Vaccinés et immunodéprimés. Les niches des variants Covid-19
Une infection de longue durée facilite les mutations du virus

Comment les non vaccinés et les personnes immunodéprimées deviennent des « niches » fertiles d’émergence de variants Covid-19, plus virulents et plus contagieux. Explications par Pr Lahcen Belyamani avec études scientifiques récentes à l’appui.



Covid-19 n’a de cesse de muter et de développer de nouveaux variants à travers le monde. Une nouvelle variante de SARSCoV2, C.1.2 vient d'être identifiée en Afrique du Sud et dans plusieurs autres pays avec un taux de mutation qui est deux fois plus rapide que celui des autres variantes. Un constat qui soulève d’ailleurs une grande inquiétude par rapport à sa capacité à échapper aux vaccins disponibles et surtout par rapport à leur efficacité à stopper les mutations du virus.

Corrélation

S’exprimant sur sa page facebook, Lahcen Belyamani, professeur à la faculté de médecine de Rabat, note la corrélation entre le taux de vaccination faible et l’apparition des variants dans un pays donné. « Delta est venu de l’Inde avec très peu de vaccins mais des taux d'infection passés élevés, tout comme C.1.2 venant de l'Afrique du Sud où on enregistre un taux très faible de vaccination complète ( 8 %) mais avec de grandes vagues de la pandémie. Par conséquent, ces nouvelles super variantes ne proviennent pas de pays fortement vaccinés », déduit le médecin militaire.

D’après Pr Belyamani, la durée de l'infection chez un individu est un facteur majeur dans l'émergence de variantes. « Plus l’infection persiste, plus le virus a le temps pour apprendre, de s'adapter et de développer de nouvelles mutations évasives », explique-t-il en rappelant que les vaccins réduisent à la fois le risque d’être infecté et raccourcissent la durée d’infection. Ceci en coupant le chemin à l’émergence de nouvelles variantes. « Les non vaccinés constituent une niche potentielle de variants. D’ailleurs, c’est pour cette raison qu’on vaccine les enfants même si les formes graves sont rares chez eux. Mais ils constituent toutefois un vecteur de transmission et de mutation du virus », nous explique le scientifique. Ceci dit, les non vaccinés ne seraient pas les seules « niches potentielles » de mutation du virus, comme l’explique Belyamani.

Mutations en série

« Au Royaume-Uni, les scientifiques pensent qu'une personne immunodéprimée qui a éliminé le virus lentement et n'a que partiellement éliminé une infection, laisse derrière elle des virus génétiquement plus résistants qui rebondissent et apprennent à mieux survivre. C'est probablement comme ça que le variant B117 a commencé », ajoute le professeur. D’après les recherches britanniques, l'hypothèse principale est que la nouvelle variante a évolué chez une personne infectée de manière chronique par le virus et depuis si longtemps qu'elle a pu évoluer vers une nouvelle forme plus infectieuse et surtout plus contagieuse.

Citant un autre cas aussi convainquant, Pr Belyamani rappelle ce qui s’est passé à Boston aux Etats unis. « La même chose s'est produite à Boston chez un autre immunodéprimé âgé de 45 ans qui a souffert de Covid-19 pendant 155 jours avant de mourir. Le virus a changé très rapidement à l'intérieur du corps de cet homme et a fait 20 mutations pendant cette période ressemblant à celles observées dans B117 et B1351 », explique le scientifique en insistant sur l’aspect vital de la vaccination pour réduire les risques de mutation du virus.

Intox

Confirmant les propos de Belyamani, les scientifiques britanniques pensent que la cause de nouvelles variantes soudaines est souvent une personne immunodéprimée. Incapable de combattre le virus d’une manière rapide, cette personne lui permet de s'attarder dans son corps pendant une période prolongée et par conséquent de s’adapter. « Les vaccins de rappel chez les immunodéprimés sont la clé. Ça permettra de couper le chemin au virus et le priver d’un milieu propice à ses mutations. Quant à ceux qui prétendent que les vaccins sont une cause majeure de l’émergence de ces super-variantes, ils se trompent complètement », tranche Pr Belyamani.