L’Espagne : Une vision Méditerranéenne

Dans cette analyse publiée, ce mardi 31 janvier, dans les versions imprimée et électronique du quotidien espagnol La Razón, Ahmed Charai met en exergue l’importance du partenariat hautement stratégique Maroc-Espagne. 

La Réunion mixte Morocco-Espagnole, prévue le 1 et 2 février à Rabat, les récentes déclarations du Roi Felipe VI et du Chef du Gouvernement Espagnol Pedro Sanchez, sur le partenariat avec le Maroc et sa profondeur, mettent tout l’éclairage sur cette relation.

Le Roi Felipe VI assure que «le Maroc et l’Espagne ont entamé une nouvelle phase dans leur relation bilatérale», en évoquant la prochaine Réunion de haut niveau, et il rappelle que «le voisinage naturel de l’Espagne et les liens étroits qui nous unissent dans différents domaines ne doivent pas être négligés». Le Souverain est dans son rôle en replaçant le partenariat dans la permanence qui est la sienne, du fait de l’histoire et de la géographie.

Le Chef du Gouvernement, Pedro Sanchez, devant le parlement, s’est, lui, attaché à l’actualité. «Les faits et la réalité confirment l’importance du Maroc pour l’Espagne, et pour l’Europe». Il a ensuite énuméré, dossier par dossier, les recoins d’un pacte de partenariat vital pour les deux pays, essentiel pour les deux continents.

Pourtant, pour bien comprendre ces déclarations, il faut les recontextualiser dans le cadre de l’action diplomatique, très dense, du gouvernement espagnol, qui se situe désormais comme un acteur principal de l’ensemble européen et à ce titre, comme catalyseur des relations entre le Nord et le Sud de la Méditerranée.

La guerre en Ukraine a permis de voir Madrid aux premières loges. La position espagnole a été ferme sur les principes de souveraineté, très forte dès le début de l’agression russe, contrairement à des pays d’Europe du nord, qui ont tergiversé avant de céder aux pressions américaines et de s’engager totalement auprès de l’Ukraine. Pedro Sanchez a eu une position des plus claire en affirmant que l’agression Russe visait l’Europe, que Poutine a commis une erreur stratégique, très grave, avec l’envahissement d’un pays indépendant et souverain. Le Chef du gouvernement a réitéré cette position devant les leaders des pays de l’OTAN, pour signifier l’engagement total de son pays dans cette guerre.

L’Espagne, de par sa situation géographique, est au cœur de la problématique migratoire, qui déstabilise l’ensemble des pays européens, renforce les courants régressifs, et menace même les institutions de la difficile construction de l’UE.

Aux confins de deux continents, l’Espagne connaît un niveau élevé de la menace terroriste, mais aussi du crime transnational de trafic de drogue. Sur tous ces sujets, Madrid a des positions fortes, réalistes qui lui permettent d’obtenir des résultats, et surtout d’inscrire son action dans une pérennité que peu de gouvernements peuvent revendiquer.

C’est dans ce cadre que le renouveau des relations avec le Maroc peut être le mieux appréhendé. Parce que là aussi, l’exécutif Sanchez a opéré de vraies ruptures.

Sur la lutte anti-terroriste, la coopération avec le Maroc permet de démanteler des cellules dans les deux pays et d’éviter des attentats barbares. Pedro-Sanchez a tenu à saluer l’action du Maroc contre le trafic des êtres humains, en soutenant que le contrôle marocain est performant, et que cela en fait un partenaire crédible, alors que cette action est coûteuse, au-delà du soutien financier européen, et que, fidèle à ses valeurs, le Maroc accueille sur son territoire 50.000 réfugiés subsahariens dont l’objectif initial était l’Europe.

Et puis, il y a le développement économique, unique solution au phénomène migratoire et sur lequel la coopération entre les deux pays est indispensable, mais aussi utile à leur économie. Dans ce contexte, les relations économiques hispano-marocaines ont besoin d’un nouveau discours pour contenir une réalité de plus en plus complexe: un discours de complémentarité.

L’Espagne est devenue le premier partenaire commercial du Maroc où domine le commerce intra-industriel.

Le cadre économique euroméditerranéen, avec toutes ses carences, a permis la réduction des coûts de transaction. Cette dynamique a montré que le développement économique du Maroc est positif pour l’économie espagnole, et que la croissance de cette dernière impulse aussi la croissance marocaine.

Par leur proximité, complémentarité et tissu institutionnel, l’Espagne et le Maroc sont des partenaires économiques naturels et cette "nature” de la relation requiert un discours cohérent avec ce fait.

Il serait souhaitable que ce nouveau discours puisse s’affiner le 1er février prochain à Rabat.

La réunion mixte de haut niveau devra étudier tous ses dossiers, dans un esprit de confiance et dans la concertation .

Le Roi Mohammed VI, à plusieurs occasion, a fait part de sa satisfaction quant au niveau privilégié des relations d’amitié et de coopération fructueuse unissant les deux Royaumes, basées sur le respect et l’estime mutuelle.

Le Souverain a également réitéré sa détermination à «poursuivre l'action commune pour hisser ces relations au niveau des aspirations et pour le bien des deux peuples amis».

Cette relation peut et doit devenir un modèle. Les deux pays n’agissent pas sous la contrainte de l’actualité de la politique intérieure, mais s’inscrivent dans un projet géostratégique.

C’est la démarche la plus rationnelle, loin des propagandes futiles et des petites haines dérisoires. Les deux continents, l’Europe et l’Afrique, ne peuvent que bénéficier de ce choix qui privilégie les intérêts mutuels plutôt que les effets d’annonces sans lendemain.



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