Tanjazz 2022. Avishai Cohen ou le prophète du Jazz élégant
Époustouflante prestation d’Avishai Cohen au Tanjazz

Venu présenter son dernier album « Shifting Sands » à la 21e édition de Tanjazz, le contrebassiste, chanteur et compositeur israélien Avishai Cohen a créé la surprise en invitant sur scène le pianiste britannique Aplha Mist puis la chanteuse sud-coréenne Youn Sun Nah avant de clôturer en beauté avec le gnaoui Mehdi Nassouli. Des duos exceptionnels et de rares moments d’extase musicale !

Considéré comme l’un des meilleurs contrebassistes de son temps, le musicien éclectique Avishai Cohen, devenu au fil des ans une figure incontournable du jazz contemporain international, a enivré le public de Tanjazz avec ses mélodies élégantes et son jazz romantique échevelé, plein d’esprit, de joie et de plaisir de jouer.

Une expérience musicale intense en émotions pour le public qui a eu la chance d’assister pour la première aux duos exceptionnels donnés par le musicien israélien -accompagné de sa batteuse Roni Kaspi-, et qui s’est produit à tour de rôle avec le pianiste britannique Alpha Mist, la chanteuse de jazz Youn Sun Nah et le jeune gnaoui Mehdi Nassouli. Un vrai régal rythmique et mélodique, subtil et pénétrant où s’entrecroisent lyrisme, puissance, générosité et émotion.

Avishai Cohen et Youn Sun Nah


Vous vous êtes déjà produit à Rabat cet été. Ça vous fait quoi de revenir jouer au Maroc ?

A chaque fois que je viens ici, c’est toujours la même sensation, les gens sont gentils et chaleureux. Je sens que je suis toujours le bienvenu et c’est très naturel, c’est comme une hospitalité naturelle qui émane directement de la culture du pays.

Vous allez faire des fusions avec Mehdi Nassouli, Youn Sun Nah et Aplha Mist. Des styles complètement différents. Comment allez-vous vous y prendre ?

Ça va être un concert complètement improvisé, préparé sur le tas, et c’est ce que j’aime dans le Jazz, cette liberté que n’offrent pas les autres musiques, et cette part de l’héritage, de pouvoir s’inventer soi-même, tout le temps. Et en tant que musicien professionnel, je dois être capable de gérer ce genre de situations. Quel est selon vous, le secret d’une fusion réussie ?

En fait, on ne sait jamais. Ce qui fait qu’une fusion fonctionne, c’est la volonté des musiciens de s’ouvrir à une situation inattendue où ils peuvent inventer et créer n’importe quoi dans un moment et ça doit faire du sens, parce qu’ils jouent pour un public. C’est un grand défi pour moi et pour un musicien en général.

Vous avez déjà fait une fusion avec Maâlem Hamid Kasri et ce soir, vous réitérez l’expérience avec le jeune gnaoui Mehdi Nassouli. Comment réussit-on la fusion entre le Gembri et la contrebasse, deux instruments dont le son est très imposant sur scène l’un comme l’autre ?

Oui, ce sont des instruments qui ont la même fréquence, ça peut être un peu difficile, mais on doit s’écouter pour ne pas se faire de l’ombre l’un l’autre. Il faut que le son de chacun complète celui de l’autre, donc, c’est un exercice qui requiert énormément d’écoute et pas nécessairement tout le temps, et ça marche à merveille. Mehdi est un jeune gnaoui qui a une culture moderne de la musique, il connait mon style, il connait le Jazz, je peux même apprendre des choses de lui.

Avishai Cohen et Mehdi Nassouli


En Jazz, comment devient-on maître de l’improvisation ?

On doit croire en le moment. On doit être honnête et ouvert, sinon, c’est très dur d’improviser. C’est un exercice très instinctif, intuitif, vous devez à chaque fois créer un nouveau moment, vous devez être ouvert à vous renouveler en permanence et à chaque fois, produire quelque chose de nouveau. En musique, les gestes, les sentiments viennent de ce que vous savez... lorsqu’on improvise, ça doit émaner également de ce que vous ne savez pas, .... c’est difficile à expliquer. L’art de l’improvisation a plusieurs niveaux : il y a principalement la communication, -comme lorsqu’on improvise pendant une interview-, et puis, il y a la musique : un univers immense très riche en contenus, en informations, en choses qui existent... la musique prend et s’inspire de différents univers et donc le musicien doit à la fin, être capable de construire une histoire. Ce qui n’est pas évident !

Pourquoi avoir choisi la contrebasse comme instrument ?

J’ai d’abord commencé à jouer du piano avant de m’essayer à la basse électrique, et mon jeu était très bon. En fait, je suis investi plus sérieusement dans le Jazz lorsque j’ai pris conscience de son héritage. Je voulais jouer de la basse parce que c’est la base des sons classiques de la musique des années 40, 50 et 60 et donc, ça aurait pu ne pas fonctionner mais ça a très bien marché. J’ai profondément été influencé par le grand bassiste Jaco Pastorius et c’est ce qui a fait que j’ai succombé au charme de cet instrument, avec lequel je me sens très proche mentalement et physiquement. C’est un instrument qui nécessite des années pour pouvoir l’assimiler et comprendre son essence même. J’apprends toujours mais je suis fier de ce que j’ai déjà accompli, avec cet instrument qui est très magique, surtout lorsqu’on l’écoute.

Votre dernier album « Shifting Sands » est sorti en mai dernier. En quoi se démarque-t-il des autres ?

C’est un album que j’ai composé pendant le confinement, principalement des sons pour piano, que je joue actuellement en trio avec le pianiste azerbaïdjanais Elchin Shirinov et la jeune batteuse talentueuse Roni Kaspi que j’ai découvert sur les réseaux sociaux alors qu’elle jouait ma musique.

C’est une continuité de la musique que j’ai pu faire jusqu’à présent qu’on a aussi redéfini. C’est un voyage spirituel teinté de nostalgie qui renoue avec les grandes lignes mélodiques et rythmes divers qui me sont chers.