Cyberviolence : Signalons pour prévenir !
34% seulement des victimes ont pu briser le silence et dénoncer la violence numérique

Protéger les enfants et les jeunes des cyber-attaques, c’est l’objectif de la deuxième campagne nationale de prévention contre la violence et le harcèlement numériques, organisée par le Centre marocain de recherches polytechniques et d’innovation (CMRPI).



« Signalez pour arrêter le cyberharcèlement à l’encontre des enfants et des jeunes », c’est le thème choisi pour cette deuxième Campagne nationale de prévention contre la cyberviolence. Se prolongeant jusqu’au 20 décembre, cette campagne organisée par le CMRPI vise à protéger les enfants et les jeunes des cyber-attaques en appelant au signalement de tout acte de violences sur la toile. Trêve de silence, cette initiative encourage les victimes à réagir, à dénoncer leurs agresseurs et à mettre à profit les lois existantes et protégeant contre les assauts des harceleurs.

La menace

« Cette édition vient renforcer la protection des enfants et des jeunes en ligne », explique Pr Youssef Bentaleb, président du CMRPI, lors de la cérémonie de lancement de la 2ème campagne. Rappelant la grande menace cybernétique pesant sur les jeunes et les enfants, le responsable insiste sur l’importance de telles initiatives dans la sensibilisation et la lutte contre ce type de violence. « Les statistiques démontrent que les enfants et les jeunes marocains, comme leurs semblables dans le monde, souffrent, et souvent en silence, du « mauvais côté » de la toile. Exploitation sexuelle en ligne, cyber-harcèlement, propos haineux, non respect de vie et de données personnelles, exposition aux contenus choquants ou inappropriés, exploitation dans les jeux en ligne... sont autant de dangers auxquels sont exposés jeunes et enfants, explique Pr Bentaleb.

Une menace qui est d’autant plus dangereuse car doublée de l’insuffisance des efforts de sensibilisation. D’après les résultats d’une étude réalisée par le CMRPI en 2020, 30% des enfants et des jeunes marocains ont subi au moins une forme de cyberviolence. Cependant, 25% seulement parmi eux ont en fait part à leurs parents ou à un adulte et 1% ont eu recours à leurs professeurs. Une problématique qui se complique davantage à cause du silence des victimes, comme l’assure-t-on auprès du CMRPI. « D’où l’intérêt de focaliser l’action de cette édition sur le signalement et l’encouragement des victimes à dénoncer leurs agresseurs et surtout à porter plainte auprès des autorités compétentes », insiste le président du CMRPI.

Briser le silence

Pour Sarah Lamrani, secrétaire générale du ministère de la Transition numérique et de la réforme de l’administration, le travail de sensibilisation reste primordial dans cette lutte antiviolence numérique. « La cyber-violence a de lourdes répercussions psychologiques, sociales, économiques et sanitaires d’où l’importance d’une mutualisation des efforts de la part du gouvernement et de la société civile pour l’affronter et protéger nos enfants et nos jeunes », ajoute Lamrani.

Dans ce même sens, le CMRPI a prévu d’organiser un atelier de formation au profit des professionnels et de la société civile sur les mécanismes de signalement. Quant au protocole de prise en charge des cas de cyberharcèlement dans le milieu scolaire, il sera mis en pratique et testé par les enseignants formés dans le cadre du projet pilote dédié. Ce dernier a été lancé par le ministère de tutelle, en partenariat avec le Conseil de l’Europe, le CMRPI et Kaspersky. Le projet a permis de former une cinquantaine d’enseignants des Académies régionales de l’éducation et de la formation des régions de Rabat-Salé-Kénitra et de Marrakech-Safi. La campagne de sensibilisation sera diffusée sur les réseaux sociaux, via la presse électronique et classique avec des capsules de sensibilisation, des interviews et autres émissions dédiées à la thématique.

Chiffres

Axée sur la violence numérique dans notre pays, une enquête réalisée par l’Association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté (ATEC) en 2020, révèle des chiffres très inquiétants. Notant une forte prévalence féminine, cette étude a été réalisée auprès des femmes et des filles marocaines ayant subi des cyber-attaques. Ainsi, d’après les résultats de cette étude, 34% seulement des victimes ont pu briser le silence et dénoncer la violence numérique auprès de la police ou auprès de leurs proches. Tandis que 66% n’en ont jamais parlé à qui que ce soit en préférant affronter seules les assauts de leurs agresseurs. « A cause de ce mutisme, les chiffres du phénomène sont largement biaisés et sous-évalués», commente alors, la directrice générale de l’ATEC Bouchra Abdou.

Si le niveau intellectuel ou socio-économique n’ont aucune incidence sur la prévalence des victimes, les cyber-agresseurs eux ont une prédilection pour les proches. D’après les chiffres d’ATEC, les pires ennemis des victimes ne sont finalement que les hommes de leur propre entourage. Maris, ex maris, fiancés, ex petits-amis, camarades, employeurs, collègues... Ils représentent en effet 60% des agresseurs tandis que les inconnus ne dépassent pas 40%.

Actifs sur plusieurs canaux, ces derniers sont toutefois plus virulents sur WhatsApp qui vient en tête avec 43% des attaques, puis sur Facebook qui représente 22%, Instagram avec 17%, puis Messenger avec 14%. Plus de 87% des victimes de violence numérique ont pensé au suicide, 20% sont passées à l’acte sans succès et une fille s’est donnée effectivement la mort après avoir subi une cyber-attaque.

Selon la dernière enquête du Haut Commissariat au plan réalisée en 2019, près de 1,5 million de femmes marocaines sont victimes de violence électronique avec une prévalence de 14%. Toujours d’après les chiffres de cette enquête, le risque d’être victime de ce type de violence est plus élevé parmi les citadines ( à 16%), les jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans ( 29% ), celles ayant un niveau d’enseignement supérieur ( 25% ), les célibataires ( 30% ) et les élèves et étudiantes ( 34% ).