je n'ai pas d'emploi fixe. Je vivote de petits boulots. Fatim Zahra était notre sauveuse ", nous confie-t-il, gêné. Entre la douleur de la perte et le sentiment d'insécurité financière, ce père de famille reconnait son besoin pressant de soutien. " La Fondation Mohammed VI nous ont offert 18.000 dhs suite au décès de Fatim Zahra. Une somme qui nous a été d'une grande aide ", ajoute-t-il avec gratitude.
Soutien durable
" Mais la Tutelle devrait assurer un soutien permanent aux familles en reconnaissant le statut de martyrs du devoir aux enseignants décédés. Ces derniers sont dans la majorité des contractuels qui n'ont pas de droits "posthumes" ", revient à la charge Ayman Achraf. " Le cas des frères Hussein et Hakim Aghenda tout deux enseignants décédés à Al Haouz est éloquent. Leur père, leur mère et leur frère ont également péri avec eux. Seule leur jeune soeur a survécu mais avec de lourdes séquelles dont de graves fractures et une insufisance rénale. Comment cette fille va-t-elle survivre sans famille et sans revenu ? ", s'interroge le représentant de la coordination.
Il en appelle la tutelle à prendre exemple sur les autres ministères notamment l'Intérieur qui reconnait immédiatement le statut de Martyr du devoir aux policiers morts en s'acquitant de leur mission et en protégeant leurs proches du besoin. Le Ministère de l'éducation répondra positivement aux doléances des représentants des enseignants ? A suivre !