Libre cours

Entre une poignée de main, le passage par un stand, une déclaration à la presse, la dégustation d’une datte regorgeant de vitamines, de fibres et d’antioxydants, Aziz Akhannouch, tout à son bonheur cinémascope et eastmancolor de super ministre, ne boude pas son plaisir et ça se voit. A peine s’il ne se touche pas. D’Errachidia à Erfoud en survolant Aoufous, le ministre de l’agriculture fait le plein d’énergie pour faire carburer une région qui en a vraiment besoin et que l’atout de berceau des Alaouites n’a pas beaucoup favorisé.Allez chercher là, dans l’aridité de son sol, dans ses espaces pierreux et calcaires, dans son climat rugueux, l’émergence d’une classe moyenne rurale souhaitée par le Roi Mohammed VI pour la campagne marocaine.

La dernière fois où je m’y suis rendu, début des années 2000, le chef-lieu du Tafilalet m’avait laissé l’impression d’une ville sur laquelle l’écoulement du temps, en dehors des rides, n’avait pas grande prise. Immuable dans son passé glorieux, entourée des vestiges desksourstémoinsdebiendeguerresqualifiéesparLéonl’Africaindeviolenteset acharnées. A peine si le Tafilalet ne pleurait pas les époques où il est à la confluence

des caravanes de commerce de retour ou à destination du Soudan. La vallée du Ziz, avais-je alors écrit, une forêt de palmiers mythique qui a servi aux hommes autant de mère nourricière, de refuge contre les chaleurs torrides de l’été que d’asile aux guerriers battus, languit de son passé.

Le Tafilalet est l’expression même de la migration des espaces vers des états moins heureux. L’importance de la région n’a pas résisté aux révolutions politiques et économiques du 18ème siècle, pour passer de centre à la marge. En 1975 et 76, elle émerge des tréfonds de l’histoire pour prendre sa part de gloire de la Marche verte en en prenant la tête avant de replonger dans sa longue sieste. « La délégation de Ksar Es-souk, c’était le nom encore d’Errachidia, ouvre la Marche » lancée pour la récupération du Sahara, s’égosille au micro Seddik Maaninou, commentateur vedette de la RTM. Je ne me rappelle plus s’il avait évoqué le sens de la symbolique en précisant que cet honneur échoyait au Tafilalet rampe de lancement de la dynastie alaouite, mais l’intention y était certainement.

Seddik Maaninou a le vague souvenir que le meeting de mobilisation à Ksar Es-souk avait été présidé par l’actuel Souverain, le Prince héritier Sidi Mohammed. Dans la féerie de l’épopée, Hassan II avait rebaptisé la ville, désormais Errachidia, en hommage au Sultan Moulay Rachid (1667-1672) qui a assis en une si courte durée le pouvoir alaouite.

Est-ce un hasard si Aziz Akhannouch a entamé précisément ici son action-réflexion « stratégique globale et ambitieuse pour le développement » de la campagne marocaine dont l’a chargé le Roi ? Franchement je n’en sais rien. Quoi qu’il en soit, le Tafilalet vaut le détour, et à la fin de cette chronique je suis en train de me promettre d’y retourner. Pas pour Mrzouga, ses dunes ou son arénothérapie, en vernaculaire bains de sable. Sur ce créneau, les touristes exogènes feront mieux l’affaire. Mais pour une randonnée dans la phoeniciculture, un terme que je viens d’apprendre et qui signifie en clair la culture du palmier dattier. C’est que, à en croire Passeportsanté, les dattes sont bénéfiques contre plusieurs maladies, d’Alzheimer à la baisse de lalibido. Mais diabétiques vaut mieux s’abstenir.