Entretien: « 140.000 ha de sols sont cartographiés grâce à un projet pilote avec la fondation OCP »

Fruit d’une collaboration entre la Fondation OCP et le ministère de l'agriculture et des aménagements hydro-agricoles, la carte de fertilité des sols est une réussite au Burkina Faso. Acquis, contraintes et perspectives de développement, le DG de BUNASOLS, Zacharie Segda, dit tout.

L’Observateur.info : BUNASOLS a conclu un accord avec la Fondation OCP pour l’adoption d’une carte de fertilité des sols au Burkina Faso. Quels enjeux ?

Zacharie Segda : La carte de fertilité des sols du Burkina Faso est une activité de la convention spécifique N°1 signée en octobre 2017 avec la Fondation OCP. Cette convention fait suite à un protocole cadre signé le 08 juillet 2016 entre le ministère de l’agriculture et des aménagements hydro-agricoles du Burkina Faso et l’OCP, visant à renforcer leurs liens de coopération, notamment dans le domaine du développement agricole au Burkina Faso. Ce protocole s’inscrit également dans le cadre des initiatives visant le renforcement de la sécurité alimentaire et la réduction de la vulnérabilité de l’agriculture africaine aux changements climatiques, notamment, l’initiative pour l’Adaptation de l’Agriculture Africaine (AAA) lancée au Maroc à l’occasion de la 22ème conférence des parties (COP12). L’accord de collaboration avec la Fondation OCP a pour but de renforcer les capacités scientifiques et techniques des cadres du Ministère ; élaborer la Carte de Fertilité des sols du Burkina sur une zone pilote de 100 000 ha ; organiser une Caravane Agricole au Burkina Faso.

Plus de détails sur l’accord…

Le contenu dudit accord se décline en trois axes complémentaires. Le premier concerne le renforcement des capacités dans les domaines de la fertilité des sols et fertilisation raisonnée des cultures, du contrôle de la qualité des engrais, ainsi que celui des systèmes d’information géographiques appliqués à la cartographie des sols et ce, au profit des cadres dûment sélectionnés à cet effet par le ministère. Le second axe met l’accent sur l’équipement de deux laboratoires d’analyse des sols (laboratoire fixe du Bureau National des Sols (BUNASOLS) et un laboratoire mobile). Cet Axe consiste en l’acquisition et la mise à disposition du ministère (via le BUNASOLS) des équipements pour le contrôle de la qualité des engrais ainsi que des équipements et réactifs chimiques de laboratoire en vue de l’élaboration d’un outil d’aide à la décision pour la gestion durable des sols (Carte de Fertilité des sols) sur une zone pilote de 100.000 ha qui sera identifiée par le Ministère. Cette Carte de Fertilité des sols sera utilisée comme outil incontournable pour une fertilisation raisonnée des cultures pratiquées au niveau de cette zone. L’accord porte aussi sur l’organisation de la caravane Agricole. Cet axe consiste en l’acquisition de matériels roulants pour l’organisation de la caravane agricole au Burkina Faso, qui sillonnera les différentes régions agricoles du pays pour la sensibilisation des petits agriculteurs sur les bonnes pratiques agricoles axées sur la fertilisation raisonnée.

La carte de fertilité des sols a été mise en place en 2017 au Burkina Faso. Quels sont les principaux résultats obtenus et quels indicateurs de performance ?

