Phobies algériennes

Les officiels algériens multiplient les déclarations, mettant des conditions à la réouverture des frontières, parmi lesquelles la question du Sahara. Le Maroc réagit promptement à ces propos. Cela alors même qu’il n’y a pas de contacts diplomatiques, hormis une rencontre sécuritaire entre les deux ministres de l’Intérieur, il y a quelques mois. Alger a même utilisé des propos de responsables partisans sur le Sahara Oriental, pour reprendre sa thèse sur une prétendue tendance marocaine à l’expansion.

Il faut remettre ces soubresauts dans leur contexte algérien pour tenter de les comprendre. La nomenklatura prépare l’après Bouteflika. Le Président hospitalisé depuis plusieurs mois n’est plus en course pour se succéder à lui-même et il n’y a pas de candidat « naturel » qui se détache.

L’armée, pièce maîtresse, et l’ensemble du pouvoir, sont traversés par deux courants. L’un conservateur veut maintenir un système verrouillé qui s’appuie sur la tension avec le Maroc, comme l’une des justifications du verrouillage et accessoirement des achats massifs en armement. Le second courant plaide pour une ouverture maîtrisée, un élargissement des espaces démocratiques, une modernisation de l’économie. C’est ce courant qui a le soutien des hommes d’affaires, des élites intellectuelles. Dans sa démarche, la réouverture des frontières avec le Maroc s’inscrit aussi dans le cadre du renforcement des relations avec l’Union européenne.

Le rapport de forces n’est pas figé, même si l’on sait que le courant conservateur utilise le matelas de la rente des hydrocarbures pour évacuer toute pression économique, en faveur de la défaite avec le Maroc.

On ne peut donc que prendre son mal en patience et attendre l’évolution interne en Algérie, pour espérer un changement de l’attitude de nos voisins. Les déclarations récentes relèvent de la lutte entre des clans au sein de la nomenklatura, rien de plus. Le Maroc a, depuis des années, une position clairement affichée. La question du Sahara est entre les mains de l’ONU et peut donc être mise de côté. Les aspects sécuritaires non seulement ne sont pas un barrage à la réouverture des frontières, mais plaident pour une normalisation des relations.

Ceci écrit, personne n’est dupe. Rabat sait que depuis 20 ans, la diplomatie algérienne multiplie les barrières et invente à chaque fois de nouvelles conditions. L’ancien ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, avait dit face à la presse nationale lors d’une visite à Rabat : « La réouverture des frontières c’est un transfert net de plusieurs milliards de dollars en faveur du Maroc ». C’est cela le fond de la pensée des dirigeants d’Alger.

Ce dogme anti-marocain, n’est pas celui des populations algériennes. Malgré les excédents budgétaires, les problèmes sociaux existent. La jeunesse bien qu’excédée ne s’est pas inscrite dans le mouvement du Printemps Arabe. Le traumatisme de dix ans de guerre civile est vivace dans tous les esprits et agit comme un élément de stabilité. Cependant, à l’occasion des présidentielles, la revendication démocratique s’exprimera, confortant les tenants d’une plus grande ouverture. Il faut le souhaiter pour tous les peuples de la région. Le Maghreb n’est pas seulement une belle idée, c’est surtout une nécessité pour le développement. Fatalement, il s’imposera à tous. раскрутка сайта реклама