Industrie navale. Un potentiel à exploiter
Le Maroc peut relancer son industrie navale avec des actions concrètes et une approche stratégique. Toutefois, le CESE estime que le temps presse pour surmonter les obstacles actuels et saisir l'opportunité de devenir un acteur clé à l'échelle mondiale.
Mounia Kabiri KettaniLe Maroc dispose d’une infrastructure portuaire en pleine croissance, mais son exploitation reste limitée, selon le CESE.
L’industrie navale nationale peine à faire surface. Avec des infrastructures portuaires modernes et un littoral stratégique, le Royaume dispose de nombreux atouts. Cependant, le secteur reste en état de veille, et le conseil économique, social et environnemental (CESE) a récemment insisté sur l’urgence de le réinventer pour en faire une force compétitive sur la scène internationale.
Un potentiel sous-exploité
En dépit d'un potentiel maritime évident avec 3.500 kilomètres de côtes et une zone économique exclusive de 1,2 million de kilomètres carrés, l’industrie navale marocaine est encore embryonnaire. Elle ne contribue qu’à hauteur de 0,01% du PIB, un chiffre qui témoigne de son manque d’intégration industrielle et de ses faibles revenus, qui oscillent autour de 500 millions de dirhams entre 2013 et 2022. Ce constat, alarmant pour un secteur stratégique dans de nombreux pays, reflète les défis auxquels fait face le Maroc.
Le rapport du CESE pointe l'une des raisons majeures : la dépendance aux intrants étrangers, limitant ainsi la valeur ajoutée locale. « Il est temps d’arrêter de regarder ailleurs et d’attaquer de front les problèmes internes : un cadre réglementaire obsolète, des infrastructures mal gérées, et une formation spécialisée insuffisante », note le rapport.
Opportunités à saisir
Le Maroc dispose d’une infrastructure portuaire en pleine croissance, mais son exploitation reste limitée. Malgré des investissements dans des chantiers comme ceux de Casablanca, Agadir et Tan-Tan, beaucoup de ces installations sont sous-utilisées. Le plus grand chantier naval du pays, à Casablanca, peine à trouver un concessionnaire pour en prendre la gestion depuis 2019, un frein majeur à son plein potentiel.
En outre, la saturation des ports d'Agadir et de Tan-Tan fait que de nombreux armateurs préfèrent confier l’entretien de leurs navires à des chantiers européens. Ce phénomène met en lumière l’inefficacité de la gestion portuaire et l'absence de synergies entre les acteurs locaux.
Pour relancer l’industrie
Face à cette situation, le CESE a formulé des recommandations pour relancer l’industrie. L’une des solutions proposées consiste à adopter une stratégie nationale intégrée, coordonnant les efforts publics et privés. En se concentrant d’abord sur des niches accessibles, comme la réparation de navires de pêche ou la construction de petits navires, le Maroc pourrait se positionner progressivement sur le marché mondial.
Le rapport plaide également pour une modernisation du cadre fiscal et réglementaire. Le code de commerce maritime datant de 1919 n’est plus adapté aux réalités actuelles et nécessite une réforme en profondeur pour répondre aux exigences du marché international.
Perspectives prometteuses
L'ambition est grande : transformer l’industrie navale marocaine en un moteur de croissance pour l’économie nationale. Le CESE estime ainsi que le développement de cette filière pourrait permettre de réduire la dépendance du pays vis-à-vis des importations et d'augmenter les exportations. En améliorant la compétitivité des chantiers navals et en formant un personnel qualifié, le Maroc pourrait non seulement renforcer son autonomie économique, mais aussi devenir un acteur clé sur le marché international.
Le secteur offre des perspectives d'emplois significatives : milliers d’emplois directs et indirects pourraient être créés dans plusieurs régions du Royaume, tout en stimulant des secteurs amont tels que la sidérurgie, la charpenterie et l’électronique. Cette dynamique toucherait également les secteurs de la pêche, du transport de marchandises, et même de la défense nationale.
"En intégrant pleinement les technologies modernes et en misant sur une approche industrielle intégrée, le Maroc pourrait bien faire voguer son industrie navale vers de nouveaux horizons, transformant ses ports en véritables hubs régionaux et internationaux", conclut le CESE.