Société
Rapport : 80 % des LGBTQIA+ victimes de violences

« Composé d’une trentaine de pages, ce rapport est le fruit d’un travail de terrain, de recherche et de documentation des violences que subissent les personnes LGBTQIA+ que ça soit au niveau mental, social, économique, politique ou autre », notent les auteurs du rapport. Ce dernier s’appuie sur les témoignages de 50 personnes issues de trois régions représentatives à savoir Casablanca, Agadir et Tétouan. Une plongée sans filtre dans les réalités vécues par les minorités sexuelles et de genre, comme le qualifie Nassawiyat dans son nouveau rapport.
Violences plurielles
« La violence que subissent les personnes LGBTQIA+ est systémique, quotidienne et enracinée dans les lois, les institutions et les mentalités», peut-on lire dans l’introduction. Une entrée en matière qui installe le décor et qui sera confirmée par les statistiques présentées dans ce rapport 2024. Ainsi à Agadir, 80 % des répondant(e)s déclarent avoir été victimes de violences, qu’elles soient verbales, physiques ou psychologiques. Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers ou encore intersexes et asexuels... cette communauté serait selon le rapport de Nassawiyat une cible de « persécution ».

À Tétouan, le taux atteint 60 % et 55 % à Casablanca. Ces agressions n’ont pas uniquement lieu dans les espaces publics, mais aussi dans les lieux supposés être sécurisants : le domicile familial et le milieu professionnel, note le même rapport. Le rejet par la famille, souvent au nom de « l’honneur », revient comme un motif récurrent, provoquant isolement, détresse psychologique et rupture sociale, déplore le document de Nassawiayt.
Une législation criminalisante
Une marginalisation aggravée par la force de la loi, dénonce le même rapport. D’après le collectif le cadre légal marocain continue de « favoriser et d’alimenter ces violences ». Décryptage ? « L’article 489 du Code pénal, qui criminalise les relations homosexuelles, reste une épée de Damoclès pesant sur les personnes concernées. Il engendre arrestations, procès et surtout une peur omniprésente », déplore le collectif.
Le rapport dénonce également « l’usage des articles 483 et 484 relatifs à la « décence publique » pour cibler les personnes LGBTQIA+ sur la base de leur apparence ou de leur identité. « Cette criminalisation est non seulement une atteinte aux droits humains, mais elle légitimise la persécution sociale et institutionnelle », souligne le document.
Une marginalisation économique et éducative
Le rapport soulève un autre type d’atteinte aux droits de cette communauté et qui aggrave sa précarité. À Casablanca, 41,67 % des personnes interrogées vivent avec moins de 1 000 dirhams par mois, un chiffre qui atteint 33,33 % à Tétouan, détaille le rapport. La cause ? « Le marché du travail reste fermé aux personnes LGBTQIA+, victimes de discriminations à l’embauche, voire de harcèlement sur leur lieu de travail », explique Nassawiyat. Dans le domaine de l’éducation, les brimades et les pressions contraignent bon nombre d’étudiant(e)s à abandonner leur parcours scolaire. « Ce qui limite leurs possibilités d'avenir » constate le rapport.
Santé mentale en crise
Un vécu qui aurait de lourdes conséquences psychologiques pour les membres de la communauté à en croire les chiffres avancés par Nassawiayat. À Casablanca, 80 % des personnes LGBTQIA+ interrogées disent souffrir d’anxiété ou de dépression. Des troubles psychiques intimement liés à l’exclusion et aux violences subies. À Tétouan, plus de la moitié (52,38 %) évoquent un isolement social profond. Le rapport pointe également un manque criant d’accès à des services de santé non discriminatoires et à un soutien psychologique adapté.

« Entre stigmatisation sociale, rejet familial, silence des institutions et frilosité des ONG, la communauté LGBTQIA+ au Maroc reste largement marginalisée », déplore le dit rapport. D’après ses auteurs, les organisations de défense des droits humains hésitent encore à s’engager pleinement sur ce terrain, craignant les représailles sociales ou politiques, tandis que les médias et les normes culturelles perpétuent des stéréotypes préjudiciables.
Coupe du monde, « un rendez-vous pour le changement »
Réclamant une réforme juridique urgente, Nassawiyat et l’ensemble de la communauté LGBTQIA+ au Maroc appellent, à travers ce rapport, « à l’abolition de l’article 489 ainsi que les autres lois discriminatoires afin de garantir une protection égale et sociale pour tous », insiste le collectif. Poussant son argumentaire plus loin, Nassawiayat évoque l’organisation de la Coupe du Monde 2030. « Un événement qui accueillera un public international très diversifié, y compris des personnes issues des communautés LGBTQIA+. Le monde nous observe, et les droits LGBTQIA+ sont des droits humains. Nous ne sommes pas des citoyen.ne.s de seconde zone, et nous refusons de l’être », conclut le collectif.
Collectif féministe, Nassawiyat milite pour les droits des femmes, des personnes LGBTQIA+ et de toutes les minorités de genre et sexuelles. Créé dans un esprit de résistance face aux systèmes hétéro-normatifs, le collectif adopte une approche inclusive. Très actif sur les réseaux sociaux, Nassawiyat mène également un travail de terrain, à travers des enquêtes, des témoignages vivants, des publications et des actions de sensibilisation. Leur objectif : briser le silence, visibiliser les luttes, et revendiquer un changement social et juridique profond, fondé sur l’égalité et la justice sociale, comme le proclament ses militants.