Succès phénoménal pour une pâtisserie traditionnelle à Casablanca
Une grande foule qui constitue également une aubaine pour les jeunes chômeurs du quartier

Comme à chaque période de fête, les files d’attente s’allongent devant cette fabrique de gâteaux traditionnels de Derb Al Foukara, à Casablanca. Mais au-delà de son succès commercial, elle impressionne par la dynamique socio-économique qu’elle créée dans cette ruelle calme.



9h10, Derb Al Foukara à Casablanca. Une grande foule s’est déjà constituée devant la pâtisserie Addou Idrissi. L’odeur appétissante des gâteaux embaume l’air. Un savant mélange de vanille, de fleur d’oranger et d’amande... La file ne cesse de s’allonger. « Je suis venue à 8h pour éviter de trop attendre pourtant je me retrouve avec le ticket numéro 380 et on n’est pas encore arrivé au quinzième client» nous explique Salah. D, employé et père de famille.

Tout comme Salah, ils sont nombreux à s'approvisionner chez Idrissi en cette fin de ramadan. « Nous venons de Rabat et Salé mon amie et moi. Nous avons entendu parler de ces gâteaux et surtout de leur bon rapport qualité via un groupe de cuisine sur facebook » affirme Khalida Berdi, sous le regard approbateur de son amie Kenza M. Toutes les deux en sont à leur troisième visite à Casablanca juste pour se rendre chez le pâtissier. Mais Rabat ou Salé manquent-elles vraiment d'adresses "bon plan" pour acheter les délices sucrés de L'aid ? « A vrai dire nous étions surprises et très satisfaites par la qualité et le prix de ces produits. Nous n'avons donc plus envie d’aller ailleurs » répond naturellement Kenza, en vérifiant son ordre de passage.

Appuyant sa stratégie marketing sur le bouche-à-oreille, le pâtissier n’a nul besoin de se payer une publicité « classique ». Boostée par les réseaux sociaux et les recommandations « spontanées » sur Facebook, la réputation de cette fabrique traditionnelle de petits gâteaux en fait un véritable attrape-clients. « Les gens viennent après avoir entendu parler de la qualité et du bon prix et ne sont pas déçus. Sa bonne réputation, c’est ça son secret » nous affirme Rachid, le vigil, tout en remettant un ticket numéroté 504 à une cliente fraichement arrivée.

Dynamique

« Avec la foule qui se constitue durant ces périodes de fête, il fallait organiser les files d’attente. Nous avons opté pour les numéros, c’est la manière la plus simple », nous explique le jeune homme. Une organisation qui arrange aussi les jeunes désœuvrés du quartier, qui y ont trouvé une manière de gagner de l’argent. « En cette période particulière, les chômeurs du quartier se réveillent tôt ou ne dorment carrément pas après le « shour ». Ils viennent ici prendre les premiers tickets numérotés afin de les revendre ensuite aux clients les plus pressés » explique Youssef. M, un chauffeur de taxi originaire de Derb Foukara. Salah. D, avec son ticket numéro 380, a eu une offre alléchante de l’un de ces jeunes. « Il m’a proposé un ticket numéro 17 contre 50Dhs. Mieux encore, il m’a dit qu’il se chargerait de me ramener ma commande sans que je n'ai à bouger de ma voiture » affirme le monsieur.

Un commerce parallèle qui se nourrit du succès de la pâtisserie et qui permet à certains de gagner de l’argent. « L’année dernière, on vendait le ticket à 20 Dhs. Cette année le prix a augmenté, mais il y a une amélioration du service » ironise Youssef. Si quelques-uns ont choisi de revendre les tickets réservés en avance, d’autres procèdent à la revente du produit principal même : Les gâteaux. « Des jeunes ont proposé de me vendre des cornes de gazelle à 150 Dhs alors qu’elles coûtent 130 Dhs en réalité. Ils m’ont affirmé que c’était une petite marge qui m’éviterait de moisir ici des heures » ajoute Salah, perplexe.

Réserver les places, revendre les tickets ou même les gâteaux, les jeunes du quartier ne manquent pas d’inspiration pour profiter, à leur manière, du succès de la maison. « D'autres ont pensé à louer des chaises aux personnes incapables de rester debout longtemps. Ma mère qui souffre de rhumatisme s’est vue proposer une chaise à 10 Dhs. C’était très pratique » nous raconte Hind El Hairech, en souriant. Plutôt futés, ces individus ont flairé les besoins « périphériques » qui peuvent découler de ce commerce à succès. Pensant au confort des clients, ils proposent des chaises en plastique, avec ou sans dossier entre 5 et 10 Dhs. « Ça leur fait une sacrée recette en fin de journée» commente Youssef. Une dynamique socio-économique que la fabrique de gâteaux a réussi à créer en parallèle « Sans vraiment le vouloir mais qui permet à ces jeunes de gagner un peu d’argent » conclut le voisin.