Imilchil : Des villageois se nomadisent à cause de la sécheresse
Partir pour sauver son gagne pain, c'est le choix de ces nomades occasionnels

Chassés par la sécheresse, 90% des villageois éleveurs des tribus de Ait Hdidou d’Imilchil ont été obligé de partir ailleurs en quête d’eau et de fourrage pour leurs bétails. Familles séparées et enfants privés de leurs écoles, ce sont les dommages collatéraux du déficit hydrique … 

Comme la plupart des régions du pays, Imilchil n’échappe pas à la sécheresse marquant cet hiver 2022. Si la campagne agricole est déjà compromise, le spectre du déficit en eau potable commence à planer sur plusieurs régions et villes. Le déficit pluviométrique sévère et les réserves raréfiées des barrages ne sont guère rassurants. « Tout comme les autres régions, nous sommes frappés de plein fouet par cette sécheresse », nous confie au téléphone Mohamed Daamti, président de l’Association des professionnels de tourisme de montagne d'Imilchil (APTMI).

Nomades "occasionnels"

Perchée à 2200 m d'altitude sur une montagne nue au cœur du Haut Atlas oriental, cette bourgade de la province de Midelt souffre en silence. Déjà éprouvée par des années d’alternance de sécheresse et d’inondation, la région est aujourd’hui en train de se vider de sa population. « Certes la plupart des douars, à l’exception de quelques uns, sont actuellement alimentés en eau potable mais lorsque la pluie fait défaut comme cette année, les agriculteurs et les éleveurs sont confrontés à un sacré dilemme », nous explique l’acteur associatif. Se défaire de son bétail ou se séparer de sa famille, Lahcen. B a du faire ce dur choix pour sauver son gagne pain.

« Tout comme Lahcen beaucoup de villageois ont été obligés de partir et se diriger avec leurs bétails vers le sud en quête d’eau et de fourrage pour leurs bêtes », regrette Mohamed Daamti. Se nomadiser, un choix difficile qui a contraint Lahcen. B et les autres à se séparer de leurs femmes et de leurs enfants. « Si certains choisissent de partir avec leurs familles, d’autres faisant valoir l’intérêt des enfants qui sont scolarisés, se sacrifient et partent seuls. Un choix assez dur pour tout le monde. Car les femmes se retrouvent également seules à s’occuper du foyer en l’absence du père de famille », note l’acteur associatif. Une absence qui peut durer jusqu’à six mois dans les régions du sud tels Zagora ou Errachidia. Ce périple sensé sauver le bétail de la faim et l’éleveur de la faillite ne s’avère d’ailleurs pas de tout repos comme nous l’apprennent Lahcen B et Mohamed Daamti.

Conflits

« La sécheresse est générale et même dans ces régions ayant eu la chance d’enregistrer quelques précipitations les fourrages peuvent s’avérer insuffisants pour tout le monde surtout après ce mouvement migratoire important. Les conflits entre les autochtones et les nomades sont assez fréquents et c’est un peu normal avec toute cette tension », explique le président de APTMI. D’après ce dernier, si les plus intrépides choisissent de se nomadiser pour survivre, les autres préfèrent sacrifier leur bétail en le vendant. « Beaucoup d’éleveurs n’ayant plus le sou pour nourrir leurs bêtes et voyant la montagne désertifiée ont préféré vendre des centaines de moutons alors que c’est leur source principale de revenu », regrette Daamti.

Paradoxe

Si aujourd’hui la problématique de l’eau potable est moins pesante sur les hauteurs d’Imilchil grâce à la stratégie d’approvisionnement, ce n’était pas toujours le cas auparavant. Jusqu’à 2017, des familles entières de la tribu de Ait Hdidou menaient un combat quotidien contre la soif. Afin de s’approvisionner en eau, parents et enfants effectuaient, à tour de rôle, un voyage quotidien de 8 heures de marche aller/retour jusqu’à une petite source alimentant plusieurs foyers éparpillés sur la colline.

Une situation qui était paradoxalement aggravée par les premières pluies. De nombreux douars sont souvent victimes des inondations caractéristiques de la saison humide. « Des catastrophes qui emportent la récolte de pommes et de pommes de terre en laissant beaucoup d’agriculteurs sur le carreau, avec de lourdes dettes qu’ils ne pourront jamais rembourser », nous explique auparavant Hssayne Ozni, de l’Association Akhiam d’Imilchil.

D’après ce dernier, la situation a empiré avec le dégarnissement des montagnes sous la pression du surpâturage et l’absence d’infrastructures, tels les barrages collinaires. « Ces derniers auraient permis de gérer les ressources en eau d’une manière rationnelle et d’assurer leur durabilité. Même la neige disparaît des sommets des montagnes, sous l’effet des changements climatiques. Auparavant, cette neige finissait par dégager suffisamment d’eau et alimentait ainsi la nappe phréatique en permettant aux habitants et à leurs bétails d’étancher leur soif. Ce n’est plus le cas aujourd’hui », argumente de son côté Daamti.

ce dernier réclame d'ailleurs des solutions durables élaborées conjointement entre les différents départements en charge à savoir le bassin hydraulique, les eaux et forêts, le ministère de l’agriculture, de l’Intérieur et celui de l’équipement, le département de l’environnement et les communes. « C’est une problématique multidimensionnelle qui nécessite une stratégie intégrale pour préserver les ressources hydriques de la région et pour protéger la population des aléas de la nature », conclut l’acteur associatif. Rappelons que le ministère de l’Équipement et de l’eau a annoncé le lancement d’un programme de 120 barrages collinaires pour la période 2022-2024. Ce type de barrages joue un rôle important dans la lutte contre les inondations, dans l’approvisionnement en eau et l’alimentation de la nappe phréatique.