Nord du Maroc : 9 femmes sur 10 sont victimes de violence
Aux violences physiques s'ajoutent les traumatismes psychologiques

Près de 9 filles et femmes sur 10 ont subi au moins une forme de violence au cours de leur vie dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima. C’est ce qu’indique  un rapport de la Direction régionale du Haut-commissariat au Plan (HCP).



Un enfer

« Ma vie avec cet homme a été un enfer. Dix ans de violence psychique, physique, sexuelle et économique. Nous enseignions tous les deux dans une école à Fnideq. Pendant le jour, il jouait le rôle de l’homme parfait et hyper attentionné mais à la maison je voyais son vrai visage. Des coups à toutes les occasions, des insultes, du mépris et un grand acharnement à me briser et à briser ma confiance en moi et mon estime personnelle. Tu es moche ! Tu n’es pas une vraie femme ! Tu ne vaux rien et je t’ai fait une grande faveur en t’épousant ! me répétait-il tout le temps. Pourtant ça ne l’empêchait pas de se montrer maladivement jaloux. Une fois en me voyant à l’école avec les cheveux relâchés, il m’a traité de tous les noms. En rentrant à la maison, il m’attendait comme un fauve. Il m’a saisi par les cheveux et m’a trainé par terre en tirant de toutes ses forces. Je hurlais de toute ma force à cause de la douleur atroce mais ça ne faisait qu’augmenter sa rage. A la fin, toute ma belle chevelure trainait par terre... comme morte. Je la garde toujours dans une boite pour me rappeler de ne plus jamais me faire maltraiter par un homme. Le viol, mon salaire qu’il me soustrait en entier dès son virement, les abus psychiques systématiques... tout ça m’a poussé finalement à demander le divorce au tribunal. Au bout de cinq ans maintenant, je n’arrive toujours pas à me remettre de mon calvaire. Ce sont des blessures qui vous marquent à jamais », nous raconte Samia ( pseudonyme ) d’une voix tremblotante.

Même loin de lui, son bourreau continue de hanter ses jours et ses nuits. Une douleur et une peur tenaces qui l’ont empêché de dénoncer, au tout début, les agissements de son mari.

« C’est cette peur qui empêche beaucoup de femmes de dévoiler leur calvaire. Rien que pour témoigner aujourd’hui, elles se sont dérobées par crainte de représailles de leurs maris mais aussi par honte. En parler de cette violence subite impuissamment, c’est comme l’accepter pour elles et la revivre à répétition » nous explique Ouafaa Hanafi, assistante sociale à Tétouan.

Chiffres

Un enfer que le rapport de la Direction régionale du HCP dévoile et décline en chiffres. Ainsi selon ses résultats, elles seront un million et 219 mille sur un million et 380 mille filles et femmes âgées de 15 à 74 ans, à avoir subi la violence au cours de leur vie, soit 88,3 %, contre une moyenne nationale de 82,6 %. Ces chiffres font partie des données de l’« Enquête nationale sur la violence à l’encontre des femmes et des hommes au Maroc » achevée en 2019 et qui vise à aborder le phénomène des violences basées sur le genre dans sa globalité : Ses déterminants, ses formes, ses contextes, ses répercussions, les attitudes à son égard et les perceptions qui l'entourent. Les enquêteurs du HCP ont pu d’ailleurs relever que la violence psychologique reste la plus répandue (83,2%) par rapport à la violence physique (38,6%) et la violence sexuelle (29,9%). Les violences économiques suivent avec environ 222.000 cas soit 16,1% et les violences sexuelles avec 175.000 cas.

Analysant le phénomène, le rapport explique que la violence se manifeste par un comportement de domination ou d’asservissement dans lequel on use de force physique, psychologique, verbale, économique ou autre. Ces comportements se produisent consciemment ou inconsciemment et peuvent concerner aussi bien les femmes que les hommes.

Rappelons que cette enquête a été menée entre février et juillet 2019 dans la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Il a concerné des personnes âgées de 15 à 74 ans en respectant la représentation géographique, sociale et économique de l'échantillon cible constitué de 1140 filles et femmes et 285 garçons et hommes, soit 9,5 % de l'échantillon sélectionné au niveau national.