Turquie. La galère de l'économie erdoganienne
Les queues devant les boulangeries. Le pain se fait rare et plus cher.

L'année 2021, qui s’achève en Turquie sur fond de grave crise économique, avec de fortes répercussions politiques et sociales, a été jalonnée par de nombreux enjeux stratégiques sur les plans intérieur et extérieur. Le parti de la justice et du développement au pouvoir a dû faire face à des choix difficiles, que seules les urnes détermineront leur degré d’impact sur la population.

Une monnaie en chute libre

En dépit du rebond qu'elle a enregistré ces dernières 48 heures, grâce aux mesures de sauvegarde, la livre turque a perdu depuis le début de cette année 55% de sa valeur, dont 37% durant les trente derniers jours, résultat direct des décisions de la Banque centrale de réduire le taux d’intérêt, en application des décisions du président Erdogan. Le chef d’État prônait une politique monétaire ''nouvelle'' mettant un terme aux taux d’intérêt élevés, '’nocifs’’, selon lui, pour l’économie nationale.

La chute libre de la livre turque a conduit à mettre le pays sous la loupe les institutions financières internationales. Au niveau national, des divergences entre l’approche monétaire défendue par le président et celle de l’opposition et de certains économistes ont conduit à une série de limogeages de ministres des finances et de conservateurs de la banque centrale, instaurant ainsi un climat d’instabilité économique.

Mais, pour le président turc, les fluctuations des taux de change sont "artificielles’’, car ne convergeant pas avec la croissance économique du pays.

A cet effet, les données officielles font état d’un taux de croissance de 7% durant le premier trimestre de 2021, de 21% durant le deuxième trimestre, avec des projections de croissance annuelle oscillant entre 9 et 10% en 2021. Sur le terrain chez chiffres ne disent rien aux citoyens qui doivent faire la queue dans le froid pour acheter du pain subventionné, appelé pain du peuple.

Des élections cruciales

A l’approche de la Présidentielle et des élections parlementaires, qualifiées de ‘’décisives’’ pour l’avenir du pays, l’opposition n’a pas laissé échapper l’occasion de la dégringolade de la livre turque pour dénoncer les conséquences des décisions gouvernementales sur le quotidien de la population, mettant en garde contre l’ambiguïté des perspectives d’avenir et la méfiance vis-à-vis des institutions financières.

L’opposition prend les gouvernements successifs menés par le parti de la justice et du développement pour responsables de la situation, ''incapables qu’ils sont de régler les problèmes structurels de l’économie'', estimant que les difficultés économiques sont amenées à s’aggraver en raison également de la politique étrangère du président, qui coute cher à Ankara sur les plans politique et économique.

Les partis de l’opposition ont appelé à des élections ‘’immédiates’’ et non ‘’anticipées’’, dans une tentative de tirer avantage de la situation économique actuelle, avant que le parti au pouvoir ne réussisse à convaincre la rue de la pertinence de ses choix destinés à garantir la stabilité économique du pays.

Durant cette phase politique critique, la majorité cherche à garder son crédit populaire intact et attirer les petits partis, tandis que l’opposition tente d’éviter que son bloc se fissure, sur fond de divergences sur des thématiques de fond et sur le choix du rival d’Erdogan pour la présidence.

Réconciliation régionale

Ankara semble poursuivre depuis un certain temps une politique de réconciliation avec les acteurs influents de la région, consacrant avant tout la primauté de ses intérêts stratégiques. La diplomatie turque a exprimé clairement sa volonté de tourner la page des différends avec plusieurs capitales arabes, dont le Caire, Abou Dhabi et Ryad.

Avec l’Occident, la Turquie fait preuve de ‘’calme et de prudence’’ dans ses relations avec Washington et l’OTAN, en évitant de verser dans la provocation. Elle tient aussi à un ‘’certain équilibre stratégique’’ avec la Russie.

S’agissant du dossier de l’adhésion à l’Union européenne, les derniers développements suggèrent que ce n’est point pour demain, en raison du fossé chaque jour plus profond entre les approches des deux parties notamment sur l’immigration et les droits humains.