Le démarrage du processus d’élaboration de la carte de fertilité des sols du Burkina a été effectif en mai 2018. Les résultats obtenus à l’issue de cette phase pilote sont très encourageants. Ainsi, le projet a permis d’abord le renforcement des capacités d’environ 56 techniciens du BUNASOLS et de la direction générale des productions végétales (DGPV) à travers la réalisation de 4 sessions de formations des agents dont 2 séances au Burkina et 2 autres au Maroc. Ensuite, il y a l’équipement de deux laboratoires d’analyse des sols (Laboratoire fixe du BUNASOLS et un laboratoire mobile acquis : Les équipements de laboratoire concernent le matériel de laboratoire et les réactifs chimiques nécessaires à l’élaboration de la carte de fertilité des sols. Tous les équipements et tout le matériel de laboratoire ont été reçus et installés. Et le matériel roulant pour l’organisation de la caravane agricole au Burkina Faso est déjà acquis. Le projet a permis aussi une évaluation de la fertilité des sols et dérivation des cartes thématiques de quatre paramètres chimiques essentiels que sont la Matière Organique, le phosphore assimilable, le potassium échangeable et la réaction du sol. Concrètement, 140.000 hectares de sols sont cartographiés dans le cadre d’un projet pilote répartis sur 12 sites dans 4 régions productrices du Burkina Faso. 12 missions de caravanes de sensibilisation ont été menées dans la zone de couverture et près de 1 660 petits producteurs sont sensibilisés à la fertilisation raisonnée des sols et des cultures.

Quel est l’intérêt de la généralisation de cet outil de décision pour l’agriculture dans un pays comme le Burkina Faso ?

La généralisation de la carte de fertilité des sols du Burkina Faso permettra de produire des données et informations fiables sur l’aptitude et la fertilité des sols au Burkina Faso, mettre en place un système national d’information sur les sols du Burkina, éclairer les choix en matière de politiques agricoles et planifier et accroître durablement la productivité agricole des sols. Autres avantages : la mise en place d’une application de conseil et d’aide à la décision pour une fertilisation raisonnée des cultures et l’amélioration des productions agricoles pour faciliter l’accès d’une sécurité alimentaire aux populations du Burkina Faso.

Quels ont été les principales contraintes liées à la concrétisation de ce projet sur le terrain ?

Lors de la mise en œuvre du projet, nous avons relevé de nombreuses difficultés notamment dont principalement la récurrence des pannes au niveau du matériel de cartographie et la faiblesse des ressources financières allouées qui n’a pas permis la participation de tous les partenaires concernés. Ces mêmes contraintes budgétaires ont conduit à réduire le nombre de producteurs participants à la caravane à 50 par localité, ce qui était largement en deçà des attentes pour une activité de ce genre selon l’encadrement technique agricole. L’insuffisance de ressources financières n’a également pas permis la poursuite des activités de prélèvement des échantillons de sol sur l’ensemble des régions ciblées. Autres contraintes à signale aussi, la précarité du climat sécuritaire dans le pays en 2018 et 2019 qui a engendré des réaménagements budgétaires et la redéfinition des priorités du pays et la crise sanitaire de la pandémie de COVID 19 qui a ralenti la mobilité des acteurs et la mobilisation des ressources.

Quelles perspectives de développement à moyen et long termes ?

A moyen et long termes l’objectif est de collecter des données agro-climatiques et socio-économiques de la zone couverte pour les besoins de la création et l’adoption de l’application Ferti_Burkina , la conduite des essais de formulation d’engrais portant sur la zone couverte, la digitalisation de l’ensemble des données cartographiques, agro-climatiques, socio-économiques et de formulation d’engrais. Il s’agira aussi de renforcer les capacités techniques et scientifiques des cadres du BUNASOLS sur la gestion de la base de données Ferti-Burkina, de poursuivre les travaux d’évaluation de la fertilité des sols sur une zone de 200.000 ha dans quatre nouvelles régions en 2020, de couvrir l’étude sur les 8 860 000 ha restantes en fonction des disponibilités des ressources financières

D’autres projets en vue avec la Fondation OCP ?

Oui effectivement. Il s’agit de l’organisation d’une caravane de sensibilisation sur la fertilisation raisonnée des cultures dans un contexte de lutte contre la COVID 19 dans les 13 Régions du Burkina (distribution aux agents du Ministère en charge de l’agriculture, aux organisations de producteurs de savonnettes, de masques, de visières et de gel hydro alcoolique sur financement de la Fondation OCP). L’autre projet porte sur l’extension des travaux de la carte de fertilité des sols sur une zone de 200 000 ha en 2021.