Polygamie. La justice en alerte contre les maris qui manipulent les autorisations
L'autorisation de remariage doit comporter le nom de la future épouse

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire lance une alerte concernant l’utilisation fallacieuse et répétitive de l’autorisation de polygamie par certains époux…



Mohamed Abdennabaoui, premier président de la Cour de cassation et président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), vient de lancer une alerte par rapport à l’utilisation frauduleuse de l’autorisation de polygamie. Dans une note adressée aux premiers présidents des cours de cassation, aux présidents des cours de première instance ainsi qu’aux présidents des tribunaux de la famille, Abdennabaoui met en garde contre l’utilisation répétitive de l’autorisation du remariage par certains époux de mauvaise foi.

Chèque en blanc

« Nous avons constaté que certains maris font un usage à répétition de cette autorisation pour contracter d’autres mariages, en la considérant comme un chèque en blanc et sans refaire de nouvelles demandes d’autorisation auprès des tribunaux », remarque le président du CSPJ. Selon l’article 40 du code de la famille, la polygamie est interdite lorsqu’une injustice est à craindre entre les épouses. Elle est également interdite « lorsqu’il existe une condition de l’épouse dans le contrat de mariage en vertu de laquelle l’époux s’engage à ne pas lui adjoindre une autre épouse ».

Cependant le tribunal peut autoriser la polygamie à des conditions précises. D’après les termes de l’article 42, l’homme qui désire prendre une autre épouse présente au tribunal une demande d’autorisation à cet effet. Cette demande doit indiquer les motifs objectifs exceptionnels justifiant la polygamie et doit être assortie d’une déclaration sur la situation matérielle du demandeur.

La faille

« Le fait de ne pas préciser le nom de la nouvelle épouse dans le texte de cette autorisation a ouvert la porte à des pratiques fallacieuses. Certains époux profitent de cette « faille » pour détourner la loi et réutiliser l’autorisation pour se remarier plusieurs fois sans avoir à justifier leur polygamie multiples auprès des tribunaux », explique Abdennaboui dans cette note spéciale.

A usage unique, la permission de convoler en justes noces à nouveau est soumises selon la loi marocaine à des conditions précises afin de protéger les droits de la première femme, de ses enfants tout en conservant l’unité familiale. « Cependant ces pratiques vident la loi de son essence et sabotent les droits des premières épouses. Ces dernières sont privées de leur droit d’être informées, de faire connaissance avec la nouvelle épouse, d’imposer leurs conditions et de protéger leurs intérêts ainsi que ceux de leurs enfants comme il est spécifié dans les articles 44 et 45 du code de la famille » argumente le président du CSPJ.

Pour remédier à cette faille, Abdennabaoui a appelé les destinataires de sa note à plus de précision et de clarté dans la rédaction des textes d’autorisation. Ceci en mentionnant obligatoirement le nom et le prénom de la prochaine épouse, objet de la demande, tout en insistant sur l’usage unique de l’autorisation en question. Des consignes qui devraient verrouiller le système et couper le chemin aux polygames peu vertueux.