
Depuis l’indépendance, la question d’une administration moderne est posée. Le choix a été fait de la marocaniser, mais surtout de l’étendre. Feu Hassan II a tenu à ce que l’administration remplace, en tant que symbole de l’État, des vieux schémas féodaux que la France avait maintenus sur tous les territoires. Intention louable mais dont l’application a été sujette à caution. Cette hydre, à plusieurs têtes, s’est développée dans un contexte polluant.
Le fait féodal est resté, parce que le pays ne s’est pas démocratisé. Ensuite, le système de gouvernance étant lui-même très centralisé, l’administration l’a été elle aussi. Nous avons donc assisté à la multiplication des antennes territoriales, des fameux services extérieurs, sans atteindre la proximité, puisque ces antennes étaient démunies de toute flexibilité.
En même temps, on a assisté à la multiplication de normes, de papiers à fournir, de signatures devenues des rentes, parce qu’inaccessibles à l’ensemble des sujets. On arrive alors à l’absurde. Un citoyen marocain, titulaire d’une carte nationale, est appelé à produire un certificat de vie, accordé par un fonctionnaire, auprès d’un autre fonctionnaire.
Depuis les années 80 et le choix de la libéralisation, la réforme de l’administration est considérée comme prioritaire. Les hommes d’affaires, les institutions internationales en font le principal frein à l’investissement. 30 ans après, nous en sommes au même constat.
Le citoyen lambda est tellement en butte à ce mur qu’il refuse désormais toute réglementation, ce qui est contraire à l’État de droit. Mais les réalités sont assez insupportables. Entre la famille qui ne peut inscrire son enfant à l’école, parce qu’elle ne peut produire de certificat de résidence étant en sous-location, celle à qui on refuse une hospitalisation, le commerçant embêté parce qu’il n’a pas demandé une autorisation préalable, il y a de quoi écrire des livres.
Si on ajoute à cela la corruption qui est avérée et elle touche tous les corps, même les médecins, les juges, les sécuritaires, on peut comprendre le divorce persistant entre les citoyens et ce qui devrait être « leur » administration.
Une vraie réforme devrait d’abord démanteler le mille-feuilles des prérogatives qui s’enchevêtrent entre plusieurs administrations et faciliter au maximum, en utilisant le net, les rapports avec les usagers et non pas les « administrés ».
Aux plus hauts postes, il faut de gros profils et les payer en conséquence, cela pose la question du statut de la fonction publique, du nombre de fonctionnaires, souvent sous-utilisés. C’est cet aspect qui a toujours bloqué toute velléité de réforme.
La lutte contre la corruption dépend de cette réforme. C’est la simplification, la modernisation qui en finiront avec les passe-droits et éviteront qu’un citoyen soudoie un fonctionnaire pour obtenir une attestation plus rapidement.