Houmouna. Une websérie marocaine sur la communauté LBTQ+
Houmouna de Nissawiyat

Lancée par le groupe féministe Nassawiyat, « Houmouna » est la première web série queer et féministe au Maroc. Son but : changer les mentalités sur la communauté LBTQ+.

Créée par le groupe Nassawiyat, « Homouna » (à traduire de l´arabe par les pronoms They/Them) est la première websérie en darija parlant de la vie, des défis et des rêves des femmes queer/bi/trans et des personnes non binaires au Maroc et dans la diaspora.

La web série est inspirée de 21 histoires vraies de femmes LBTQ que les membres de Nassawiyat ont rencontrées et interviewées dans le sud, le nord et le centre du Maroc afin d´assurer une représentation inclusive de toutes les femmes du Royaume.



La websérie est composée de 5 épisodes qui traitent de différents sujets : être une femme Queer au Maroc, être une personne Transgenre au Maroc, être Queer dans la diaspora, être Intersexe au Maroc et le dernier épisode parle de ce que signifie l'amour au sein de la communauté.

Lancé le 19 septembre sur Youtube et les réseaux sociaux du groupe (Facebook, Instagram...), le premier épisode intitulé « Nouwara » (fleur) parle de la difficulté d'être à la fois femme et Queer dans le pays, et comment cela affecte la vie quotidienne. Le personnage de Nouara, en quête de bonheur, raconte ainsi son rapport à son corps, le poids de la famille et le regard de la société. Affranchie du carcan social, elle se dit enfin « libre et réconciliée avec ses démons ».

Une première dans les médias marocains

Luttant contre toutes les formes de violences et de discriminations sur la base de l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genres, le groupe Nissawiyat nous explique que ce qui a motivé le lancement d’une telle websérie c’est avant tout l’absence de contenu audiovisuel LBTQ+ marocain. « Depuis quelques années, le contenu LBTQ+ nous vient de pays étrangers. Notamment avec l’émergence de la plateforme Netflix qui nous apporte plusieurs séries traitant de la question dans les pays occidentaux. C’est pourquoi nous avons décidé de créer un contenu pour les LGBTIQ+ qui habitent au Maroc, précisent les membres du groupe ». C´est donc une première dans les médias nationaux. « Cette série, nous disent-ils, permet une meilleure visibilité des histoires LBTQ+ au Maroc ainsi qu’une représentation positive d’une communauté vulnérable et résistante ». Elle a pour vocation essentielle « de sensibiliser la population sur l’existence de cette communauté qui a les mêmes préoccupations qu’une grande partie de la jeunesse marocaine ».

En plus de constituer une documentation et une archive sur le sujet, le contenu audiovisuel est aussi une manière de « célébrer nos faiblesses, nos forces, notre diversité, notre amour de nous-mêmes et des autres ».

Oumaima Dermoumi , co-fondatrice de Nassawiyat, experte en genre et chercheuse dans la région SWANA.

Houmouna de Nassawiyat
Houmouna-Nassawiyat
Nouwara-Premier épisode de Houmouna.


Comment est née l’idée de la websérie « Houmouna » et comment s’est fait le choix des personnages ?


Il y a un grand besoin au niveau audiovisuel de contenu queer marocain avec des personnes qui nous ressemblent et nous parlent.

Inspirée de 21 histoires vraies dans plusieurs régions du Maroc, la websérie dresse 5 portraits de jeunes marocaines queer. Le projet dont la réalisation a duré une année vient d’être lancé en cette rentrée 2021. Nous avons recueilli le témoignage de personnes lesbiennes, Bisexuelles et trans. Donc des femmes queers marocaines du nord, du sud et du centre du Maroc.

C’est un travail d'équipe dont la coordinatrice est l’activiste Ayouba El Hamri. Salmaouat a écrit le scénario, Rim a réalisé les dessins, Caracoala a effectué le montage, et d’autres personnes ont enregistré les voix off. Chaque 2 semaines, un épisode sera lancé, le prochain sera diffusé le dimanche 3 octobre 2021.

Quelle en est la finalité ?

La série a pour but de représenter un maximum de portraits de femmes queer au Maroc en incluant les femmes trans et intersex. En plus de sensibiliser la population marocaine sur l’existence d’une communauté LBTQ+ qui a les mêmes préoccupations qu’une grande partie de la jeunesse marocaine, elle vise à changer les mentalités à long terme dans notre pays.

Dans la websérie, personne ne témoigne à visage découvert. Est-ce par peur qu’on puisse les reconnaitre ?

L'idée de la série n'est pas des témoignages directs. Les personnages sont fictifs mais inspirés de plusieurs histoires vraies. L'idée n'est pas de provoquer mais de raconter des vécus qui ressemblent à plusieurs Marocains et Marocaines. C'est aussi un message d'espoir, de bonheur et d'amour.

Le dessin est un medium important pour mettre un visage sur les personnages. À titre d'exemple, « Nouwara » du 1er épisode n'existe pas mais ressemble à plusieurs filles en général et aux filles lesbiennes en particulier.

Comptez-vous réaliser dans l'avenir un autre projet audiovisuel où on pourrait voir les vrais visages de la communauté LBTQ+ ou est-ce encore une utopie ?

Peut-être, j'ai beaucoup d'espoir en l'avenir. La société s'ouvre de plus en plus. La communauté LGBTQ est constituée de personnes que nous côtoyons chaque jour mais des fois, on ne s’en rend malheureusement pas compte !

Comment voyez-vous le devenir de la communauté, surtout avec l'avènement du nouveau gouvernement ?

Nous espérons qu’avec lui, la loi 489 qui criminalise « les actes licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe », sera abolie et que nous pourrons vivre une certaine liberté mais surtout que nous pourrons travailler réellement sur nos réalités difficiles liées à la pauvreté, l'éducation, la santé etc.

J'imagine que la communauté LGBTIQ a énormément souffert avec l'ancien gouvernement plus conservateur ?

Pas seulement avec l'ancien gouvernement. La communauté souffre depuis la mise en place de la loi 489 en 1956. Dès l'indépendance du Maroc, plus de 5 000 homosexuels, en majorité des hommes, seraient passés devant les tribunaux sous l'accusation d'avoir enfreint cet article. Le problème n'est pas le gouvernement mais plutôt les mentalités et la loi mise en place. Le conservatisme ne date pas de 2011. D'autant plus que la souffrance de la communauté LGBTQ n'est pas différente de la souffrance de toute personne vivant au Maroc.