Cyber-violence. ça devient de plus en plus dangereux
Détresse et peur du scandale, le calvaire des victimes

L’association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté lance une nouvelle étape de son programme de lutte anti-violence numérique. Son objectif ? L’amélioration qualitative de l’accompagnement des victimes et des prestations des différents acteurs de cette lutte.

 87% des femmes victimes de violence numérique ont exprimé leur désir de se suicider. Enorme ? Certes, mais les chiffres révélés par l’étude réalisée en 2019 par l'Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté ne font que confirmer le constat alarmant déjà fait par le Haut Commissariat au plan dans un rapport dédié à la violence électronique. 

Chiffres en explosion

Gagnant du terrain, la violence numérique et électronique représente désormais 19 % de toutes les formes de violence à l'égard des femmes. Un chiffre qui reste assez relatif et à revoir à la hausse vu la loi du silence qui pèse sur ce type d’affaires et empêche les victimes de dénoncer leurs bourreaux. Ce pourcentage monte toutefois en flèche pour  les filles âgées de 15 à 19 ans  pour atteindre 34% et 28 % chez les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans.

Touchant près de 1,5 million de femmes, les « voies » de la cyber-violence se multiplient et diffèrent. Via e-mails, appels téléphoniques ou SMS, messageries sur les réseaux sociaux ... L’incidence de  ce type de violence est nettement plus élevée chez les jeunes femmes (29%), les diplômées de l’enseignement  supérieur (25%), les femmes seules (30%) et les étudiant(e)s (36 %).

 L’enfer des victimes

Les auteurs de ces violences sont dans 73 % des cas des hommes étrangers du milieu social de la victime. Pour le reste, ce sont, à des proportions égales (4%), soit des partenaires, des membres de la famille, des collègues ou un ami… « Des données et des chiffres qui dévoile la gravité du phénomène et ses retombées désastreuses sur la vie des victimes » affirme Bouchra Abdou, directrice de l’association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté lors de la conférence annonçant le démarrage d’une nouvelle étape de son programme « Stop violence numérique ». 

« La violence numérique est l'une des formes les plus dangereuses et des plus abominables de violence à l'égard des femmes et des filles. Ses conséquences et son impact sur l’existence des victimes restent des plus lourds et des plus nuisibles à court et à long terme », ajoute l’activiste qui est en contact permanent avec le calvaire des victimes.

Incubateur de cyber-violence

Active sur le terrain, ATEC suit ces cas depuis 2016 en misant sur la sensibilisation. et en apportant son soutien aux victimes sur les plans juridique, psychologique et social. « Avec le développement, la généralisation d'équipements informatiques et l'expansion des réseaux sociaux, ces plateformes sont devenus le principal incubateur de la violence sexiste dirigée contre les femmes et les filles dans notre pays », diagnostique Abdou en insistant sur le rôle primordial de  la sensibilisation dans la prévention de la cyber-violence.

A rappeler que l'association a lancé son premier cri en2019. « Stop Violence Numérique", est un projet pilote conçu pour contribuer à combattre le phénomène. Ceci à travers des actions ciblées et des solutions adaptées tel le centre d’écoute, le premier du genre à offrir un accompagnement psychologique et juridique aux victimes de violences numériques ou encore l’application numérique facile à utiliser « Stop Violence Numérique »permettant de signaler facilement tout abus cybernétique.

 « Les victimes de ce type de violence se sentent traquées en permanence.  Elles vivent dans la peur et la crainte du scandale. Une grande souffrance psychique qui peut les mener à la dépression et parfois même au suicide », alerte Chaimaa Ablaq, psychologue œuvrant auprès des bénéficiaires de Tahadi. 

Il est temps de fédérer les efforts

Un enfer dans lequel vivent des milliers de victimes malgré les efforts déployés par les différents acteurs. Un enfer dans  d’autre par les différents acteurs.  « Le rapprochement, la coordination et le partenariat entre les agences gouvernementales concernées, la société civile et les fournisseurs de services téléphoniques et Internet restent un besoin urgent », soutient Bouchra Abdou. Pour Zahia Aâmoumou, avocate et activiste féministe, « il est également  nécessaire de renforcer les capacités des cadres de justice, de gendarmerie et de police spécialisé dans la lutte contre la violence numérique pour une lutte efficace et un accompagnement adapté et fructueux », ajoute l’avocate.

Le  nouveau programme lancé par ATEC le 23 mai 2023, avec le soutien du Centre danois de recherche et d'information sur le genre, l'égalité et la diversité (KVINFO), se focalise sur l’amélioration des diverses interventions face à la violence numérique. « Un challenge pour nous pour renforcer le travail de terrain de la société civile afin de lutter efficacement contre le fléau sur l'ensemble du territoire national », explique la directrice de l’ATEC.  L’association a exprimé d’ailleurs son ambition d’impliquer et de coopérer « avec toutes les parties jouant un rôle direct dans la prise en charge de la problématique de la violence numérique que ce soit de manière institutionnelle ou par l'action de proximité au niveau local, régional et national » conclut Abdou.