Hausse des prix : Les habitudes de consommation chamboulées
Le pouvoir d'achat réduit, de nombreux marocains changent leurs habitudes de consommations

La hausse des prix aurait profondément chamboulé les habitudes de consommation des Marocains. Si les uns tentent de s’en accommoder, d’autres peinent encore à s’adapter à la nouvelle donne.



« Hier, avec un ami, nous sommes partis faire des courses dans un hyper marché. Avant d’y entrer, dans le parking, nous avons juré tous les deux sur le Coran de n’acheter que l’essentiel et de ne pas céder à la tentation du superflu. C’était le seul moyen de brider nos envies » raconte Abdelhadi El Moudni. Si cet employé a besoin de prêter sermon pour contrôler ses pulsions, d’autres n’arrivent pas encore à s’adapter à leur pouvoir d’achat largement réduit.

« Les prix qui flambent chaque jour un peu plus ne me laissent pas trop le choix. La crise sanitaire m’a obligé à mettre en veille la construction de ma maison, aujourd’hui je suis au pied du mur », regrette Said Bennasser, commerçant. Ce quarantenaire qui a toujours refusé de contracter un crédit pour bâtir sa demeure, n’arrive plus à s’approvisionner en matériaux. « Le fer, le béton, l’aluminium, le carrelage... tous les prix ont doublé voire triplé. Je n’arrive plus à maintenir la cadence, du coup je stoppe les travaux en attendant des jours meilleurs » ajoute le commerçant avec résignation.

Un rêve reporté pour Said et un mode de vie complètement bouleversé pour Wiaam Yaâkoubi, la téléopératrice. « Je n’imaginais pas que la hausse des prix allait affecter ma vie de cette manière. Nous avons dû changer d’appartement pour un loyer moins coûteux. Nos habitudes alimentaires ont complètement changé, nous qui appréciions les mets à base de viandes rouges, de fruits de mer et autres délicatesses. Avec le foie à 170 dhs et les crevettes à 130 dhs, nous nous contentons de très petites quantités », explique-t-elle, le ton acerbe. Au-delà des habitudes alimentaires, la jeune femme et son mari ont été forcés de mettre l’une de leurs deux voitures au garage. « Pour réduire la facture du carburant et pourtant nous peinons encore. Nous en avons pour 200 dhs d'essence tous les deux jours. J’ai décidé de prendre le taxi mais les choses ne s’arrangent pas pour autant. Je galère » regrette-t-elle. « A l’école de mon fils beaucoup de parents, qui déposaient auparavant leurs enfants, ont opté pour le transport scolaire ce semestre » raconte Rajaa Khoudari, employée dans une entreprise casablancaise. A la recherche d’un nouvel appartement avec son mari, elle nous apprend que même le marché de l’immobilier n’échappe pas à cette flambée. « J’ai trouvé un appartement sympathique dans la première tranche d’un nouveau projet immobilier à 12.000 dhs le mètre carré. Lorsque j’ai demandé que l'on me réserve un appartement dans la deuxième tranche, j'ai à peine eu le temps de préparer l'avance, que l'on m'a annoncé le passage du prix à 15000dhs le mètre carré. Motif: hausse des matériaux et matières premières» ajoute Rajaa.

Avec ses projets de déménagement et les charges qui y sont liées, cette employée avoue qu’elle commence à compter ses moindres dépenses... « Voire à les réduire au maximum. Fini le temps du gaspillage ! Aujourd’hui j’opte pour des plats économiques. Si un mets demande beaucoup de tomates, je le zappe (Rires). C’est vous dire combien ma manière de consommer a changé ».

Même constat de la part de Mehdi Bendriss, chauffeur de taxi casablancais. « J’ai considérablement réduit mes mouvements. Avec les nouveaux prix du carburant, il n’est plus question de rouler à vide pour rechercher des clients. J’essaie de rationaliser au maximum la consommation de ma voiture pour préserver un semblant de recette » note ce père de famille. « Après la recette versée au propriétaire du taxi (160 dhs), le carburant (130 dhs au lieu des 80 dhs d’avant), il me reste à peine 150 dhs voire moins. Avec cette somme là, je dois nourrir ma famille, épargner pour le loyer, les factures d’électricité et d’eau. Ça devient de plus en plus dur » déclare le chauffeur de taxi, amer. Vivre ou plutôt survivre est devenu un casse-tête, surtout pour les populations vulnérables « Je gagne ma vie en vendant des crêpes, du « Mssemen » et autres « mlaouis ». La farine et l’huile sont mes matières premières. Mes clients ont mal pris l’augmentation de mes prix pourtant on parle de 50 centimes ou au pire d'un dirham, mais je suis obligée avec le coût actuel de l’huile » explique Ghizlaine M, vendeuse à Derb Sultan . Tout comme elle, ses clients au pouvoir d’achat largement éprouvé digèrent mal la situation. « C'est incroyable ! Tous les prix augmentent en même temps. Une véritable catastrophe. Les pauvres n’auront plus le droit de vivre si cela continue à ce rythme» lance en colère un client de Ghizlaine, sous le regard compatissant de celle-ci. Les jours à venir pourront-ils démentir cette prémonition? Affaire à suivre !