Santé mentale au Maroc : Ça va mal
Pour le CESE, la problématique de la santé mentale devrait être traitée à la racine...

Alors que la moitié de la population marocaine présente ou a déjà présenté des signes de troubles mentaux, la prise en charge laisse encore trop à désirer. C’est le constat du CESE dans sa dernière étude rendue publique à l’occasion de la journée internationale de la santé mentale.



Le Conseil économique social et environnemental (CESE) n’a pas pris de gants pour faire l’autopsie de la santé mentale dans notre pays. Diagnostiquant des maux persistants, le constat du CESE est sans équivoque : La situation est critique et nécessite une intervention étatique en urgence.

Le constat

Selon les résultats de l’Enquête nationale relative aux troubles mentaux, 48,9% de la population marocaine enquêtée, âgée de 15 ans et plus, présentent ou ont déjà présenté des signes de troubles mentaux. Un chiffre alarmant pourtant le secteur de la santé mentale accuse une flagrante pénurie en ressources humaines qualifiée. « En effet, le Maroc ne dispose que de 2.431 lits réservés aux maladies mentales et de seulement 454 psychiatres. Ce qui témoigne du sous-investissement de l’État dans le domaine de la santé mentale», fustige le CESE dans son étude publiée à l’occasion de la Journée internationale de la santé mentale.

Les causes

Tentant d’analyser en profondeur la problématique, les enquêteurs du CESE critiquent le fait d’aborder la santé mentale en tant que « simple maladie » en oubliant de la relier aux déterminants socioculturels de la santé. Explication : « Ces déterminants ont trait à la violence familiale et sociale, les discriminations à l’égard des femmes, les conditions de travail en milieu professionnel, les moyens de protection des enfants, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ainsi que la persistance de normes sociales préjudiciables et de stigmatisation de la maladie mentale», détaille l’étude.

Le CESE détecte également d’importantes insuffisances concernant le cadre légal et l’expertise judiciaire psychiatrique et psychologique. L’étude note en effet les difficultés liées à l’internement judiciaire en établissement psychiatrique, à titre préventif ou pénal, pour les personnes présentant des troubles mentaux. « Ces difficultés sont aggravées par les insuffisances en matière de capacité litière et d'infrastructures dédiées », enfonce-t-on le clou.

Les recommandations

Le CESE indique cependant certaines pistes pour sortir de l’impasse. Responsabilisant l’Etat de manière principale, il appelle à l’élaboration de politiques et programmes publics pour la promotion de la santé mentale et la prévention des troubles mentaux. Ceci sans oublier les risques psychosociaux adossés à des indicateurs chiffrés et mesurables et à des études d’impacts sanitaires et sociaux.

En termes pratiques, l’étude recommande de revoir le projet de loi 71-13 relatif à la lutte contre les troubles mentaux et à la protection des droits des personnes atteintes avant son adoption. « Ceci en concertation avec les associations professionnelles et les syndicats des psychiatres, des psychologues, des infirmiers en psychiatrie, les associations d’usagers et la société civile», explique le CESE. « Il convient de faire évoluer le Code pénal et le Code de procédure pénale en tenant mieux compte des spécificités de la maladie mentale et des besoins des patients concernés », recommande également le CESE afin de renforcer les garanties juridiques et judiciaires pour les personnes atteintes de troubles mentaux.

A la racine

Tentant de traiter le problème à sa racine, le CESE encourage l’Etat à agir sur les déterminants socioculturels de la santé mentale et psychique des individus. Comment ? En luttant contre la précarité, l’isolement et la solitude, les différentes formes de violence, le harcèlement, les discriminations. Ceci avec une attention spéciale pour la santé mentale infantile à travers la détection précoce des idées et comportements suicidaires chez les enfants et les jeunes, notamment dans les familles et les établissements scolaires.

L’étude n’oublie par la santé mentale au travail en soulignant l’importance d’agir contre les risques psychosociaux dans le milieu professionnel. « Le Maroc doit commencer par ratifier la Convention N° 190 de l’OIT (Organisation internationale du travail) sur la violence et le harcèlement. Il faudra aussi développer la médecine du travail au sein des entreprises et faire évoluer le Code du travail en matière de reconnaissance du harcèlement moral et en développant la liste des maladies professionnelles tout en y inscrivant les troubles psychiques et mentaux liés aux conditions de travail» résume l’étude.

Le Conseil recommande, en outre, « d'améliorer l’accessibilité à des soins psychiques et psychiatriques de qualité, en phase avec le développement des connaissances et des traitements et les besoins spécifiques des patients liés à leur âge, leur condition socio-économique, leur environnement et leurs vulnérabilités ». De son côté l’OMS a appelé, à l’occasion de la Journée internationale de la santé mentale, à faire de la santé mentale et du bien-être de tous une priorité dans le monde. Elle a souligné l’urgence d’agir face aux énormes besoins dans ce domaine et à l’insuffisance des réponses adaptées.