Le film polémique « Feathers » de Omar El Zohairy projeté au Maroc
Le film Feathers (Plumes) de Omar El Zohairy dépeint la question de la pauvreté et la vulnérabilité en Egypte.

Accusé de « ternir la réputation de l’Egypte », le long métrage de Omar El Zohairy « Feathers » (plumes) primé à Cannes en 2021, et couronné « meilleure fiction arabe » du dernier festival d'El-Gouna, vient d’être présenté le jeudi 27 janvier 2022 au Cinéma Renaissance à Rabat au Maroc.

Mi-absurde mi-peinture sociale, le dernier film « Feathers » du réalisateur Omar El Zohairy qui dépeint un pays où la pauvreté et les bidonvilles sont toujours bien ancrés a fait grincer des dents lors de sa sortie il y a quelques mois en Egypte. Ses détracteurs l’accusant de véhiculer « une mauvaise image du pays » à l’étranger.

Le drame fantastique a pourtant remporté le Grand Prix Nespresso de la Semaine de la Critique du 74e Festival de Cannes et le Prix FIPRESCI de la Critique Internationale, et a été couronné « meilleure fiction arabe » lors de la 5ème édition du festival d'El-Gouna en octobre dernier.


« Le film ne dépeindrait pas la réalité de l’Egypte ! »

Le film qui fait polémique raconte l'histoire d'une femme, passive, dévouée corps et âme à son mari et ses enfants qui devient soudainement la seule source de revenus pour le foyer, lorsqu’un magicien de pacotille transforme son mari... en poule pendant l'anniversaire de son fils de quatre ans. La mère n’a d’autre choix que de sortir de sa réserve et assumer le rôle de cheffe de famille, remuant ciel et terre pour retrouver son mari. Luttant pour sa survie et celle de ses enfants, elle devient peu à peu une femme indépendante et forte.

La comédie dramatique Feathers a été violemment critiquée
Une scène extraite du film Feathers de Omar El Zohairy
Feathers projeté au Cinéma Renaissance de Rabat le jeudi 27 janvier 2022.


Lors de sa projection au festival El Gouna le 17 octobre dernier, plusieurs arteurs se sont dits choqués par la dure réalité que dépeint le film dans un pays qui compte 34 millions de pauvres ! Le célèbre acteur Chérif Mounir a même quitté la salle en affirmant : « Nos anciens bidonvilles et ceux qui disparaissent actuellement restent plus beaux que (le décor) du film. « D'immenses progrès ont été réalisés par l'Etat dans l'élimination des bidonvilles et le relogement de leurs habitants dans de superbes meublés. Nous vivons dans une nouvelle République », a-t-il précisé dans le célèbre talk-show d'Amr Adib.

Plusieurs députés ont par la suite accusé le film de « ternir la réputation » du pays. Sur son compte Twitter, le député Mahmoud Badr, lui a reproché de « présenter une Egypte où il n'y aurait aucun projet de développement ». Pour sa part, l'avocat conservateur Samir Sabri, a déposé plainte contre les producteurs du film pour « insulte à l'Egypte et aux Egyptiens ».

Une oeuvre priméé à l’international

Omar El Zohairy primé lors de 5ème édition du Festival El Gouna en Egypte en Octobre 2021.


Pour son dernier film qui se déroule dans un village qui n'est jamais nommé ni localisé, Omar El Zohairy a fait appel à des acteurs amateurs, qui sont pour la plupart d’entre eux, des Egyptiens coptes, la principale minorité chrétienne du Moyen-Orient (dont environ 15% des Egyptiens, parlent avec l'accent de la Haute-Egypte, rurale et méridionale).

Primé à El Gouna et récompensé par le magazine américain Variety, El Zohairy avait affirmé à l'AFP avoir fait « un film fort et ce, à cause des sentiments, de l'authenticité artistique et des valeurs humaines ». Tout en ajoutant « qu’une œuvre artistique suscite toujours des opinions différentes ».

De son côté, le critique de cinéma Tarek Al-Chennaoui, trouve « qu’aucune production artistique ne peut ternir la réputation de l'Egypte », a-t-il précisé. Au contraire, « si vous éclairez un problème social, alors vous cherchez vraiment à faire avancer votre pays ».

Après avoir été récompensé à Cannes et El Gouna, le film a ensuite a raflé plusieurs prix dans le monde notamment : le Prix Spécial du jury ex-aequo Festival du Film de Turin (TFF) (Italie, 2021) et la Mention spéciale Festival International New Horizons (Pologne, 2021) en plus de quatre prix aux 32è journées cinématographiques de Carthage, dont la plus haute distinction, le Tanit d’Or.