Finance participative. Bilan et perspectives
Par rapport au secteur bancaire conventionnel, l’implantation des banques participatives ne représente que 3%.

Au cours de ses cinq premières années d’activité, les banques participatives ont accompli plusieurs réalisations. Mais, reste beaucoup à faire pour que le secteur puisse jouer pleinement rôle en matière d’inclusion financière.



Le marché marocain de la finance participative clôture ses cinq premières années d’existence. C’est l’heure du bilan. «Le bilan global est globalement positif et le chantier de la finance participative trace son chemin vers la réussite qui permettrait de positionner le Maroc comme un hub financier régional », explique les rédacteurs du rapport publié par le cabinet Fineopolis Almaali.

Sur la base des indicateurs publiés par Bank Al Maghrib, le rapport note que le réseau bancaire participatif est passé de 44 à 176 agences entre décembre 2017 et décembre 2021, soit une croissance moyenne annuelle de plus de 63%. Une progression jugée notable par le cabinet, mais qui demeure, toutefois, insuffisante par rapport à une couverture raisonnable du marché. Le rapport relève que la persistance de la situation déficitaire des banques participatives, mais aussi la tendance du « Big Crunch » en termes de fermetures d’agences, observée chez les banques conventionnelles, ont fini par freiner l’élan et l’ambition des banques participative.

En termes de couverture géographique, selon les derniers indicateurs de Bank Al Maghrib de 2021, c’est la région Casablanca-Settat qui présente le plus grand nombre d’agences bancaires (34% du réseau), suivie par celle de Rabat-Sale-Kenitra (18%). En troisième lieu, on trouve la région Fès-Meknès (11%). « Par rapport au secteur bancaire conventionnel, l’implantation des banques participatives ne représente guère les 3% », fait savoir le rapport ajoutant que ces dernières devraient maintenir, pendant encore un certain temps, leur effort de création d’agences si elles veulent assumer pleinement la mission d’inclusion financière qui leur est dévolue.

Trend haussier des financements

En chiffres, depuis leur démarrage en 2017, l’encours des financements accordés par les banques participatives n’a cessé de progresser pour atteindre les 21,5 milliards de DH à fin juin 2022, soit TCAM de 96% entre juin 2018 et juin 2022. Au 30 juin 2022, sur les 16,7 milliards de DH d’encours global des banques participatives, les financements participatifs immobiliers concentrent 80%. Les financements participatifs à l’équipement viennent en deuxième position, mais avec une part de seulement 12%. Les financements de trésorerie et à la consommation ferment la marche avec une pondération de 7 %. Sur les cinq années d’activité, le rapport affirme que les financements de trésorerie et à la consommation comprenant principalement de la Mourabaha Auto marquent une certaine stabilité de leur part dans l’encours global , soit environ 7%. Autre remarque relevée : Bien qu’ils restent prédominants (86% en moyenne sur toute la période), les financements participatifs immobiliers cèdent de la place aux financements participatifs à l’équipement dont la part dans l’encours global s’inscrit dans une tendance haussière d’année en année pour atteindre 12% à fin juin 2022.

Selon le rapport, sur les cinq années d’activité, malgré sa croissance à deux chiffres, l’évolution des dépôts à vue des banques et fenêtres participatives se caractérise par un rythme beaucoup moins rapide que celui observé au niveau de l’activité de financements. Finalement, les dépôts à vue ne couvrent qu’une faible part dans les financements accordés par les banques et fenêtres participatives. Côté dépôts d’investissement, l’évolution reste encore plus timide. «Depuis le lancement de leur commercialisation en juin 2019, ils n’ont pas franchi les 2 milliards de DH. Cette situation pourrait être expliquée par le faible engouement de la clientèle pour ce type de produits en raison du caractère de risque en capital qu’ils comportent », analyse le rapport pointant du doigt aussi le manque d’efficacité de la communication des banques et fenêtres participatives sur ces produits.

Impact crise sanitaire

D’après les données fournies par le rapport, le produit net bancaire a connu une progression sur la période qui s’étend de décembre 2017 à juin 2022 passant de 2 MDH à plus de 312 MDH. Depuis le démarrage, le PNB a évolué en moyenne annuelle de plus de 130%. « Malgré le contexte de la crise sanitaire et ses répercussions sur les résultats des banques, les banques participatives ont réussi à maintenir une tendance haussière du PNB sur les cinq années contrairement aux banques conventionnelles qui ont enregistré un léger déclin qui s’est fait entendre sur les résultats de décembre 2020 », souligne le rapport ajoutant aussi que malgré le contexte de crise sanitaire, les banques participatives maintiennent leurs efforts d’investissement qui se manifestent à travers l’évolution des dotations aux amortissements qui vont franchir le cap de 75 MMDH à fin décembre 2022. Une évolution expliquée principalement par l’acquisition d’un système d’information bancaire participatif pour accompagner le développement des produits et services bancaires

Takaful, quelles perspectives de développement ?

