Révolution Fiscale : La TVA marocaine en mutation
La réforme de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sera mise en œuvre progressivement sur une période de trois ans

La réforme de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sera mise en œuvre progressivement sur une période de trois ans à partir de l’année prochaine. Que recommandent les professionnels ?

La réforme de la TVA, très attendue par les acteurs économiques, sera mise en place progressivement sur une période de trois ans à partie de 2024. L’annonce a été faite par le ministère de l’économie et des finances dans son rapport d’exécution budgétaire et de cadrage macroéconomique triennal. Selon le même document, cette réforme vise essentiellement à parvenir à une convergence progressive des taux de TVA, dans le but de réduire les contraintes pour les entreprises. À l'horizon 2026, elle vise à établir deux taux cibles : un taux normal de 20 % et un taux réduit de 10 %. Il s’agit aussi d’élargir l’exonération à certains produits de base de large consommation (médicaments, fournitures scolaires…) et la rationalisation de certaines exonérations de la TVA, outre la rationalisation des incitations fiscales et des régimes dérogatoires. Le fiscaliste et l’expert comptable Mohamed Soloh note que la dite réforme vise essentiellement la consécration du principe de la neutralité de la TVA à travers des dispositions fiscales claires et nettes permettant aux opérateurs de ne plus subir les conséquences de la non-neutralité de la TVA dans certaines opérations, notamment par l'élargissement de la récupération de la TVA à des opérations à caractère économique, telles que les frais de mission et de réception, les déplacements… Il ajoute aussi que l'harmonisation des taux de TVA pour les ramener à seulement deux taux, comme cela a été recommandé lors des assises sur la fiscalité, est une autre mesure nécessaire.

Remboursement de la TVA

L'expert souligne également que le remboursement des crédits de TVA constitue le principal défi à relever pour garantir la neutralité de cette taxe, comme c'est le cas dans d'autres pays. « Malgré des progrès réalisés dans ce domaine, certains dossiers demeurent en suspens en raison de contraintes budgétaires et administratives persistantes », déplore-t-il.

Par ailleurs, Soloh préconise le renforcement du processus de digitalisation de la TVA, en particulier en ce qui concerne la procédure de remboursement. Il fait remarquer que, bien que la partie "assiette" de l'administration fiscale ait été informatisée, la partie "recouvrement" nécessite une modernisation. Cette démarche permettrait aux entreprises de suivre l'état d'avancement de leurs demandes de remboursement et de rester informées à ce sujet.

Intégration du secteur informel

Selon Soloh, une réforme fiscale réussie devrait impérativement tenir compte de l'intégration du secteur informel. Il souligne que la TVA ne couvre pas de vastes segments de l'économie. De nombreux circuits de production et de distribution demeurent en dehors du champ d'application de la taxe, ce qui aggrave la charge fiscale supportée par le secteur formel, notamment par les entreprises les plus transparentes.

La vision du patronat

La CGEM a de son côté formulé plusieurs recommandations concernant la réforme de la TVA. Cette organisation patronale préconise la redéfinition du champ d'application de la TVA, la révision des exonérations fiscales, et l'extension du droit à la déduction et au remboursement de la TVA, tout en réduisant le nombre de taux de TVA à deux, tout en maintenant le taux de 0%. De plus, la CGEM suggère de réviser la base imposable de la TVA, en excluant notamment les taxes spécifiques du calcul de cette base, ainsi que la révision du système des admissions temporaires.

Dans le secteur touristique, la CGEM appelle à soutenir la reprise et la croissance de ce secteur en généralisant le taux de TVA de 10% à l'ensemble de l'industrie touristique, y compris les recettes accessoires des établissements d'hébergement touristique.

Vers une réduction de la TVA sur les produits de première nécessité

Sur le volet social, le gouvernement prévoit de réduire la TVA sur les produits de première nécessité, conformément aux déclarations du ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaâ, à la Chambre des représentants il y a quelques semaines. L'objectif est de soulager les familles du fardeau de la vie chère. Fouzi Lekjaâ a également annoncé que les réformes fiscales, entamées en 2020, se poursuivront en 2024 avec une série de réformes sur la TVA visant à la rendre plus équitable sans affecter les entreprises. Le gouvernement envisage également de réduire la TVA sur les produits de première nécessité, tels que les médicaments et les fournitures scolaires, dans la mesure du possible.

Une affaire complexe

Selon Soloh, une réforme fiscale doit être une réflexion complexe prenant en compte des enjeux sociaux, économiques et budgétaires. Il illustre cette complexité avec l'exemple des hydrocarbures. Selon lui, la hausse des prix internationaux n'est pas la seule raison de la cherté de ces produits. Il pointe du doigt le système de TVA proportionnelle, où le montant de la taxe augmente à mesure que le prix des produits augmente, ce qui inclut également la Taxe Intérieure de Consommation (TIC). Cette taxe génère des revenus importants pour le budget de l'État.

Ainsi, si le gouvernement décide de réduire les taxes sur les carburants, cela se traduirait par une perte de recettes significative pour l'État. Il devient donc difficile de prendre des mesures fiscales qui pourraient perturber les équilibres macro-économiques. Cependant, il est également important de considérer l'impact de ces mesures sur la population. Dans ce contexte, Soloh suggère qu'il serait préférable d'adopter un taux de TVA fixe pour les hydrocarbures, offrant ainsi une plus grande stabilité fiscale.