Deep Tech en Afrique : Défis et opportunités

L'Observateur du Maroc et d'Afrique: Quel est l'état actuel du financement des startups de haute technologie en Afrique et quelle importance revêt la "Deeptech" dans ce contexte ?
Yassine Laghzioui: En 2023, l'Afrique a réussi à mobiliser plus de 4 milliards de dollars, un chiffre significatif bien qu'il représente moins de 1 % du capital-risque mondial. Cependant, il est encourageant de constater un intérêt croissant des investisseurs internationaux et locaux pour les startups africaines axées sur les technologies de pointe. Bien que le digital soit dominant, nous croyons qu'il est essentiel d’accorder une importance particulière à la "Deeptech". Cette dernière englobe toute innovation révolutionnaire développant de nouvelles technologies, produits ou services, souvent issus de la R&D ou de l'ingénierie avancée. L'un des principaux avantages de ce type d'innovation est son accès à un marché mondial. Un deuxième avantage réside dans le fait que les barrières à l'entrée ou les avantages comparatifs sont locaux. Cela signifie qu'il est très difficile pour une autre startup ou entreprise de rivaliser avec celle-ci.
De plus, la valorisation de la propriété intellectuelle associée à ces innovations permet aux startups de lever des fonds pour soutenir leur croissance. En somme, nous considérons que le digital est crucial, mais nous tenons également à souligner l'importance de Deeptech pour le développement durable de notre continent, ainsi que du monde entier.
Quels défis spécifiques sont confrontés en Afrique et au Maroc ?
Malgré notre optimisme et notre conviction, nous sommes également conscients des défis à relever en Afrique. Le premier défi majeur est la fragmentation du marché. Bien que l'on puisse penser que l'Afrique constitue un vaste marché de 1,4 milliard de personnes, en réalité, la fragmentation entrave cette vision. Les zones de libre-échange sont limitées, ce qui complique la tâche des start-ups pour s'étendre d'un pays à l'autre. Ainsi, les entreprises peuvent parfois trouver plus de facilité à opérer en dehors de l'Afrique que sur le continent lui-même. Cette problématique nécessite une discussion et une action concertée de la part des acteurs gouvernementaux, non gouvernementaux et privés afin de débloquer le potentiel économique de l'Afrique. Le deuxième défi majeur réside dans les infrastructures. Le déficit en infrastructures en Afrique dépasse les 100 milliards de dollars, englobant divers secteurs tels que l'énergie, la logistique, la recherche et l'industrie.
Tous ces éléments sont en réalité des pré-requis essentiels pour le développement de tout écosystème. Cependant, il existe un écart important entre le talent disponible et les besoins des start-ups et des entreprises, en particulier dans le domaine des technologies avancées. Avec 60 % de la population africaine âgée de moins de 25 ans, le continent regorge d'un immense vivier de talents qui pourraient alimenter cette évolution et cette transformation. Malheureusement, ce potentiel reste largement inexploité en raison du fossé important entre les compétences de la main-d'œuvre et les exigences du marché. Néanmoins, je reste optimiste quant au rôle que le Maroc et l'Afrique peuvent jouer, et je crois fermement que ces défis peuvent être transformés en opportunités.
Comment l'intelligence artificielle peut-elle contribuer à résoudre les défis actuels ?
Autrefois, l'avantage compétitif des entreprises dans le domaine de l'intelligence artificielle résidait dans le développement de modèles. Désormais, l'IA est devenue monétisable, plaçant les données au cœur du processus. De surcroît, l'accès aux plateformes d'apprentissage en ligne facilite la formation pour le développement de matériel. Aujourd'hui, le fossé en termes de connaissances neuronales se réduit. En théorie du moins, nous avons la capacité de progresser davantage. Considérez l'évolution technologique : des millénaires ont été nécessaires pour chaque avancée majeure, comme la découverte du feu, puis l'agriculture. Aujourd'hui, les innovations de rupture se succèdent, promettant de révolutionner nos vies et l'industrie. C'est une chance pour l'Afrique de rattraper ce rythme, de saisir l'opportunité de changer le paradigme et de développer des technologies « Made in Africa » pour un impact mondial.