Jean Daniel Lorieux expose ses plus beaux clichés au Sofitel d’Essaouira (Interview Exclusive)

Réputé pour ses clichés solaires aux couleurs flamboyantes et contrastées, le célèbre photographe de mode français ayant réalisé d’importantes campagnes publicitaires pour de grandes griffes telles que Dior, Céline, Elie Saab, Azzaro …est un grand amoureux du Maroc. Portraitiste pop Art des plus grandes personnalités dans le monde, il avoue avoir été séduit très jeune par le soleil du Maroc. Fasciné par le bleu des mers exotiques qu’on retrouve en background dans la plupart de ses photos, exposées en marge de la 3e édition des Nuits Photographiques d’Essaouira, celui qui a débuté sa carrière en tant que photographe de guerre a viré de bord pour immortaliser le « beau », histoire de vendre un soupçon de rêve dans un monde pas toujours joyeux !

 

 

 

Votre histoire d’amour avec le Maroc ne date pas d’aujourd’hui ?

 J’ai passé une grande partie de mon enfance au Maroc et à l’âge de 18 ans, je revenais souvent à Casablanca, j’allais au Sun Beach et à Tahiti avec mes amis. Et forcément, beaucoup de souvenirs sont restés dans mon cœur ! Je venais régulièrement à Marrakech pour réaliser des photos pour le Vogue américain. J’étais souvent au Golf avec Feu Hassan II, il était d’une gentillesse et d’une simplicité incroyable. Je n’ai pas eu la chance de faire de photos officielles de lui mais je l’ai photographié avec le fils de Bourgiba, il m’avait alors demandé de photographier le roi Mohammed VI qui avait 10 ans à l’époque, ce qui était un grand honneur pour moi. Je crois que c’est le soleil du Maroc qui m’a donné envie de montrer que les femmes sont belles ; le ciel bleu me fait voir la vie en rose ! De plus, les gens au Maroc sont joyeux et d’une immense gentillesse. Il y a des endroits sublimes au Maroc, notamment Essaouira et ses remparts, Tanger, j’adore Volubilis, Fès, les villes impériales, J’adore aussi la gastronomie marocaine qui est la 2e ou 3e mondiale !

 

Ça vous fait d’être invité d’honneur aux Nuits Photographiques d’Essaouira ?

 J’ai démarré ma carrière dans la mode au Maroc dans les années 60, pour le compte de Diana Vreeland, rédactrice en chef de Vogue USA à l’époque, donc c’est naturel que le Sofitel Essaouira m’accueille. Je suis donc ravi et honoré d’exposer mes œuvres ici et d’avoir été choisi par le président du festival Stéphane Kauffman. C’est une chaîne hôtelière merveilleuse qui accorde une place particulière à la culture, avec un art de vivre exceptionnel. Ambassadeur de l’élégance française à l’international, Sofitel célèbre plus d’un demi-siècle de succès et de liens avec la culture en organisant de nombreux événements culturels axés sur l’art et la culture : cafés et escales littéraires, expositions photos, expos itinérantes... Au Maroc, il y a eu l’expo  « Limelight » au Sofitel Agadir (2015), celle d’Alexis de Vilar au Sofitel  Essaouira (2012), ou La Parisienne au Sofitel Casablanca (2017). J’offre aussi une de mes photos (avec Carla Bruni) à la Fondation Mireille d’Arc, qui s’occupe d’opérer gracieusement des enfants africains qui naissent avec des problèmes de cœur.

 

Comment on passe d’un photographe de guerre à un photographe de mode ?

 Je suis Ingénieur mécanique de formation, après la guerre en Algérie, j’ai bifurqué vers la Mode avant de me retrouver par hasard photographe de Jacques Chirac. J’ai donc vécu cela involontairement, et pendant 2 ans, j’étais extrêmement secoué, je ne savais pas quelle activité exercer ? Paris était toujours en fête et les femmes étaient belles, j’ai rencontré des mannequins splendides. A l’époque, jusqu’à il y a 15 ans, les femmes qu’on montrait étaient saines, joyeuses et bien dans leur peau, maintenant, elles sont maigres et font la gueule, idem pour les hommes. Les Top models de nos jours sont là pour porter un vêtement qui lui, est finalement la star, alors qu’avant, ils jouaient un rôle dans les défilés.

 

Pourquoi la photo ?

