PLF2023. Coup dur pour les auto-entrepreneurs
Les auto-entrepreneurs sont en colère contre le gouvernement qui compte taxer à 30% le surplus du chiffre d'affaires annuel dépassant 50.000 dirhams, réalisé pour des prestations de service avec le même client.

Le PLF 2023 propose un changement majeur sur le volet fiscal. La ministre des finances défend la mesure. L’union des auto-entrepreneurs, elle, tire la sonnette d’alarme.



Une nouvelle mesure prévue dans le PLF 2023 ciblant les auto-entrepreneurs, suscite la polémique. Il s’agit d’exclure de ce régime le surplus du chiffre d'affaires annuel dépassant 50.000 dirhams, réalisé pour des prestations de service avec le même client. Ce surplus va être soumis à la retenue à la source, à un taux libératoire de 30%. Sur les réseaux sociaux, les voix s’élèvent contre ce dispositif qualifié d’ «aberrant ».

La ministre de l’économie et des finances Nadia Fettah Alaoui, a expliqué que la mesure proposée vise plutôt à préserver ce statut. Comment ? «Elle intervient suite au recours au statut de l'auto-entrepreneur pour contourner le salariat et permettra de lutter contre la vulnérabilité des emplois, puisqu'elle contribuerait à la protection des salariés », argumente la ministre. Ces motivations ne sont pas convaincantes pour le président de l’union des auto-entrepreneurs, Bidaya, Zakaria Fahim : « on ne pénalise pas tout un régime parce qu’il y a quelques fraudeurs », commente-t-il.

Pour lui, 50.000 DH de chiffre d’affaire annuel est l’équivalent de près de 4.500 DH par mois. Ce montant correspond à un chiffre d’affaires et non un bénéfice. Donc, si on déduit les charges, on comprendra qu’on vise un chiffre d’affaire de 2.500 DH par mois. «Comment pourra t-on taxer quelqu’un qui réalise ce petit montant par mois avec le même prestataire ? C’est tout simplement illogique », déplore Fahim.

Traquer les fraudeurs plutôt

Le représentant des auto-entrepreneurs reconnait qu’il y a ceux qui utilisent le statut pour contourner le droit de travail. Mais, il ajoute que ces fraudeurs sont identifiés et ne représentent que près de 10% du total des auto-entrepreneurs. « Autant pénaliser les fraudeurs, au lieu de mettre tous les professionnels dans le même panier », insiste celui qui souligne que ce statut a été mis en place dès le départ pour résoudre la problématique du chômage et celle de l’informel. Aujourd’hui, on compte près de 375.000 auto-entrepreneurs au Maroc. Et l’ambition est d’atteindre 4 millions de professionnels via le passage de l’informel au formel. « L’objectif est de permettre à ceux qui veulent créer des entreprises, de le faire, dans un cadre qui leur confère un minimum de risques et un maximum de souplesse. Or, le système n’est devenu réellement attractif que depuis 6 mois », relève Fahim citant les trois avantages mis en place récemment notamment l’accès au marché et au financement alternatif et l’accompagnement à travers la mise en place de la couverture sociale. «On voulait attirer les personnes vers l’auto-entrepreneuriat et en contre partie, leur accorder des avantages. Aujourd’hui, cette mesure prévue dans le PLF 2023, est un coup dur pour le secteur et considérée comme une véritable régression », regrette l’expert.

Recommandations phares

Solutions envisagées ? «Déjà, il est hors de question de laisser passer une telle mesure. Nous allons saisir le chef du gouvernement et faire le nécessaire pour que les décideurs revoient leur copie et comprennent que cela va encourager encore l’informel et porter atteinte à une population qui a opté pour ce statut pour se prémunir des aléas de la vie, de la précarité et travailler dignement conformément à la loi », explique Fahim. Ce dernier ajoute qu’un observatoire dédiée à la profession va être mis en place prochainement et appelle par la même occasion à l’accélération de l’adoption du small business act qui permettra de se doter d’une vraie gouvernance et de vrais outils de pilotage.

Pour le PLF 2023, il propose le recours à une réforme ambitieuse des droits de l’auto entrepreneur axée sur 5 pilliers. D’abord, Fahim recommande de donner à la déclaration de chiffre d’affaires une valeur économique et juridique équivalente dans certains cas à celle d’une feuille de paie. Ensuite, il suggère de faciliter la croissance de l’autoentrepreneur vers une entreprise classique. Ici, il propose la mise en place d’une année blanche, sans conséquence fiscale, sociale ou administrative en cas de franchissement de seuils, en échange du suivi d’une formation spécifique à la préparation et à l’anticipation des conséquences du franchissement des seuils (TVA, juridique, administratif, fiscal, social, comptable...) et aller vers un accompagnement de l’expert-comptable, ou comptable agréé ou centres de gestion en tant que facilitateur et tiers de confiance pour acter cette prise en main des obligations organisationnelles et administratives et légales de la société choisie pour continuer l’expérience d’entrepreneur.

Autre recommandations majeures : Permettre des alliances ponctuelles d’indépendants par un dispositif d’«association Économique » et la création d’un fonds de croissance ciblé sur les besoins des auto-entrepreneurs . Fahim met l’accent sur les conditions d’éligibilité à ce fonds notamment l’inscription en tant qu’auto-entrepreneur depuis moins d’un an, et la réalisation d’un chiffre d’affaires supérieur à 48 000 DH pendant la dernière année d’activité avec l’exercice à titre exclusif sans autres revenus, ni activité en parallèle. Cette mesure coûterait d’après les estimations de l’union des auto-entrepreneurs 10 milliard DH pour un million d’auto-entrepreneurs, hors crowdfunding qui pourrait générer le double, sans coût pour l’Etat. Pour les bénéficiaires du RAMED, l’union propose de leur permettra de rejoindre le système en développant un projet d’activité indépendante à condition d’acquérir les compétences nécessaires avant de franchir le cap.