Chirurgie esthétique. Un métier encore flou et... dangereux

Le secteur de la médecine et de la chirurgie esthétique au Maroc est en train de connaître un grand essor, boosté par un grand engouement pour les prestations offertes par les centres de beauté et de bien-être physique. Or, cette activité demeure opaque et fait face à une régulation défaillante, à en croire le Syndicat national des chirurgiens plasticiens du Maroc (SNCPM).

Devenue au fil des années une pratique de plus en plus répandue parmi les femmes marocaines, en particulier les plus jeunes, la chirurgie esthétique a attiré une clientèle à foison, passionnée par les dernières tendances de la mode et du relooking.

À force de campagnes publicitaires via les plateformes de réseaux sociaux notamment, les futures patientes/clientes s'adonnent, en fonction de leurs bourses et besoins, à des injections de comblement, de la toxine botulique (populairement connue sous le nom de Botox), du plasma riche en plaquettes (PRP), de la mésothérapie ainsi qu'à des séances de laser épilatoire, en dehors de tout cadre légal régissant cette profession.

En effet, "seuls les chirurgiens plasticiens et les médecins ayant reçu la formation et les diplômes requis, enregistrés à l'Ordre des médecins ont le droit de procéder à des gestes médicaux à visée esthétique", avertit le SNCPM dans un communiqué.

Dans ce sens, le Code de déontologie médicale, dans son chapitre II Article 4, stipule que "nul ne peut accomplir aucun acte de la profession médicale, à quelque titre que ce soit, s'il n'est inscrit au tableau de l’Ordre conformément aux dispositions de la présente loi et celles de la loi n°08-12 relative à l’Ordre national des médecins, au titre du secteur dans lequel il entend exercer", selon la même source.

Bien qu'elles soient au fait que les centres de beauté ne sont pas habilités à proposer ces types de soins, plusieurs jeunes femmes contactées par la MAP invoquent la différence de prix considérable entre les médecins et les esthéticiennes.

"Pour une séance de laser épilatoire chez une esthéticienne, je ne paye que 300 DH alors que chez le médecin ça coûte 900 DH", confie Ikram, une jeune femme de 23 ans, qui estime, par ailleurs, que le laser est plus facile à manier que les injections et peut donc être effectué par une esthéticienne bien formée.

Le même avis est partagé par une esthéticienne russe ayant requis l'anonymat qui se dit capable d'exercer ce métier à la faveur des études et formations suivies de manière régulière, assurant même qu'elle est sollicitée par certains médecins pour offrir des prestations de laser épilatoire dans leurs cabinets.

La spécialiste met l’accent sur le fait qu’elle "passe les mêmes formations à l’étranger que certains médecins pratiquants", révélant recevoir des patientes en détresse, ayant subi des déformations provoquées suite à des erreurs médicales commises par des pratiquants homologués.

"Nous avons une responsabilité, on touche les visages des gens, on ne peut faire n’importe quoi", poursuit-elle, rassurant qu’elle respecte toutes les normes d’hygiène et de propreté et se sert d'un matériel sûr et à usage unique.

Déplorant le fait d’avoir à travailler dans l’illégalité, cette esthéticienne, qui a plus de 20 ans d’expérience, appelle à une "régulation plus souple, à travers des formations agréées par l’État et des contrôles réguliers dans les centres proposant ce type de services". "Le plus important n’est pas d’être inscrit à l’Ordre des médecins mais plutôt d’être à jour au niveau des formations requises", estime-t-elle.

Battant cet argument en brèche, le SNCPM alerte sur la qualité douteuse des produits d’injection utilisés par ces "charlatans", lesquels sont parfois non stérilisés, illicites, interdits, voire des copies.

Certaines "fausses injectrices" arrivent à se procurer par des moyens illégaux de bons produits ou des machines laser autorisées à être mises sur le marché marocain, assène le Syndicat.

Face au désir affiché par les esthéticiennes de voir régulariser leur situation juridique et l’appel du SNCPM à mettre fin à la pratique illégale de la médecine par ces dernières, le secteur vit toujours dans un méli-mélo déconcertant, mettant en péril la santé d'innombrables jeunes femmes.

Elhassan Benyahya MAP

Le titre est de la rédaction