 Ma famille construisait des locomotives et des rails de chemin de fer et moi, j’ai déraillé et je voulais être une locomotive. Et donc photographier de belles femmes, c’est mieux que d’être sur les rails d’un chemin de fer ! J’étais aussi attiré par le monde du spectacle, j’étais assistant réalisateur, j’avais des petits rôles dans certains films, j’avais fait un peu de théâtre, … j’avais même écrit un sujet de film pour Mastroani, mais je ne l’ai pas fait car pour être réalisateur, il fallait se concentrer pendant 2, 3 ans ! De plus, certains mannequins connus me réclamaient pour faire leurs photos dans Vogue alors que j’étais débutant et donc, le fait de passer avec un mannequin réputé m’a ouvert les portes. J’ai depuis photographié beaucoup de Top Models, d’acteurs et d’hommes politiques : Carla Bruni, Claudia Schiffer, Stéphanie Seymour, Karen Mulder, Eva Herzigova, Mila Jovovitch, Frank Sinatra, James Brown, Charles Aznavour, Sharon Stone, Salma Hayek …Jacques Chirac, Nelson Mandela, Jane Collins, Steve Jobs,…

 

Ce qui vous passionne dans ce travail ?

 C’est un plaisir de trouver une femme et de préparer une idée pour réaliser un cliché. Sur mes photos, il y a une toujours une idée, une petite histoire derrière, il y a de la créativité. Cette célèbre photo pour Pierre Cardin, où le mannequin tire sa langue, c’était complètement imprévu mais le résultat était rigolo, qu’on aime ou pas ! Derrière chaque photo, il y a une mise en scène très réfléchie, le cadre est très important pour enjoliver ou rendre la photo amusante…

 

Toujours la prédominance de la couleur bleue ?

 Oui, le bleu, c’est le rêve. La vie au quotidien n’est pas toujours rose, on a tous des problèmes, on a besoin d’ouvrir un magasine et se dire : c’est amusant, ça me met de bonne humeur…personne n’a envie de voir des mannequins qui font la gueule ou qui ont l’air de s’embêter ! On peut trouver des photos plus graves mais on n’a pas envie de les afficher chez soi. Mes photos sont faites pour être vues, elles sont joyeuses, avec des couleurs vives et s’apparentent presque à de la peinture. C’est un langage très universel.

 

Y a-t-il une différence entre photographier des Top Models et des Hommes politiques ?

 Oui, un homme politique est souvent bloqué devant l’objectif. Jacques Chirac par exemple était très joyeux et de bonne humeur dans la vie ; au Maroc, il m’emmenait faire la fête à La Gazelle d’or à Taroudant, on a fait pleins de photos amusantes avec sa fille,… un homme politique n’est pas fait pour être devant un objectif !

 

La chose la plus difficile pour vous ?

 Ne pas faire de photos. Avant, j’étais booké 300 jours/an, je passais à Paris pour me changer puis je reprenais l’avion. Avant, on faisait presque une faveur si on acceptait un shooting, aujourd’hui, tout le monde est photographe ! Peut être qu’on n’ose pas me demander parce qu’ils croient que je suis intouchable ou trop cher !

 

Vous pensez avoir mis du temps à être reconnu ?

 Oui, j’ai toujours eu des doutes et j’ai toujours été complexé par les autres que je trouvais meilleurs. Mais le fait d’avoir intégré le patrimoine français par l’acquisition de certaines de mes photographies par la Maison Européenne, ça m’a redonné confiance en moi. Maintenant qu’on me dit que mes images ont une cote et que je suis du même niveau que Guy Bourdin ou Helmut Newton, ça me fait plaisir !

 

Des projets ?

 En novembre, je serais l’invité d’honneur de Photofever avec des tirages qui font 1m80 sur 1m. J’aime bien les grandes expositions, comme celle que j’avais faite à Moscou en 2008 « Le maître et Margueritte » avec Isabelle Adjani, j’ai un grand shooting à faire bientôt là-bas, j’ai une exposition à Barcelone, … Je vais faire des catalogues d’expos où je pourrais regrouper et immortaliser les photos vu le caractère éphémère d’une expo. Ce seraient des photos illustrées avec du texte comme ce qu’avait écrit sur moi Irène Frain, et Marc Lévy lorsqu’il avait fait la préface du livre sur mes anecdotes « Confidences d’un voleur d’instants ».