Disparition des abeilles. Sérieuse menace sur la sécurité alimentaire
La disparition des colonies d’abeilles au Maroc représenterait un désastre à la fois biologique, environnemental et économique.

La disparition des abeilles aura de lourde de conséquences tant sur le plan environnemental que sur le plan économique.



Les experts de l’apiculture sont unanimes : la disparition des colonies d’abeilles au Maroc représenterait un désastre à la fois biologique, environnemental et économique. Le phénomène suscite une inquiétude croissante aussi bien chez les éleveurs que chez les spécialistes de ce domaine. Et les conséquences seraient lourdes vu l’importance des ruchers et des abeilles dans l’équilibre écologique et agricole et le développement économique, ainsi que de l’importance du secteur en termes d’emplois.

Apiculteurs sinistrés

La filière apicole est menacée. De nombreux apiculteurs déclarent que la majorité de ruches se vident des abeilles soudainement et le reste est menacé d’effondrement. Du jamais vu, avec de lourdes pertes financières. «Nous sommes toujours en train d’évaluer les pertes subies pour les professionnels dans les régions concernés », souligne le président de la FIMAP (Fédération interprofessionnelle marocaine de l’apiculture), M’hamed Aboulal. Les apiculteurs avouent qu’ils sont désarmés face à cette menace.

Selon les statistiques du ministère de l’agriculture, de la Pêche Maritime du Développement Rural et des Eaux et Forêts, le secteur de l'apiculture au Maroc constitue une source de revenus pour plus de 36.000 personnes. Un nombre en progression de 65% par rapport à 2009.

Autres chiffres révélateurs : le nombre de ruches a évolué de 482% durant la même période grâce au Plan Maroc Vert. La filière a connu une nette évolution de la production, avec notamment un chiffre d’affaires qui ressort à 1.100 MDH, une valeur ajoutée de 822 MDH et la création de 2,45 millions de journées de travail.

Pas d’abeilles, pas de miel

Première conséquence de ce phénomène : la production du miel est compromise. La consommation annuelle de ce produit par habitant est d’environ 250 grammes, et environ 2.000 tonnes sont importées de l’étranger pour soutenir la production nationale qui est passée de 4.717 tonnes en 2009, à près de 8.000 tonnes, soit un accroissement de plus de 69%.

Derrière cette fulgurante progression, 850 unités de culture ont été équipées de matériaux destinés à favoriser leur production et 110 projets apicoles ont été réalisés dans le cadre des projets Pilier II ainsi que quelque 19 projets d’agrégation autour des unités de valorisation et /ou conditionnement.

«Qui dit moins d’abeilles, dit moins de miel produit localement et cela va certainement accroitre les importations du miel. Ce miel d’importation est généralement bien moins cher, mais aussi de qualité très faible, voire dangereux pour la santé et produit dans un objectif de rentabilité maximale, au détriment de l’abeille», alerte l’apiculteur Mohamed El Hayani.

Pas d’abeilles, pas de fruits et légumes non plus

En attendant la levée du mystère sur cette inquiétante situation, il faut noter que l’enjeu ne se limite pas à la production du miel, mais va au-delà. Les abeilles jouent un rôle majeur en agriculture. D’après, Zouair, 80% des cultures dépendent de l'action des insectes pollinisateurs.

Selon diverses études scientifiques, un tiers de notre alimentation quotidienne dépend de la pollinisation, ce mode de reproduction des plantes à fleurs qui fonctionne grâce au transport du pollen par les butineurs depuis les étamines jusqu’au pistil. Sans cette pollinisation, la liste des denrées alimentaires auxquelles nous n’aurions plus accès serait longue : plus de pommes, de poires, de carottes, d’oignons, de brocolis, de melons, d’arachide, de café, etc.

L’alimentation serait donc limitée aux cultures qui ne dépendent pas des insectes pour leur reproduction comme le blé ou le riz. D’ailleurs, dans certaines régions du monde, le déclin des abeilles est déjà tellement prononcé que les agriculteurs sont forcés de remplir le rôle des insectes disparus et de procéder à une pollinisation manuelle des plantes... fleur par fleur.

Donc attention danger ! l’effondrement de ces populations aura des conséquences dramatiques pour les écosystèmes. Parce que leur disparition progressive entraîne une diminution du nombre de leurs prédateurs, comme les grenouilles ou encore les oiseaux.

Le ministère de tutelle à la rescousse

Conscient de la gravité de la situation, le ministère de l’Agriculture, de la pêche, du développement rural et des eaux et forêts a déclenché « un plan de soutien exceptionnel aux apiculteurs sinistrés ». Un montant de 130 millions de dirhams a été débloqué pour appuyer les apiculteurs et restaurer un environnement viable pour les colonies d'abeilles et les pollinisateurs. En collaboration avec l’ONSSA, diverses mesures urgentes sont prévues, notamment l’accompagnement des apiculteurs pour la reconstruction des ruches infectées par la distribution de nouvelles colonies d’abeilles, la mise en place d’une campagne nationale de traitement des ruches contre la maladie de varroase ainsi que des campagnes de sensibilisation au profit des apiculteurs portant sur les bonnes pratiques en matière d’apiculture. «Ces efforts sont louables. Encore faut-il identifier les causes de cette problématique pour stopper l’hémorragie », conclut M’hamed Aboulal.

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