Elles sont au nombre de six. Des stations balnéaires aux belles ambitions qui devraient représenter le levier d'un plan nommé Azur. Sauf qu'au bout de quelques années, le bilan est loin d'être glorieux. Des hôtels et des résidences presque vides, d'autres qui n'ont même pas vu le jour ou traînent à être mis en place... Les réalisations sont donc loin des attentes d'un plan ambitieux sur lequel le Maroc misait pour attirer 10 millions de touristes à l'horizon 2010. Un objectif presque atteint avec 9,3 millions arrivées fin 2010, mais pas grâce à l'attrait des stations Azur déjà opérationnelles. Une performance que les spécialistes incombent au développement en parallèle de la capacité litière, du trafic aérien mais également de l’hébergement non classé et informel. Un pan du tourisme très prisé pour son bon rapport qualité-prix.
Lancé en 2001 suite à la signature d’un contrat-programme entre le gouvernement et la confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Plan Azur prévoyait la construction de 6 nouvelles stations balnéaires : Taghazout, Mogador, Saïdia, Mazagan, Lixus et plage Blanche. Annoncé comme l'un des axes majeurs de la vision 2010 pour le tourisme, ce plan visait la diversification et la structuration de l'offre balnéaire nationale. Face à une concurrence rude à l'échelle internationale et méditerranéenne, une mise à niveau du produit national s'imposait alors pour améliorer son attractivité afin d'atteindre l'objectif des fameux 10 millions de touristes fin 2010. Un objectif de taille pour lequel l'Etat se démenait et déployait d'importants efforts afin d’atteindre cette barre. « L’État a certes mis à la disposition des aménageurs des parcelles de terrain importantes. Il a également contribué à l’attrait des investisseurs grâce aux incitations fiscales», reconnaît Karim Belmaachi, président de l’ANIT. Mais tout cela ne semble pas suffisant aux yeux des professionnels et à leur tête Belmaachi. Ce dernier diagnostique le manque de capacité en equity des aménageurs et développeurs, ce qui entrave largement le développement des hôtels abrités par ces stations.
« Il faut atteindre le seuil critique. C'est la seule issue », conseille le président de l'ANIT sur un ton alarmiste. Une condition partagée par Lahsen Haddad, ministre du Tourisme qui s’exprime sur le sujet sur un ton beaucoup plus zen. « Pour parler de la rentabilité de ces stations, il faut qu'elles soient opérationnelles et que les hôtels atteignent la capacité litière requise. C'est à ce moment là que l'on peut juger du rendement », explique le ministre qui nous rapproche de l'état d'avancement des réalisations. Ajustements, mise à niveau, finalisation... d'après le ministre, la construction des stations va bon train, spécialement à Saïdia, à Taghazout qui devrait démarrer cette année et à Mogador où une révision du tour de table est en cours. Les raisons de ce changement ? « Nous cherchons à insuffler un peu de dynamisme dans le tour de table et à recruter de nouveaux investisseurs pour remplacer ceux qui sont à bout de souffle », argumente Haddad.
Cette stratégie de recapitalisation et de reconfiguration a été déjà expérimentée à la station de Saïdia. Dorénavant, la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et la SMIT, à travers le Fonds marocain d’investissement touristique (SMDT), mènent la danse à cette station clé vue auparavant comme un booster de la région orientale. Sauf que malgré son lancement en grande pompe et le soutien de l'Etat (représenté par le FDMT, et la CDG), la station de Saïdia peine aujourd'hui à décoller autant que celle de Lixus. «Au delà de la construction des hôtels, il faut organiser leur avenir et veiller à leur commercialisation. Et cela passe forcément par l'animation, l'amélioration de la desserte aérienne et les infrastructures », analyse Khalid Cheddadi, PDG de la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR), lors d'une rencontre organisée en décembre Par l'ANIT (L'Association nationale des investisseurs touristiques) sous le thème « Investissements touristiques, pause ou accélération? ». Selon Cheddadi, qui a déjà investi dans le plan Azur, cette intégration des problèmes est primordiale pour rentabiliser les stations et par la même occasion, les investissements engagés.
Si selon le PDG de la CIMR, le modèle des stations Azur reste difficile à rentabiliser durant les premières années, il n'est pas exclu d'en tirer profit grâce notamment à une aide à l'exploitation de ces hôtels en mal de clientèle. Même son de cloche chez Eduardo Lafforgue, directeur associé Europe et Amérique de Tourism & Leisure, entreprise spécialisée dans le conseil sur les secteurs du tourisme et des loisirs. Pour ce spécialiste, la situation lui rappelle le cas espagnol. D'après lui, à force de vouloir encourager l'investissement et le développement immobilier dans certaines régions, l'Etat espagnol en a oublié la question de la rentabilité. « On s'est retrouvé avec des hôtels désertiques installés sur des sites lointains ou coupés du reste du monde faute d’infrastructures ou d'accompagnement en terme d'animation. Ce n'est que bien après qu'ils ont commencé à regarder la rentabilité et à engager des opérateurs et autres développeurs pour réanimer ces stations», relate Lafforgue.
Des remarques que le ministre de tutelle réfute catégoriquement :
«La construction des stations Azur s'accompagne par l'aménagement des sites et des routes. La plupart sont proches et sont desservies par des aéroports. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de l'équipement et des transports sur ces chantiers là ». Haddad trouve que « ce sont de bonnes stations » dotées d'une belle attractivité doublée d'une grande accessibilité. Pour les « remplir», le ministre lorgne de nouveaux marchés émetteurs à fort potentiel tels la Russie, les pays de l'Europe de l'est et la Chine. Ceci en plus des marchés classiques que la crise financière a essoufflé certes, mais qui restent tout de même dans la ligne de mire du tourisme national.