La facture énergétique explose. Faut-il s’inquiéter ?
La facture énergétique à fin juin 2022 s’est appréciée de 124,7% à 71,5 milliards de dirhams, contre 31,82 milliards DH une année plus tôt en hausse de 39,67 milliards DH

Durant les six premiers mois de l’année en cours, la facture énergétique a plus que doublé. Analyse. 



Etat des lieux

«L’explosion de la facture énergétique durant le deuxième trimestre de l’année état attendue compte tenu de la conjoncture internationale », résume le chercheur et expert en énergie Amine Bennouna. Selon la récente note publiée de la direction des études et des prévisions financières (DEPF), la facture énergétique à fin juin 2022 s’est appréciée de 124,7% à 71,5 milliards de dirhams, contre 31,82 milliards DH une année plus tôt en hausse de 39,67 milliards DH, représentant ainsi 19% des importations totales. Cette évolution est principalement attribuable à l’accroissement des approvisionnements en gas-oils et fuel-oils (+124,8%), évolution due à la hausse des prix qui ont plus que doublé (9.614 dirhams la tonne à fin juin 2022 contre 4.719 dirhams la tonne un an auparavant). Elle revient également, bien que dans une moindre mesure, à l’augmentation du volume des importations de gas-oils et fuel-oils de 10,4%. La facture énergétique est, en outre, due à la forte progression des importations des houilles, cokes et combustibles solides similaires (+ 193,4%) et à celles de gaz de pétrole et autres hydrocarbures (+70,8%).

Les raisons de cette explosion

«Le Maroc affiche un taux de dépendance énergétique qui se situe autour de 90%. Le niveau record des prix des produits énergétiques a contribué fortement à cette hausse de la facture énergétique. Mais il y a aussi des facteurs liés au contexte national », analyse l’économiste Rachid Sari. Ce dernier met l’accent sur « le changement climatique et la hausse sensible des températures observée durant le deuxième trimestre de l’année qui a entrainé une hausse de la demande en énergie et de sa consommation notamment par les industriels et les ménages. Une demande plus forte impacte nécessairement la facture énergétique sans parler de l’effet de l’appréciation du billet vert », ajoute le même expert.

En effet, le DEPF relève que la croissance de la consommation de l’énergie électrique, s’est accélérée au deuxième trimestre 2022, s’élevant à +7,6% après +2,2% au T1-2022. Cette progression est attribuable au raffermissement des ventes de l’énergie adressée aux distributeurs de 6,2% (après +0,9%), de celles de moyenne tension de 7,5% (après +7,8%) et de celles de « Très haute et haute tension », utilisée essentiellement par le secteur manufacturier, de 10,8% (après -4,5%) ainsi que de celles destinées aux ménages de 9% (après +1,7%). Par rapport au même trimestre de 2019, la consommation de l’énergie électrique s’est accrue de 9,8%, après +4,3% un trimestre plus tôt. Au terme du premier semestre 2022, la consommation de l’énergie électrique s’est appréciée en une année de 4,9%, après +7,4% un an auparavant, recouvrant une hausse des ventes de l’énergie de « Très haute, Haute et Moyenne Tension, hors distributeurs » de 6,3%, de celles adressées aux distributeurs de 3,6% et de celles aux ménages de 5,5%.

De son côté Bennouna relève que le Maroc n’importe que des produits raffinés avec des délais de 3 à 4 mois pour le paiement. «Quand les prix à l’international augmentent, le Maroc ne le ressent que 4 mois après, et quand les prix baissent l’impact n’est ressenti qu’après la même période. », précise t-il notant par ailleurs que l’effet dollar est minime puisque depuis quelques mois, le Maroc a diversifié ses sources d’approvisionnement et paie donc une partie des importations de produits raffinés en Euro. Le risque ? «une explosion de la facture énergétique implique une sortie plus importante de devises », alerte Sari.

Et pour la prochaine période ?

La DEPF souligne qu’en juillet, les cours pétroliers se sont établis à 109 dollars en moyenne, en baisse de 9% par rapport à leur pic décennal en juin (120 dollars), ramenant leurs gains à 47% depuis début 2022. Les prix du pétrole ont chuté à 93 dollars le 17 août, leur plus bas niveau depuis début février, avant de repasser à 96 dollars le 22 août, marquant un repli de 7% sur un mois et de 24% depuis leur pic du 8 juin (127 dollars). « Après avoir atteint un pic en juin, les cours de pétrole devraient se modérer au second semestre 2022, avec une reconstitution graduelle des stocks. Cependant, le marché pétrolier reste confronté à des fluctuations, sur fond d’incertitudes accrues sur le contexte économique, géopolitique et sanitaire mondial », prévoit la DEPF. Pour Bennouna, le pire est derrière nous. Selon ses prévisions, et compte tenu de la baisse des cours à l’international, il devrait y avoir une détente sur les prix de tous les combustibles achetés par le Maroc durant l’été. « Durant les 4 prochains mois, la facture énergétique pourrait s’alléger mais n’atteindra pas les mêmes niveaux de 2021.

Quelles alternatives ?

Si Sari appelle à un recours plus accru aux énergies renouvelables et une nécessaire sensibilisation des industriels et ménages pour optimiser la consommation de l’énergie, Bennouna lui, suggère l’amendement et l’amélioration du projet de loi sur l’autoproduction de l’électricité. « La proposition instaurée par le gouvernement il y a quelques mois n’est pas incitative et la loi telle qu’elle a été adoptée n’est pas applicable », regrette l’expert estimant que l’interdiction de l’injection de l’électricité de plus de 10% est injuste. « On ne peut pas limiter l’échange à 10% seulement. La révision de cette loi permettra une baisse de la facture énergétique de 1 à 2% en quelques années, et cela de manière pérenne », conclut-il.