Les relations entre les USA et le Maroc ne peuvent être appréhendées de la même manière que celles entretenues avec Madrid ou Paris. Elles ne sont ni passionnelles, ni chargées d’histoire, ni empreintes de paternalisme, ni de liens issus de la colonisation.
Les relations des Américains avec le Royaume sont hautement pragmatiques. Si la position stratégique du Maroc infléchissait ces rapports du temps de la guerre froide, il n’en est plus de même aujourd’hui. La diplomatie américaine est au service des intérêts de son pays et s’adapte aux changements de contexte. L’Afrique, en général, n’est pas une priorité pour cette diplomatie, beaucoup plus impliquée en Asie et au Moyen-Orient, pour la défense des intérêts d’Israël.
De la même manière que dans ce cadre général, chaque administration a sa propre touche, sa propre perception de la défense de ces intérêts. Si des fondamentaux existent, il est faux de croire que l’alternance à Washington n’affecte pas les positions américaines et d’agir en conséquence. Les USA ont déjà fait un virage à 180 degrés sur le Kosovo, par exemple.
Il est donc impératif de choisir les nuances qui existent et de s’y plier, pour atteindre une efficacité maximale. Ce n’est pas ce que fait la diplomatie marocaine. Depuis 15 mois, le nouveau ministre des Affaires étrangères n’a pas apporté d’influence décisive sur la marche de la machine, si machine il y a.
Pourtant, le Maroc jouit d’une opinion favorable sur les réformes entreprises par le Souverain depuis son intronisation, en particulier sur les questions des droits de la femme et du respect des droits de l’Homme. Mais la prise de décision à Washington obéit à des circuits complexes, mettant en jeu des intervenants de différentes natures.
A la médiocrité de notre appareil diplomatique s’ajoute la faible influence à l’international de nos ONG. Human Rights Watch ou la fondation Kennedy, par exemple, ont une suspicion vis-à-vis des discours officiels. Ce sont des associations beaucoup plus promptes à écouter des ONG. Inciter les associations marocaines à assurer ce rôle n’a de sens que si on leur en donne les moyens, financiers bien sûr, mais aussi d’accès à l’information fiable. C’est la transparence et la totale indépendance qui donnent aux ONG une forte crédibilité. C’est un travail au quotidien qui permet un tissu associatif d’établir des liens de confiance avec les ONG influentes à Washington.
Si nous nous intéressons aujourd’hui à ce volet, c’est parce que des désaccords sont entrain de germer sur des dossiers essentiels pour les intérêts nationaux et que si rien n’est perdu, il faut agir vite et bien. L’erreur serait de continuer à s’appuyer, uniquement, sur le rôle du Maroc en tant que pilier dans la stabilité régionale et dans la lutte contre le terrorisme. C’est un atout certes, mais il n’est pas décisif, il ne constitue pas une assurance tous risques.
Le Maroc dans son droit
Maintenant pour en revenir à la proposition d’étendre la mission de la Minurso aux droits de l’Homme, la forte émotion suscitée au Maroc est totalement justifiée. Les rapports entre Rabat et Washington étaient au diapason, preuve en est la signature d’un accord stratégique entre les deux pays. Ensuite, cette position américaine laisse à penser qu’il y a une ignorance des réalités sur le terrain. Contrairement au message véhiculé par la propagande séparatiste, il n’y a pas de violateurs systématiques ou massifs des droits de l’Homme u Sahara. C’est la situation dans les camps, où toute opposition est opprimée qui devrait susciter l’indignation des ONG. Or, on ne les entend pas beaucoup là-dessus.
La réaction unanime de la classe politique reflète le consensus national autour de la question. Il est normal que l’exécutif se fasse l’écho de ce consensus par une fermeté, appropriée. Il ne faut pas non plus tomber dans la psychose. D’autres membres permanents du conseil de sécurité ont une connaissance plus approfondie du problème et ne sont pas prêts à soutenir cette dérive. Ne serait-ce que parce que cela rendrait la tâche de la Minurso impossible, devenue de facto, non pas une force d’interposition, mais une force de protection d’activistes séparatistes peu respectueux des lois et qui recourent régulièrement à la violence, à la dégradation des biens publics et privés.
Il ne faut pas, non plus, accorder une importance capitale au fait que John Kerry a consigné une pétition en faveur du Polisario il y a quelques années. Ce sont généralement les assistants qui incitent les sénateurs à signer. C’est justement là que le bât blesse. Le dossier du Sahara est traité par le second cercle du département d’Etat, parce qu’il ne fait pas partie des priorités.
Le Maroc est dans son droit et sa fermeté est à la mesure de la justesse de sa cause. Il ressent la proposition américaine comme une injustice, et elle l’est. Cela ne nous dispense pas d’un exercice de pédagogie de langue haleine, à l’adresse de tous ceux qui participent à l’élaboration des décisions à Washington.
Paru dans L’Observateur du Maroc n°213