Flambée de l'or. Les vraies raisons de la crise
Le secteur bijoutier marocain est gravement affecté par la flambée des prix de l’or, la contrebande et l’absence de régulation adéquate, menaçant sa viabilité économique. Le président de la Fédération nationale de la profession, Driss El Hazzaz, détaille les raisons de cette crise et expose les défis auxquels sont confrontés les professionnels du secteur.
Mounia Kabiri Kettani
Le secteur bijoutier marocain se retrouve ainsi à la croisée des chemins, entre des pressions internationales et des distorsions locale.
Le marché mondial de l’or traverse une période de turbulence, et le Maroc n’est pas épargné. La flambée des prix internationaux fragilise profondément le secteur bijoutier marocain, déjà confronté à des défis spécifiques. Driss El Hazzaz, président de la fédération nationale des bijoutiers, représentant plus de trente-quatre associations professionnelles et trois coopératives, tire la sonnette d’alarme : le secteur est aujourd’hui en péril.
Une hausse historique des prix de l’or
Ces derniers mois, le cours de l’once d’or a franchi la barre historique des 2 000 dollars. En conséquence, le prix de l’or 18 carats au Maroc a grimpé à 627 dirhams par gramme. Selon El Hazzaz, cette augmentation est due à une combinaison de facteurs mondiaux et locaux, exacerbée par une spéculation intense. « L'écart entre les prix locaux et ceux de la bourse internationale atteint près de 90 dirhams par gramme, soit 10 % de plus », précise-t-il. Cette différence s’explique en grande partie par la spéculation qui pèse sur le marché marocain, rendant difficile la prévision des coûts pour les bijoutiers.
La volatilité des prix, un défi quotidien
Pour les artisans bijoutiers, la volatilité des prix constitue un véritable casse-tête. « Les fluctuations de prix au cours d'une même journée sont parfois si importantes qu’il est impossible de planifier », déplore El Hazzaz. Ces variations imprévisibles affectent directement la rentabilité des artisans, qui détiennent souvent des stocks importants. Par ailleurs, les réseaux sociaux amplifient ces dynamiques en propageant des rumeurs alarmistes. « Les annonces de hausses spectaculaires, comme celle prédisant un prix de 1 000 dirhams par gramme, ne sont que des fantasmes », affirme-t-il. Ces spéculations infondées provoquent des vagues d’achat frénétiques, aggravant la distorsion des prix.
Contrebande et marché parallèle
En plus de la spéculation, le marché marocain de l’or est plombé par un problème majeur : la contrebande. « Ce sont cinq ou six individus qui monopolisent le marché de la contrebande au Maroc, dictant leurs propres prix », s’insurge El Hazzaz. Environ 80 % de la matière première qui circule dans le pays provient du marché noir, un phénomène qui pénalise les commerçants respectueux des règles et fragilise l’ensemble du secteur.
Ce problème s’étend également aux importations de matières premières, où des blocages administratifs freinent les acteurs légitimes. Les entreprises agréées ne peuvent transférer qu’un maximum de 18 000 dollars, représentant 30 % de la commande, alors que les fournisseurs demandent une avance de 90 % à 100 % pour se protéger des fluctuations des prix. « Il est urgent que l’office des changes révise ses dispositions pour ce secteur, qui emploie des milliers de personnes », insiste El Hazzaz.
Le recyclage des bijoux anciens constitue une autre source d’approvisionnement en or. Malheureusement, le professionnel souligne que ce processus entraîne souvent la fonte de pièces rares et historiques, compromettant ainsi le patrimoine immatériel du pays. « C’est vraiment dommage de voir notre richesse nationale se perdre ainsi », regrette-t-il. Malgré cela, même avec le recyclage, le marché national peine à satisfaire plus de 20 % de la demande en or.
Une tentative de stabilisation du marché
Face à ces multiples défis, la fédération des bijoutiers a pris une décision radicale : suspendre temporairement l’achat de matières premières. Cette initiative visait à freiner la spéculation et à stabiliser les prix. Depuis cette mesure, une légère baisse de 50 dirhams par gramme a été observée, mais cela reste insuffisant. « L’écart entre les prix internationaux et ceux du Maroc atteint toujours 70 dirhams par gramme, ce qui complique le commerce pour les artisans », note El Hazzaz.