Le lancement récent de l’assurance Takaful marque une nouvelle phase dans le développement de la finance participative avec des perspectives d’évolution à moyen et long terme pour l’ensemble des composantes du système financier participatif. Dans cette phase de démarrage, le marché de l’assurance et de la réassurance Takaful compte quatre opérateurs d’assurance et un opérateur de réassurance. Sur le plan de l’offre de produits, 7 contrats-type ont déjà reçu les avis de conformité du CSO. Il s’agit des contrats d’assurance Takaful décès et invalidité, des contrats multirisques habitation, les contrats d’assurance vie Takaful ainsi que les contrats d’épargne et de retraite. Sur le plan de la distribution, l’ACAPS a octroyé à cinq banques et une fenêtre participatives les agréments pour présenter les produits d’assurance Takaful.

Quatre mois après le lancement, les produits disponibles concernent le décès, la multirisque habitation et l’épargne. Cela s’explique par la priorité, partagée chez toutes les parties prenantes (autorités de tutelle, opérateurs et une grande partie des clients), de couvrir le stock des financements accordés jusque-là par les banques et fenêtres participatives (21,5 milliards de DH) sans assurance décès-invalidité. Par ailleurs, « tout le monde s’accorde à dire que la disponibilité d’une assurance Takaful décès-invalidité contribuera, à coup sûr, à renforcer davantage l’engouement, pour les financements participatifs, constaté sur le marché depuis maintenant cinq années », insiste le rapport qui ajoute que dans une perspective plus globale, le Takaful constituera un vecteur de développement très important pour les banques et fenêtres participatives, une fois la gamme de produits Takaful sera étendue aux produits vie et investissement. « Le cadre légal et réglementaire s’y prêtant déjà, le rythme de développement dépendra des efforts qui seront déployés par les opérateurs en termes d’offre de produits, mais aussi et surtout du rythme de parachèvement la construction de l’écosystème de la finance participative par la composante du marché des capitaux participatifs (marché boursier, marché Sukuk et marché des fonds d’investissement) », préconise les rédacteurs du rapport.

Potentiel du marché boursier participatif

D’après les estimations préliminaires, l’échantillon des valeurs compatibles à la charia totalise une capitalisation boursière qui avoisine les 320 MMDH, soit plus de 50% de la capitalisation globale du marché boursier Marocain. De surcroît, 80% de ces valeurs font partie du MADEX. « Ces indicateurs reflètent le poids et le potentiel du marché bousier participatif composé principalement des valeurs les plus actives sur la place de Casablanca, ce qui va encourager les investisseurs et dynamiser le marché davantage », détaille le rapport ajoutant que l’indice compatible à la charia permettra également d’encourager les personnes physiques, qui n’investissent pas leur épargne par manque d’alternatives conformes à la charia, de venir investir dans la bourse. D’après le même rapport, ceci permettra de répondre à l’objectif principal de la finance participative, orienté en premier lieu vers l’inclusion d’une catégorie de personnes exclues pour des raisons de charia. Cette inclusion aura pour effet de drainer des capitaux non exploités et de mouvementer par conséquent le marché boursier marocain.

Quid du marché des sukuk ?

Le rapport révèle que l’introduction d’un marché Sukuk revêt une importance capitale pour le développement de la finance participative au Maroc. En effet, grâce à ce marché, les banques participatives pourront y trouver des instruments leur permettant, en même temps, de diversifier leurs sources de financement, d’élargir le champ de leurs investissements et d’optimiser davantage la gestion de leur trésorerie. Par la même occasion, le dit marché permettra aux compagnies d’assurance Takaful de satisfaire, en matière de politique d’investissement des contributions des fonds Takaful, à la double contrainte chariatique de la conformité aux avis CSO et d’orthodoxie financière du couple risque/rendement, notamment par le biais de l’acquisition de Sukuk souverains. En troisième lieu, le marché Sukuk favorisera le développement de l’industrie de la gestion collective de l’épargne conforme aux avis CSO, à travers les véhicules d’OPCVM, ce qui sera de nature à promouvoir les investissements dans les marchés financiers participatifs chez les petits épargnants et par ricochet contribuer à la promotion de l’inclusion financière.

Avenir prometteur

Sur le plan des perspectives, les rédacteurs du rapport sont convaincus que les années à venir seront certainement plus orientées vers le renforcement de l’offre des entreprises, que ce soit en termes de produits de financement et de services bancaires (avals et cautions, crédit documentaire, Salam, Istisna’a, Ijara, trade ...) ou en termes d’accompagnement en financements structurés charia compliant ou en termes d’émissions de Sukuk. La gamme de produits destinée aux particuliers devrait également être élargie par la mise en place de nouveaux produits tels que le contrat Mourabaha des services pour le financement des études, la santé et les voyages. « Ce produit connaîtra un succès auprès de la clientèle à la recherche d’un financement à la consommation compatible à la charia », prévoit le rapport. Aussi, l’avenir de l’industrie Takaful au Maroc va dépendre d’un certain nombre d’éléments à savoir : la capacité du réseau bancaire participatif à drainer le maximum de clients et contribuer au développement de la taille du fonds Takaful, la capacité des EART de développer de nouveaux produits pour cibler de nouveaux clients et de nouveaux besoins et finalement la possibilité de diversifier les canaux de distribution des EART en mutualisant les agents généraux avec la maison mère et en mettant en place également un réseau d’apporteurs d’affaires pour diversifier davantage l’activité.