Said Guemra : « Les futurs douars pourraient devenir des exemples de développement durable »
Said Guemra, expert en management dans le domaine de l'énergie.

Après le séisme, la phase de reconstruction s'amorce, avec une vision novatrice axée sur la création de douars autonomes en énergie. Pour nous éclairer sur cette initiative, nous avons sollicité l'expert en management dans le domaine de l'énergie, Said Guemra.

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Vous travaillez aujourd’hui sur un concept novateur de douars autonomes en énergie pour les villages touchés par le séisme. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette initiative ?

Said Guemra : Après le discours de Sa Majesté le Roi en août 2019, qui a mis en avant le développement rural, nous avons commencé à travailler sur la création de villages de développement rural, que nous appelons des douars autonomes en énergie. L'idée fondamentale est de concevoir des villages où les énergies renouvelables joueront un rôle central. Après le récent séisme, le sujet devient encore plus urgent et pertinent. Le séisme a mis en évidence la vulnérabilité des zones rurales et la nécessité de repenser leur résilience. Ces douars autonomes en énergie sont une réponse directe à cette situation. Il s'agit de créer des communautés capables de subvenir à leurs besoins énergétiques grâce aux énergies renouvelables, tout en favorisant le développement économique local. En d'autres termes, les énergies renouvelables deviennent le moteur de la reconstruction et du développement durable de ces zones touchées par le séisme.

Mais en quoi consiste exactement ce concept de douars autonomes en énergie ?

L’idée est de rendre ces douars autonomes en énergie grâce aux sources renouvelables, et ce, à un coût abordable. Pour la construction, des chercheurs marocains ont mis au point des modèles de maisons antisismiques en réponse à l'appel royal visant à reconstruire les zones touchées par le séisme. Ces maisons sont spécialement conçues pour résister aux secousses sismiques et assurer la sécurité des habitants. L'une des grandes avancées de ce projet est l'utilisation de matériaux locaux pour la construction des maisons antisismiques. Cela réduit considérablement les coûts et favorise le développement local. Les chercheurs ont réussi à mettre au point des techniques de construction utilisant des matériaux facilement disponibles dans la région.

Le volet énergétique repose sur deux principaux piliers : l'utilisation des énergies renouvelables et des équipements à très haute efficacité énergétique. Selon notre modèle, chaque logement aurait une consommation énergétique quotidienne d'environ 2 kWh, grâce à l'utilisation d'appareils économes en énergie, tels que des réfrigérateurs et des éclairages LED. Pour 60 logements, cela représenterait environ 120 kWh, soit la consommation électrique moyenne d'un ménage en ville. Il est à noter que l'énergie éolienne à petite échelle permet d'assurer une alimentation électrique continue, 24 heures sur 24, lorsqu’elle est couplée à des systèmes de stockage tels que les batteries. Une opportunité majeure réside dans le fait que ces ménages ont des besoins énergétiques relativement modestes. L'énergie solaire jouerait donc un rôle clé dans ces douars. Avec une consommation électrique moyenne similaire à celle des logements sociaux, l'énergie solaire pourrait répondre à une grande partie des besoins électriques. . De plus, elle pourrait être utilisée pour le pompage de l'eau et même pour le chauffage de l'eau à des fins collectives. Le recyclage de l'eau serait également intégré dans le concept global.

Quid du coût global de ce genre d’habitations ?

Le coût projeté pour chaque logement dans ce plan est estimé à environ 100 000 dirhams, couvrant tous les aspects, de la construction antisismique à la mise en place de technologies reposant sur les énergies renouvelables. Nous considérons que c'est un investissement judicieux qui apportera des avantages à long terme aux communautés affectées par le séisme.

Quels avantages apporterait ce concept aux habitants des douars ?

Les avantages sont multiples. Les habitants bénéficieront de logements à haute efficacité énergétique, d'une source d'énergie renouvelable fiable et abordable, et de nouvelles opportunités d'emploi grâce aux activités génératrices de revenus tels que l’écotourisme, les coopératives…En outre, cette initiative contribuera à préserver l'environnement en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Les futurs douars, réaliseront ainsi leur transition énergétique bien avant les villes.

Qu’en est-il de la mise en œuvre de ce projet ?

L'idée centrale de ce projet consiste à créer un douar pilote comprenant entre 15 et 20 logements. Moyennant certaines adaptations ultérieures, ce douar pilote pourrait servir de modèle reproductible ailleurs, tout en arborant fièrement le label "100% renouvelables". bénéficiant du label "100% renouvelables". Bien entendu, il subsiste des défis à relever, notamment dans le domaine de la santé, mais nous sommes encouragés par l'engagement des chercheurs à contribuer à ce projet. Nous invitons aussi le secteur privé, le ministère de la transition énergétique, ainsi que celui de l'habitat, à se joindre à notre réflexion commune pour concrétiser ce tout premier douar. Ce dernier devra être conçu de manière à répondre aux besoins spécifiques de la région, tout en demeurant évolutif et en prévoyant des infrastructures essentielles telles que des mosquées et des écoles.