Région indo-pacifique. Le coup de poignard dans la nuque
Macron: C'est un coup de poignard dans le dos Biden: Okay, okay, faites une autopsie et revenez me voir!

Tremblement de terre diplomatique hors échelle. La France se réveille sur l’opération de détournement de marché la plus importante de l’histoire. Des milliards de dollars et des centaines d’emplois partis en fumée en une fraction de seconde. La France compte-telle entre? Ce n’est pas aussi simple.

Il faut le reconnaître, la décision de l’Australie de faire construire ses 12 sous marins nucléaires aux Etats-Unis est un coup dur pour la France que le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian a qualifié de coup de poignard dans le dos. Or, on reçoit un coup dans le dos quand on tourne le dos justement. Et c’est ce qu’a fait la France. Une fois l’accord de construction signé, très confiante, elle a cessé de suivre.

Avant la création de cette nouvelle alliance (AUKUS), indo-pacifique, entre les Etats-Unis, la Grande Bretagne et l’Australie, il y avait déjà le Quadrilateral Security Dialogue (QUAD) qui rassemblait, depuis 2007, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie. Parfait. Mais pourquoi parler de la France dans une zone si éloignée?

En fait, elle n’est pas éloignée du tout. La France possède plusieurs territoires dans la zone: La Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna, dans le Pacifique sud; Mayotte, la Réunion, dans l’océan indien.... Ces territoires sont prolongés bien entendu par les eaux territoriale, puis la zone économique exclusive (ZEE) et le plateau maritime. Très vaste, la ZEE qui mesure 9 millions de kilomètres carrés (la ZEE totale de la France est de 11 millions Km2), est sous administration française. Par conséquent, aucune embarcation ne peut s’y aventurer sans autorisation de la France.

Pourquoi donc la France ne fait partie ni du QUAD ni du AUKUS? Etrange d’autant plus que ces deux groupements sont une réponse stratégique à la BRI (Belt and Road Initiative) de la Chine, ce grand rêve chinois qui concerne 65 pays, 60% de la population mondiale et près du tiers du PIB mondial.

S'inspirant de la route de la soie de la dynastie Han, Xi Jinping veut ainsi accroître la connectivité maritime et favoriser le commerce en réalisant une série de grandes infrastructures (routes, ports, parcs industriels, chemins de fer...) pour pour une enveloppe totale de 1.000 milliards de dollars.

La position de la France vis-à-vis de cette initiative est pour le moins ambiguë. Elle voudrait en être à condition de prendre en charge des projets dans les pays de la Route. Le président français Emmanuel Macron, déclarait le 25 mars 2019 que la France et la Chine allaient coopérer sur une liste de projets concrets d’investissements dans les pays traversés par le tracé. Trump était alors à la Maison Blanche, mais la position des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine n’a pas changé avec Joe Biden.

Au-delà de la France, c’est la position de toute l’Europe qui est attendue. Si l’Italie s’est déjà engagée sur le Route de la Soie, les autres pays restent sur la défensive, face au risque d’hégémonie de l’empire chinois. D’autant plus que les méthodes de celui-ci suscitent de grosses craintes. Le surendettement dans lequel la Chine enfonce ses partenaires pose un grand problème qu’elle résout, de manière unilatérale, en s’appropriant tout simplement les infrastructures financées par ses emprunts.

Il y a donc bien un danger chinois que la France ne voit pas ou ne veut pas voir. L’Europe elle-même est indécise vu qu’elle n’arrive pas à élaborer une vison européenne commune, comme dans le cas de l’OTAN. Certains pays européens voudraient quitter cette organisation, d’autres pas. La France a pu enfin obtenir du président américain l’autorisation pour l’Europe de créer sa propre force militaire. Mais là, Joe Biden répond à un besoin purement américain.

Les Etats-Unis ne veulent plus financer la sécurité de l’Europe qui a les moyens de le faire elle-même. D’autre part, l’administration Biden trouve qu’il est plus urgent de s’occuper de la zone indo-pacifique que de perdre du temps et de l’argent avec l’Europe. C’est un changement géo-stratégique majeur qui touche la France, puissance maritime dans la région. On comprend aisément pourquoi elle a rappelé ses ambassadeurs en Australie et aux USA pour comprendre ce qui s’est passé avec les sous marins.

Finalement, grâce à un coup de téléphone entre les présidents des deux pays, le 22 septembre, une série de mesures a été conçue pour améliorer le dialogue transatlantique.

Par ailleurs, les USA ont reconnu que la France (avec sa présence importante) et l’Europe (qui a développé une stratégie pour la région) ont un rôle à jouer dans la zone qui n’est pas considérée par les Américains comme leur zone exclusive. De quoi satisfaire la diplomatie française.

Cet épisode a montré que la France a su défendre ses intérêt, au-delà de la perte du contrat des sous marins. Mais il démontre aussi la fragilité de la France dont l’influence dans ses anciennes colonies, s’érode de manière régulière, notamment en Afrique francophone. Or, cette baisse d’influence est due, justement, rouleau compresseur de l’intervention chinoise. Il n’est pas sûr que Paris puisse retrouver ses beaux jours de coopération France-Afrique. Le continent a beaucoup évolué dans le sens d’une meilleure prise en charge par lui-même et donc d’une plus grande diversification des partenariats. Seulement, il est vrai, on peut trouver que l’action chinoise porte un grand préjudice aux pays africains qui risquent là aussi leur souveraineté sur un éventail très large de domaines.

Si la France est largement critiquée, si la Chine fait craindre le pire, qui aura l’intelligence d’entamer avec les pays africains une nouvelle ère de coopération sérieuse tenant compte des aspirations des jeunes africains? Les Etats-Unis? Ils ont, en tout cas, une belle opportunité.