La psychologie du non-équilibre
Ahmed Setti, Président du Centre d’étude en psychologie du non-équilibre CEPNE

Ahmed Setti est le premier à avoir écrit, en 2014, sur la psychologie du non-équilibre dans une revue scientifique. Après l’école américaine de Palo-Alto, il a ouvert un Centre d’étude dédié à cette nouvelle discipline «révolutionnaire» avant de lui consacrer récemment un livre. A travers cette tribune, Ahmed Setti explique ce qu’est la psychologie du non-équilibre.   

Durant toute son histoire, la psychologie s’est toujours inspirée des sciences de la nature pour créer ses propres modèles. La psychanalyse s’est inspirée de la dynamique et de thermodynamique classique, la psychologie systémique de la cybernétique, et la psychologie cognitive de l’informatique. Il n’est donc pas étonnant qu’avec l’avènement des sciences de la complexité, de nouvelles théories et de nouvelles pratiques s’instaurent : c’est le domaine de la psychologie dite de non-équilibre.

Après la physique du non-équilibre créée depuis quelques décennies par Ilya Prigogine, voici donc venu le temps de la psychologie du non-équilibre. Ce nom a été utilisé pour la première fois dans un article que j’ai publié dans la revue psychiatrique, Les cahiers Henri Ey, en 2014. Il portait comme titre : « La Conscience entre Inconscient et Transconscient : De la psychanalyse à la psychologie du non-équilibre. »

L’assise épistémologique de cette discipline ainsi que son objet d’étude et sa méthode d’approche ont été développés par la suite dans mon livre : La psychologie du non-équilibre .


J’ai forgé ce néologisme pour spécifier une nouvelle branche de la psychologie clinique qui aura comme objet d’étude le « chaos psychique » survenant loin de l’équilibre chez toute personne qui se trouve, suite à une transition spatio-temporelle irréversible, en butte à un néo-environnement qui se présente comme une variété incodable et auquel – dans le but de survivre – elle doit s’adapter. Comme en physique donc, j’avance l’hypothèse que la psyché peut être étudiée dans un quelconque de ces trois états : en équilibre, près de l’équilibre, ou loin de l’équilibre. Ainsi (momentanément) défini, la psychologie du non-équilibre propose une théorie, à la fois cohérente et satisfaisante, pour rendre compte des auto-organisations psychiques qui se déclenchent toujours dans les situations de non-équilibre. Cette nouvelle approche va nous aider à comprendre les perturbations mentales liées à certaines périodes critiques de la vie comme l’adolescence, ou celles observées chez les migrants, les engagés militaires, les sociétés en mutation, etc. Mais ce qui fait de la psychologie du non-équilibre une discipline qui accroche au siècle, c’est sa capacité à rendre compte des troubles mentaux liés aux chaos du monde moderne marqué par l’accélération de l’histoire, la perte des repères et les changements rapides et déstabilisateurs de l’environnement.

Pour introduire à la psychologie du non-équilibre, il existe plusieurs entrées, mais pour une raison plutôt didactique, j’ai personnellement privilégié l’approche historique. À cet effet, j’ai cherché à tracer des frontières, à partir d’un ensemble de critères, entre la psychanalyse, la psychologie systémique et la psychologie du non-équilibre. Il s’agit d’une perspective historique qui permet de visualiser le processus des changements de paradigme, d’objet d’étude et des méthodes d’investigation spécifiques à chacune de ces disciplines. Je souligne au passage, qu’entre ces trois branches de la psychologie clinique, il ne s’agit nullement d’un processus progressif ou d’un prolongement naturel de l’une vers l’autre, mais de ruptures épistémologiques.

Entre ces trois disciplines, nées successivement suite à des études sur les névroses et les psychoses pour les deux premières approches, et sur le chaos psychique pour la troisième, nous sommes passés successivement :