Prospective intellectuelle. La création artistique à l’épreuve de l'IA (vidéos)

L’Académie du Royaume du Maroc a organisé, le 21 mai à son siège à Rabat, un colloque international sur les pouvoirs de la création artistique. L’initiateur de cet éclairant échange d’idées, Eugène Ébodé, qui dirige la Chaire des littératures et des arts africains au sein de l’Académie, présente - à travers cette vidéo - la quintessence de ce dialogue entre différents univers littéraires et artistiques.
La romancière tunisienne Hella Feki, professeure de lettres à Paris et auteure de Noces de Jasmin paru en 2020, a présenté, en avant-première, son nouveau roman “Une reine sans royaume”. Elle revient en vidéo sur cette présentation qui a constitué la leçon inaugurale du colloque de Rabat.
Lors des débats, Bouchta El Hayani a transporté son auditoire par ses mots comme il a l’habitude de le faire par ses coups de pinceaux. Il a multiplié les confidences à l’Académie du Royaume où trônent certaines de ses œuvres marquantes dont le fameux Homme asexué, dressé droit, sans yeux, devant les énigmatiques chiffres: 867. Des chiffres que la mystérieuse créature semble avoir été appelée par son créateur à égaler.
Au grand dam des curieux, le mystère reste entier puisque même pour le peintre assure ne plus se souvenir d’où exactement son imaginaire était allé chercher ces nombres. Ce qu’on sait, en revanche, c’est que les anges d’El Hayani sont nés de ses échanges à bâtons rompus à propos de ses diables avec l’écrivain et critique d’art Abdelkebir Khatibi.
C’était un moment d’anthologie que de recevoir en direct les confidences de l’une des figures emblématiques de l’art pictural marocain, dont le mot de la fin a été tout aussi étincelant : “Quand je peins, je me peins moi-même.”
Ce sont précisément ces étincelles que ne saura jamais produire, ni reproduire, l’intelligence artificielle, qui s’était invitée dans le débat.
Fervent défenseur de l’intelligence émotionnelle face à “l’intelligence” algorithmique, l’écrivain, dramaturge et directeur artistique béninois Ousmane Aledji a montré comment la création théâtrale contemporaine en Afrique pourrait tirer profit des avancées technologiques sans les laisser “l’algorithmiser”.
Séance tenante, le réalisateur autodidacte gabonais Michel Nadaot a montré le pouvoir de l’intelligence émotionnelle en théâtralisant son intervention. Son acte était en lui-même une marque de la résilience du “jeu” théâtral objet de sa leçon.
Du “jeu”, il a été aussi question, mais cette fois-ci en lien avec le “je” et l’autre, dans la leçon conclusive de Joseph Incardona. Cet écrivain italo-suisse prolifique défend, lui aussi, mordicus “l’humanité de la création”, avec ses imperfections pouvant faire son charme, contre toute machination algorithmique.
Plus que du charme, c’est de « sublimation » dans l’acte créatif pictural qu’a parlé au préalable Azzeddine Hachimi Idrissi. En évoquant la métaphore de l’humus et de la fleur, cet artiste peintre au parcours atypique a amené son auditoire vers la piste psychanalytique de la genèse des œuvres artistiques, induisant une infinité d’interprétations.
Signe de la variété des variations abordées au colloque de l’Académie du Royaume, la leçon de Hachimi Idrissi a été précédée par celle donnée par Roger Koudoadinou pour défendre la culture vaudou. Ce chercheur béninois a montré comment la méconnaissance de cette culture était et pourrait encore être source de stigmatisations.
Et c’est justement pour faire barrière aux stigmatisations et faire connaître diverses cultures d’Afrique et d’ailleurs que l’Académie du Royaume a réuni ces créateurs -et réunira bientôt d’autres- sur d’autres “variations”.
Peut-être même sur des sujets autrement plus complexes que celui de l’islam.