Allemagne. Interdire le pétrole et le gaz russes est une menace pour la paix sociale

L’Europe est blessée et c’est la Russie qui remue le couteau dans la plaie. Dans la guerre russo-ukrainienne, les pays européens n’ont pas les mêmes intérêts. L’Allemagne le démontre bien. Sa grande dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie accentue sa fragilité. L’interdiction des importations de pétrole et de gaz russe n’est pas envisageable.

Les ministres allemands des Finances et des Affaires étrangères sont contre une interdiction des importations de gaz, pétrole et charbon depuis la Russie dans le cadre de nouvelles sanctions liées à l'invasion de l'Ukraine.

"Il faut pouvoir tenir (les sanctions) sur la durée", a expliqué la cheffe de la diplomatie, Annalena Baerbock, à la chaine ARD. "Ca ne sert à rien si dans trois semaines on découvre que nous n'avons plus que quelques jours d'électricité en Allemagne et qu'il faut donc revenir sur ces sanctions."

"Nous sommes prêts à payer un prix économique très très élevé" mais "si demain, en Allemagne ou en Europe, les lumières s'éteignent, ça ne va pas arrêter les chars", a ajouté A. Baerbock lors d'une interview à la chaine ZDF.

"Si ces sanctions mettaient un terme à cette guerre, je les prendrais immédiatement", a observé la ministre.

Selon le chef de la diplomatie américaine Anthony Blinken, les Etats-Unis "discutent très activement" de la possibilité d'interdire les importations de pétrole russe.

Le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, s'est également montré sceptique. "Nous ne devons pas limiter notre capacité à tenir sur la durée" et "décider d'un embargo unilatéralement aurait un impact négatif sur cette capacité", a-t-il déclaré au journal Bild.

Une telle interdiction d'importer gaz et pétrole de Russie "menacerait la paix sociale" en Allemagne, avait affirmé vendredi ministre écologiste de l'Economie Robert Habeck.

L'Allemagne importe de Russie 55% de son gaz, 42% de son pétrole ainsi que du charbon, une dépendance pour laquelle le gouvernement a fait son autocritique depuis l'invasion de l'Ukraine mais qui va nécessiter des années pour être réduite.

La situation délicate dans laquelle se retrouve l'Allemagne aujourd'hui est le résultat des choix énergétiques de l'ancienne chancelière Angela Merkel abandonnant le nucléaire au profit des énergies fossiles, sous la pression des écologistes. Mais il y a aussi un autre aspect. L'Allemagne se demande si capacités militaires lui permettraient de faire face à des agressions extérieures. Il semble qu'elle a déjà trouvé la réponse puisque le chancelier Olaf Scholz a décidé d'augmenter le budget de la défense à 2% du PIB. L'armée bénéficiera d'un budget spécial de 100 milliards de dollars. Une décision qui a été unanimement saluée au Bundesrag le 27 février dernier.

Avec AFP