Taxation et manque de raffineries locales
Les entreprises minières marocaines jouent un rôle crucial dans cette situation. Deux problèmes principaux ont été soulevés lors des discussions avec la Fédération nationale des bijoutiers. Tout d’abord, les mines bénéficient d’un taux d’imposition de 17,60 % à l’exportation, contre 30 % sur les ventes locales. Cette disparité incite les acteurs à privilégier les marchés internationaux, au détriment du marché local.
D'autre part, l’absence de raffineries locales empêche le pays de valoriser ses propres ressources. Le Maroc exporte la majorité de ses matières premières en semi-brut vers des raffineries à l’étranger pour leur transformation. Driss El Hazzaz, président de la Fédération, s'interroge : « Pourquoi une raffinerie locale n’a-t-elle toujours pas vu le jour alors que le pays dispose des compétences nécessaires pour procéder au raffinage de l'or et de l'argent ? ». Ce manque d’infrastructure freine le développement du secteur, limitant sa capacité à répondre à la demande nationale et à valoriser la production locale.
Un potentiel inexploité à l’international
Malgré ces difficultés, le Maroc détient un savoir-faire reconnu dans le domaine de la bijouterie. Les bijoux traditionnels marocains sont très prisés sur les marchés internationaux, notamment dans les pays du Golfe, en Europe et aux États-Unis. « Le potentiel du marché marocain reste sous-exploité », déplore El Hazzaz.
Il pointe du doigt le manque de promotion adéquate à l'échelle internationale. La Maison de l'artisan, qui pourrait jouer un rôle central dans la mise en valeur de ces produits, n’a pas déployé suffisamment d’efforts pour représenter le pays lors des grands événements et salons internationaux. Une étude stratégique, financée par le ministère de l'Artisanat et réalisée par la Fédération nationale des bijoutiers, avait pourtant suggéré plusieurs pistes, dont des initiatives de benchmarking avec des pays leaders dans l'industrie de la bijouterie comme l'Italie, la Turquie et l'Inde. Cependant, les recommandations de cette étude tardent à se concrétiser.
Vers une régulation nécessaire ?
Pour rétablir un équilibre sur le marché de l’or, El Hazzaz appelle à une régulation accrue. Il estime qu’une intervention publique est indispensable pour aligner les prix nationaux sur les cours internationaux. « Sans une action publique forte, la spéculation continuera à fragiliser le secteur, déjà en grande difficulté », conclut-il. Dans ce climat d’incertitude, les professionnels de la bijouterie et les consommateurs espèrent des mesures concrètes pour stabiliser un marché devenu trop imprévisible.
Une hausse historique des prix de l’or
Ces derniers mois, le cours de l’once d’or a franchi la barre historique des 2 000 dollars. En conséquence, le prix de l’or 18 carats au Maroc a grimpé à 627 dirhams par gramme. Selon El Hazzaz, cette augmentation est due à une combinaison de facteurs mondiaux et locaux, exacerbée par une spéculation intense. « L'écart entre les prix locaux et ceux de la bourse internationale atteint près de 90 dirhams par gramme, soit 10 % de plus », précise-t-il. Cette différence s’explique en grande partie par la spéculation qui pèse sur le marché marocain, rendant difficile la prévision des coûts pour les bijoutiers.
La volatilité des prix, un défi quotidien
Pour les artisans bijoutiers, la volatilité des prix constitue un véritable casse-tête. « Les fluctuations de prix au cours d'une même journée sont parfois si importantes qu’il est impossible de planifier », déplore El Hazzaz. Ces variations imprévisibles affectent directement la rentabilité des artisans, qui détiennent souvent des stocks importants. Par ailleurs, les réseaux sociaux amplifient ces dynamiques en propageant des rumeurs alarmistes. « Les annonces de hausses spectaculaires, comme celle prédisant un prix de 1 000 dirhams par gramme, ne sont que des fantasmes », affirme-t-il. Ces spéculations infondées provoquent des vagues d’achat frénétiques, aggravant la distorsion des prix.
