
Un groupe de salafistes vient de rejoindre un parti qui n’a de parti pour le moment que le nom. Il s’agit du parti de la Renaissance et de la Vertu fondé en 2005 par Mohamed Khalidi. Le parti eut tout de même un moment de gloire avec l’élection en 2007 au parlement de Abdelbari Zemzami, figure atypique et controversée des théologiens marocains. Longtemps compagnons de Abdelkrim El Khatib au sein du parti Populaire Démocratique et Constitutionnel qui a servi « d’hébergeur » aux troupes de Abdalilah Benkirane avant qu’ils ne le transforment en PJD, Mohamed Khalidi et nombre de ses amis ont été marginalisés par leurs frères en provenance du Mouvement Unicité et Réforme. Une exclusion de fait qu’ils vécurent comme une expropriation et une ingratitude. Il faut donc bien comprendre que les observateurs ne pouvaient voir dans cette ouverture sur les salafistes qu’une revanche de « la vertu » sur le « vice ». En même temps qu’il réoccupe la scène médiatique, le parti de la Vertu et de la Renaissance escompte sûrement retrouver aux prochaines législatives une place au soleil parlementaire qui ne pourrait se faire en grande partie qu’au détriment du PJD. Si Ahmed Rissouni, l’une des figures du MUR, et quelques autres voient d’un bon œil cet acte de nature à consolider l’action et l’impact des islamistes au sein de la société marocaine, les partisans du MUR-PJD ne sont pas unanimes à bénir l’entrée des salafistes dans la légalité politique.
C’est pourtant Rissouni et les autres qui ont raison. La position des « muristes » contrariés est sectaire et clientéliste. Celle de Rissouni est plus globale et se construit en fonction des possibilités qu’elle offre à la propagation de l’islamisme jusqu’à occuper tous les coins et recoins de la société. C’est ce qui l’intéresse en premier. Rissouni est un prédicateur. Peu lui importe les divergences, si divergences il y a, l’essentiel est de conquérir encore et toujours de nouveaux espaces. Les salafistes étaient peu connus du grand public avant les attentats de Casablanca en 2003. Leur ampleur ne fut découverte qu’après la vague d’arrestations qui a suivi les attentats sans faire dans le détail, considérant la nébuleuse salafiste comme spirituellement et intellectuellement responsable de l’émergence du terrorisme islamiste. La profonde connaissance de la nébuleuse restait l’apanage des services et de quelques spécialistes. Avec le mouvement du 20 février, l’élargissement d’un premier contingent de salafistes et l’explosion de l’usage des réseaux sociaux qu’ils utilisent avec dextérité, le commun des mortels apprit à mieux les connaître. Les uns séduits, les autres horrifiés. Même si en leur sein on rencontre des nuances, ils ont en commun avec Rissouni l’intention déclarée de mettre au pas la société et d’éliminer tout ce qui fleure à leurs yeux la laïcité synonyme de mécréance et d’apostasie. A leur manière, autrement plus efficace, ce sont les nouveaux éradicateurs