Abderrahman El Abrak. La disparition des abeilles nécessite des investigations approfondies.
Abderrahman El Abrak, directeur de la protection du patrimoine animal et végétal chez l’ONSSA

La disparition des abeilles dans certaines régions du Maroc inquiète. L’ONSSA penche sur la problématique pour cerner les causes et les impacts. Explications du directeur de la protection du patrimoine animal et végétal chez l’office, Abderrahman El Abrak

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Les abeilles disparaissent en masse dans certaines régions marocaines. Comment expliquer ce phénomène ?

Abderrahman El Abrak: Le phénomène de disparition des abeilles appelé également « effondrement des colonies d’abeilles » est caractérisé par le fait que les colonies d’abeilles quittent leurs ruches sans y revenir. Au niveau de la ruche, seule la reine et quelques ouvrières y restent.

Au Maroc, ce phénomène a été détecté récemment chez certains apiculteurs et dans certaines régions. Aussitôt, l’office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) s’est rapidement mobilisé, en collaboration avec la Fédération interprofessionnelle marocaine de l’apiculture (FIMAP), pour mener les investigations sur le terrain afin de déterminer l’ampleur de ce phénomène et d’en élucider les facteurs qui l’on favorisé.

Les enquêtes de terrain menées ont ciblé plusieurs provinces et ont permis de visiter et d’examiner environ 23.000 ruches dans plusieurs régions du pays et plusieurs prélèvements de la ruche et du couvain ont été effectués en vue de leur analyse au laboratoire.

Quels sont les résultats des investigations effectués jusque là ?

Les premiers résultats qui ressortent de ces investigations et des analyses de laboratoire ont montré que ce phénomène est nouveau et concerne certaines zones et certains apiculteurs à des degrés variables. Aussi, les résultats des investigations de laboratoire n’ont pas mis en évidence la présence d’une maladie des abeilles qui soit la cause de l’apparition de ce phénomène.

Il est à signaler que ce phénomène de disparition des abeilles, appelé également « syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles » a été observé dans d’autres régions du monde, notamment en Europe, en Amérique et en Afrique. Les études et recherches menées pour comprendre ce phénomène ont attribué son apparition à l’implication de plusieurs facteurs, notamment climatiques (comme le déficit des précipitations), environnementaux en lien avec l’insuffisance des parcours (entrainant une insuffisance des ressources alimentaires) ainsi que l’état sanitaire des ruchers, y compris les mesures préventives adoptées et les pratiques apicoles.

Quels impacts sur le secteur apicole à court et moyen terme ? Qu’en est-il de la production de miel ?

la situation actuelle, l’impact du phénomène de disparition des abeilles sur le secteur apicole à court et moyen terme ne peut pas être élucidé étant donné que le phénomène est encore récent et nécessite des investigations approfondies pour pouvoir déterminer son origine et établir les protocoles d’intervention nécessaires pour atténuer son expansion au niveau des élevages apicoles. Il est à signaler que la disparition des abeilles n’a été observée, pour le moment, qu’au niveau de certaines régions du Royaume et chez certains apiculteurs.

Grâce au Plan Maroc Vert, la filière apicole a pu connaître une évolution importante au cours des dernières années. Un tel phénomène pourra-il freiner la cadence ?

Le secteur apicole joue un rôle socio-économique très important. En effet, plus de 36.000 apiculteurs tirent leur revenu en totalité ou en partie de cette activité.

L'apiculture joue également un rôle essentiel dans la pollinisation des plantes naturelles et cultivées, et améliore la quantité et la qualité des productions végétales, notamment l'arboriculture fruitière, le maraîchage et les cultures industrielles.

Dans le cadre du Plan Maroc Vert, le Gouvernement a conclu un contrat de partenariat avec la Fédération Interprofessionnelle Marocaine de l’Apiculture (FIMAP) en avril 2011. Ce contrat programme a défini la vision et la stratégie de développement de l’apiculture au Maroc à l’horizon 2020.

Grâce à ce plan, la filière apicole a connu une évolution importante du secteur moderne, dont le nombre de ruches modernes est passé de 110 000 en 2009 à 640 000 ruches en 2020. Aussi la production du miel est passée de 4 717 T en 2009 à 7 960 T de miel en 2020.

Que prévoit le ministère de l’agriculture pour faire face à ce problème ? Et quel accompagnement prévu pour les apiculteurs ?

Actuellement, les investigations et les recherches sont en cours par l’ONSSA en collaboration avec les différents acteurs du secteur apicole pour en déterminer les différents facteurs qui ont prédisposé à l’apparition de ce phénomène. Dans ce cadre, l’ONSSA a créé un comité d'experts multidisciplinaire pour poursuivre les recherches et les études sur ce phénomène.

En outre, dans l’objectif de réduire l’impact de ce phénomène sur le secteur apicole, un montant de 130 millions de dirhams a été alloué pour la mise en œuvre d’un plan d’action qui comprend notamment, la réalisation d'une campagne nationale de traitement des ruches contre la varroase à l’instar de la campagne réalisée en 2021, la mise en œuvre d’un programme de sensibilisation au profit des apiculteurs sur les bonnes pratiques apicoles et l'appui des apiculteurs touchés par ce phénomène par l'aide au repeuplement des ruches affectées.