Gaspillage alimentaire. Une catastrophe pour l’environnement et pour le portefeuille

On compte environ 800 à 900 millions de personnes en situation de sous-alimentation, dans le monde. Au même moment, 1,3 milliard de tonnes de denrées alimentaires sont jetées chaque année. Au Maroc, le phénomène est bien connu.

Chaque adulte marocain met environ 91 kg de nourriture à la poubelle par an, selon le rapport mondial publié le 4 mars par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).

La faim d’un côté, la surabondance de l’autre, le gaspillage est énorme et il est commis à toutes les étapes de la production, du champ à l’assiette.

Selon Samia Sayarh, spécialiste en innovation agroalimentaire, les pertes alimentaires sont présentes dès la production agricole initiale. Elle se poursuit jusqu’à la consommation finale des ménages. Tous les secteurs de l’agroalimentaire sont concernés, à des étapes de production distinctes, ce qui induit une baisse de la qualité et de la quantité des aliments.

"Au niveau de l’exploitation agricole, pendant ou immédiatement après la récolte, nous constatons par exemple des fruits abîmés lors de la cueillette ou du battage, des cultures laissées dans les champs et d’autres éliminées car elles ne répondent pas aux normes de qualité", explique la spécialiste, à la MAP.

Le produit quitte ensuite l’exploitation pour la manutention, le stockage et le transport. Selon Mme Sayarh, certains produits comestibles sont dégradés par les champignons, comme les fraises dans le cas de la conserverie de confiture par exemple, ou en raison d’un mauvais stockage, comme les olives dont les conditions de stockage impactent la qualité de l’huile.

S’agissant de la transformation industrielle, l’experte donne l’exemple du processus de transformation des conserves végétales comme les petits pois qui génèrent différentes pertes au niveau de la séparation du légume (épluches), du lavage (perte de l’eau) et de la machine (perte d’énergie).

Les pannes récurrentes des machines gâchent également un important volume de la production, ajoute-t-elle.

Comment donc faire face à ce défi? Pour la spécialiste il est nécessaire que les techniques de récolte soient améliorées, tout en veillant à respecter les conditions de stockage lors du transport des aliments. Elle recommande aux entreprises d’optimiser le processus de fabrication en matière de temps et d’énergie tout en veillant à la maintenance du matériel utilisé.

Une fois le processus terminé, il faut penser au recyclage. Exemple, les écosses des petits pois peuvent être compostées et transformées en déchets organiques, indique la spécialiste, expliquant que ce procédé, appelé méthanisation agricole, transforme des matières organiques et notamment des déchets organiques (déjections animales, substrats de végétaux) en compost désodorisé ou en biogaz.

C’est aussi un gaspillage d’énergie

D’après Mohamed Bouadi, chercheur en développement durable, on utilise en de l’énergie pour produire de la nourriture, la transporter, la conditionner, la vendre, la réfrigérer. « À la fin, si le produit n’est pas consommé, cette énergie aura été gaspillée », déplore-t-il.

Environ 30% des émissions de CO2 dans le monde sont dues à la production de nourriture. En conséquences, chaque fois que l’on jette de la nourriture, c’est du CO2 émis pour rien dans l’atmosphère. C’est donc un frein à la lutte contre le réchauffement climatique, alerte le chercheur.

Les pertes alimentaires se traduisent non seulement par des pertes économiques pour les producteurs et autres parties prenantes de la chaîne de valeur alimentaire, mais aussi par des prix plus élevés pour les consommateurs, explique le chercheur qui précise que dans les deux cas, cette situation affecte la sécurité alimentaire en rendant les denrées moins accessibles aux groupes les plus pauvres et les plus vulnérables.