Contrebande et marché parallèle
En plus de la spéculation, le marché marocain de l’or est plombé par un problème majeur : la contrebande. « Ce sont cinq ou six individus qui monopolisent le marché de la contrebande au Maroc, dictant leurs propres prix », s’insurge El Hazzaz. Environ 80 % de la matière première qui circule dans le pays provient du marché noir, un phénomène qui pénalise les commerçants respectueux des règles et fragilise l’ensemble du secteur.
Ce problème s’étend également aux importations de matières premières, où des blocages administratifs freinent les acteurs légitimes. Les entreprises agréées ne peuvent transférer qu’un maximum de 18 000 dollars, représentant 30 % de la commande, alors que les fournisseurs demandent une avance de 90 % à 100 % pour se protéger des fluctuations des prix. « Il est urgent que l’office des changes révise ses dispositions pour ce secteur, qui emploie des milliers de personnes », insiste El Hazzaz.
Le recyclage des bijoux anciens constitue une autre source d’approvisionnement en or. Malheureusement, le professionnel souligne que ce processus entraîne souvent la fonte de pièces rares et historiques, compromettant ainsi le patrimoine immatériel du pays. « C’est vraiment dommage de voir notre richesse nationale se perdre ainsi », regrette-t-il. Malgré cela, même avec le recyclage, le marché national peine à satisfaire plus de 20 % de la demande en or.
Une tentative de stabilisation du marché
Face à ces multiples défis, la fédération des bijoutiers a pris une décision radicale : suspendre temporairement l’achat de matières premières. Cette initiative visait à freiner la spéculation et à stabiliser les prix. Depuis cette mesure, une légère baisse de 50 dirhams par gramme a été observée, mais cela reste insuffisant. « L’écart entre les prix internationaux et ceux du Maroc atteint toujours 70 dirhams par gramme, ce qui complique le commerce pour les artisans », note El Hazzaz.
Taxation et manque de raffineries locales
Les entreprises minières marocaines jouent un rôle crucial dans cette situation. Deux problèmes principaux ont été soulevés lors des discussions avec la Fédération nationale des bijoutiers. Tout d’abord, les mines bénéficient d’un taux d’imposition de 17,60 % à l’exportation, contre 30 % sur les ventes locales. Cette disparité incite les acteurs à privilégier les marchés internationaux, au détriment du marché local.
D'autre part, l’absence de raffineries locales empêche le pays de valoriser ses propres ressources. Le Maroc exporte la majorité de ses matières premières en semi-brut vers des raffineries à l’étranger pour leur transformation. Driss El Hazzaz, président de la Fédération, s'interroge : « Pourquoi une raffinerie locale n’a-t-elle toujours pas vu le jour alors que le pays dispose des compétences nécessaires pour procéder au raffinage de l'or et de l'argent ? ». Ce manque d’infrastructure freine le développement du secteur, limitant sa capacité à répondre à la demande nationale et à valoriser la production locale.
Un potentiel inexploité à l’international
Malgré ces difficultés, le Maroc détient un savoir-faire reconnu dans le domaine de la bijouterie. Les bijoux traditionnels marocains sont très prisés sur les marchés internationaux, notamment dans les pays du Golfe, en Europe et aux États-Unis. « Le potentiel du marché marocain reste sous-exploité », déplore El Hazzaz.
Il pointe du doigt le manque de promotion adéquate à l'échelle internationale. La Maison de l'artisan, qui pourrait jouer un rôle central dans la mise en valeur de ces produits, n’a pas déployé suffisamment d’efforts pour représenter le pays lors des grands événements et salons internationaux. Une étude stratégique, financée par le ministère de l'Artisanat et réalisée par la Fédération nationale des bijoutiers, avait pourtant suggéré plusieurs pistes, dont des initiatives de benchmarking avec des pays leaders dans l'industrie de la bijouterie comme l'Italie, la Turquie et l'Inde. Cependant, les recommandations de cette étude tardent à se concrétiser.
Vers une régulation nécessaire ?
Pour rétablir un équilibre sur le marché de l’or, El Hazzaz appelle à une régulation accrue. Il estime qu’une intervention publique est indispensable pour aligner les prix nationaux sur les cours internationaux. « Sans une action publique forte, la spéculation continuera à fragiliser le secteur, déjà en grande difficulté », conclut-il. Dans ce climat d’incertitude, les professionnels de la bijouterie et les consommateurs espèrent des mesures concrètes pour stabiliser un marché devenu trop imprévisible.