HISTOIRES BELGES Bruxelles, service royal
Vincent HERVOUET

2013 aura connu une étrange épidémie: après Benoit XVI, après la reine Beatrix des Pays-Bas, après l’émir du Qatar, au tour du roi des Belges de jeter l’éponge ! Albert II abdiquera dans trois semaines pour la fête nationale. Cela fait 20 ans qu’il est monté sur le trône. Il en descend tout seul, à la veille de son 79° anniversaire. Dans le petit discours qu’il adresse à ses compatriotes, dans la simplicité d’un bureau vieillot, avec quelques notes à la main, le souverain met en avant l’âge et la maladie pour justifier sa décision. Un diplomate qui a servi longtemps au Palais avoue qu’il était au courant depuis deux semaines et qu’il n’a pas été surpris, car le souverain lui avait souvent confié sa lassitude et son désir d’une retraite méritée. Albert II ne concevait pas sa mission dans une dimension sacrificielle comme son frère aîné, le roi Baudoin qui s’est tué à sa tâche de roi.

En cela, Albert II a été un souverain moderne. Il a d’ailleurs signé sans hésiter les lois sur l’euthanasie, l’avortement ou le mariage homosexuel que son frère aurait refusé de promulguer. Il a aussi été le partisan du multiculturalisme et d’une laïcité qui cantonne le sacré à la dimension privée. Il a enfin ouvert le palais aux médias, ce qui n’a pas empêché qu’il soit harcelé au cours des derniers mois. Une vraie campagne a ciblé son couple, sa famille, chacun de ses enfants, la reine Fabiola : tous ont eu leur procès en sorcellerie. La famille royale a été attaquée sous tous les angles. Chaque faiblesse exploitée. Tous les soupçons montés en épingle. Le souverain est resté stoïque dans l’épreuve, il n’en est pas sorti indemne. A l’heure où il choisit de s’effacer, chacun réalise qu’il a sauvé le pays à deux reprises. Quand l’affaire Dutroux a mis le pays dans la rue, menaçant d’emporter les institutions.

Et quand la classe politique refusait tout compromis et qu’il a fallu 541 jours (record absolu!) pour s’entendre sur un gouvernement. L’autorité morale d’Albert II aura servi de recours dans la crise, comme elle a servi de rempart à la montée du populisme. La monarchie, avec la bière et une équipe de football constitue le seul héritage que les Flamands, les Wallons et les Belges ont en commun. La couronne empêche ainsi le pays de s’évaporer. Et c’est sans doute ce qui explique que la famille royale ait été autant attaquée... Place maintenant au roi Philippe. Il est sous-estimé comme le sont toujours les dauphins. Son père devra l’épauler dans ses premiers pas. On saura rapidement si les séparatistes flamands qui ont le vent en poupe lui laisseront jouer le rôle d’arbitre qui est le sien et qu’a rempli Albert II avec courage. french english translation audio